GRANDS GROUPES HÔTELIERS, ENTRE BONNES MESURES ENVIRONNEMENTALES ET GREENWASHING TROMPEUR
La plupart des grands groupes hôteliers dans le monde ont de plus en plus intégré des politiques de respect de l’environnement à leurs stratégies globales.
L’objectif est à la fois de satisfaire les exigences réglementaires, les objectifs RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) que ces groupes s’imposent de plus en plus comme toute multinationale, ainsi que les attentes de leurs clients, même si le critère environnemental est encore peu présent chez les voyageurs dans leurs recherches et sélections des hôtels.
Plus précisément encore, mais moins sujet à fanfaronnade, « écologie rime avec économies » et cela fait forcément plaisir aux actionnaires.
Voici les mesures environnementales les plus courantes prises par les GRANDS GROUPES HÔTELIERS :
1) RÉDUCTION DE LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE
- Éclairage LED : Remplacement des ampoules traditionnelles par des LED.
- Utilisation croissante d’énergies renouvelables.
- Capteurs de mouvement dans les couloirs d’étages.
- Systèmes de gestion de l’énergie : Utilisation de technologies domotiques pour contrôler le chauffage, la climatisation et l’usage électrique (maintenant avec l’IA).
- Suivi de la consommation énergétique avec des outils comme Smart Room.
Exemples :
- – Marriott déclare avoir réduit de 18 % sa consommation énergétique depuis 2007.
- – Hilton a mis en place un système interne, LightStay, pour suivre la consommation d’énergie.
2) GESTION ÉCONOME DE L’EAU
- Réducteurs de débit sur les robinets et les douches.
- Systèmes de recyclage des eaux grises (ex : pour l’arrosage des jardins).
- Programmes de réutilisation des serviettes et draps.
Exemple :
- – Accor a un objectif de réduction de 45 % de sa consommation d’eau par nuitée d’ici 2030.
3) RÉDUCTION DES DÉCHETS
- Élimination des plastiques à usage unique et en général : gobelets, pailles, bouteilles, miniatures de shampoings / gel douche (remplacés par des distributeurs rechargeables en plastique recyclé ou d’origine végétale), micro-emballages de produits de petit-déjeuner, etc.
- Compostage des déchets alimentaire, sachant qu’en France, depuis le 1er janvier 2024, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) impose à tous les professionnels, y compris les hôteliers et restaurateurs, de trier à la source leurs biodéchets, indépendamment du volume produit. Les biodéchets sont ensuite compostés sur place ou collectés par des prestataires spécialisés.
- Tri sélectif dans les chambres et les zones communes.
Exemple :
- – IHG (InterContinental Hotels Group) s’est engagé à éliminer les articles en plastique à usage unique dans tous ses établissements en filiales ou en mandats de gestion.
4) ACHATS DURABLES & ALIMENTATION RESPONSABLE
- Alimentation avec priorité donnée au local, bio et de saison dans les restaurants.
- Réduction du gaspillage alimentaire avec des outils de mesure (ex : Winnow).
- Sourcing responsable : café, chocolat, fruits de mer issus de filières durables.
- Suppression des œufs, viandes (dont charcuteries) issus des batteries d’élevage et non respectueux du bien-être animal.
- Suppression du poisson issu de la pêche en eaux profondes.
Exemple :
- – Hyatt privilégie les produits locaux dans ses menus à travers le programme « Food. Thoughtfully Sourced. Carefully Served. »
5) CONSTRUCTION DURABLE
- Certification environnementale des bâtiments : LEED, BREEAM, HQE…
- Utilisation de matériaux recyclés ou biosourcés.
- Toitures végétalisées ou panneaux solaires sur les bâtiments.
Exemple :
6) SENSIBILISATION DES CLIENTS & EMPLOYÉS
- Affichages dans les chambres pour inciter les clients à un comportement écoresponsable.
- Formations internes pour le personnel sur les pratiques durables.
- Programmes de fidélité des clients récompensant les comportements verts (ex : refuser le ménage en cas de recouche).
FAIRE PORTER LA RESPONSABILITÉ AUX CLIENTS EST BORDER-LINE
Ces mesures, qui vont dans le bon sens, sont forcément louables. Bien entendu, nous parlons ici des grands groupes hôteliers. Mais, des petites chaînes et de nombreux hôtels indépendants appliquent évidemment eux aussi, peu ou prou, ces promesses.
Pour autant, beaucoup de ces engagements ne sont ni nouveaux ni révolutionnaires.
On peut cependant trouver limite de déporter vers les clients d’hôtels, le cas échéant, la responsabilité de réaliser des économies ou de faire attention au gaspillage. Les étiquettes collées dans les salles de bains à cette fin ont des requêtes qui vont parfois jusqu’à culpabiliser. La démarche donnent en cela plutôt envie de se mettre en rébellion, avis de clients à l’appui.
Tout comme chauffer les chambres à 19°C en hiver (17°C pour les couloirs d’étages et espaces communs) comme l’avait annoncé Accor (dévoilé le 6 octobre 2022) avec un prétexte écologique, qui n’a dupé personne. En réalité, le groupe avait à rattraper les pertes enregistrées durant la crise du Covid. Accor n’a pas renouvelé cette annonce malheureuse de nature à clairement faire fuir les clients et à produire une e-réputation assassine.
Des solutions techniques qui consistent à réduire le débit ou la pression de l’eau des douches sont par ailleurs de fausses bonnes idées. Le résultat est que les utilisateurs vont faire couler l’eau plus longtemps en se douchant. Réduire la contenance des réservoirs des WC va pousser les gens à tirer plusieurs fois la chasse d’eau pour évacuer. Aucune économie n’est alors à espérer de ces deux pas si bonnes approches (lire notre analyse sur le sujet).
Opter pour des solutions faites pour l’habitat et les particuliers — qui font attention à leur consommation — dans des hôtels pour des clients qui n’ont aucune raison de s’impliquer, c’est se tromper d’approche. Ces derniers seront d’autant moins sensibles au sujet que tout le bénéfice va à l’hôtelier et pas à eux.
Plus globalement, et nos études le confirment, si les voyageurs sont prêts à faire des efforts pour le respect de l’environnement à l’hôtel, ils comptent surtout sur les hôteliers pour générer ce travail et mettre en place les bonnes réponses techniques, sans forcément mettre les clients à contribution.
Trouvant déjà les hôtels chers (6 voyageurs européens sur 10), on peut comprendre que ces derniers ne veuillent pas qu’on leur impose trop de contraintes. Chez Nomad Hotels on a trouvé le bon arrangement : réduire la facture si les clients limitent leur consommation d’eau et/ou de serviettes. Si cela ne rapporte pas nécessairement beaucoup (1 ou 2 €), au moins c’est ludique et un message tel que « vous profitez vous-même de vos efforts » passe bien.
En matière de construction, on reste en revanche encore loin d’hôtels façon « maison passive », habitation durable et écoénergétique, comme on en trouve massivement en Suède, par exemple.
DES GROUPES HÔTELIERS AVEC UN SOUCIS ENVIRONNEMENTAL CRÉDIBLE
Les opérateurs comme Accor, Hilton, Marriott, et même IHG (dont Holiday Inn) ont été critiqués dans le passé, mais semblent aujourd’hui plus transparents, publient des rapports RSE complets et paraissent s’engager dans des démarches certifiées qui sont plus sincères (science-based targets, partenariats avec des ONG, etc.).
Mais, en hôtellerie comme dans de nombreux autres secteurs d’activité, le greenwashing est monnaie courante.
« LE PREMIER ENNEMI DE L’ENVIRONNEMENT EST LE GREENWASHING »
Le greenwashing (ou écoblanchiment) désigne une stratégie de communication trompeuse utilisée par une entreprise, une marque ou une organisation, qui cherche à se donner une image écologiquement responsable sans que cela corresponde à la réalité de ses pratiques.
Pour que l’arbre puisse cacher la forêt ou encore pour faire prendre les vessies pour des lanternes, on utilise à dessein un vocabulaire flou ou vague comme « naturel », « vert », « écoresponsable », « respectueux de l’environnement »… sans preuve.
Le terme « greenwashing » a été inventé dans les années 1980 par le chercheur écologiste Jay Westerveld pour dénoncer les pratiques douteuses d’hôtels qui demandaient aux clients de réutiliser leurs serviettes « pour sauver la planète »,… alors que c’était surtout pour réduire les coûts.
COMMENT DÉMASQUER LE GREENWASHING EN HÔTELLERIE ?
Excellente question, et pas toujours facile à trancher ! Pour les groupes hôteliers et chaînes, le greenwashing se repère souvent quand les déclarations ne sont pas suivies d’actions concrètes, mesurables ou vérifiables. Bref, on embellit, on ment et on exagère ce qui ne mérite pas de l’être.
Voici quelques points clés à connaître (sans que cela ne soit exhaustif) ou comment repérer le greenwashing dans l’hôtellerie ?
• Absence de chiffres ou d’objectifs mesurables :
→ « Nous sommes engagés pour la planète » : sans détail ni preuve.
• Labels flous ou maison :
→ Création de leur propre « label vert » non reconnu ou non audité par des tiers spécialisés et indépendants.
• Mise en avant d’initiatives marginales :
→ Installer un hôtel « écolo » vitrine ou pilote, pendant que les autres établissements de la chaîne continuent comme avant à ne pas l’être.
• Communication démesurée :
→ Beaucoup de buzz marketing autour de micro-changements ou engagements futiles (ex : supprimer les micro-emballages de produits d’accueil… mais continuer à gaspiller ailleurs).
→ « Serviettes non lavées = engagement écologique » : souvent utilisé comme levier marketing, mais sans véritable stratégie globale.
→ « Aidez-nous à sauver la planète : réutilisez vos serviettes » : L’injonction s’adresse aux clients alors que l’hôtel continue des pratiques polluantes. Aucune information sur ce que l’hôtel fait lui-même (eau, lessive, énergie, gaspillage, etc.) à propos du linge de toilette. Utilisé comme excuse pour réduire les coûts, pas l’impact environnemental.
→ « Nous éliminons les pailles en plastique pour sauver les océans » : Aucune autre mesure n’est prise sur les bouteilles, emballages ou produits d’accueil. Aucune donnée sur le volume de plastique réellement économisé.
→ « Un groupe hôtelier qui parle de « préserver l’environnement » tout en sponsorisant des événements très polluants ».
→ « Nous utilisons des œufs bio ou de plein air », mais les produits laitiers et les viandes servis au restaurant sont issus d’élevages en batterie.
→ Une entreprise qui exagère, voire invente, l’impact positif de ses actions dans ses publicités ou ses rapports d’activité et/ou communiqués de presse.
À noter que s’il existe des labels écologiques en hôtellerie, peu d’hôtels y adhèrent en France, ce qui ne signifie pas que les autres hôteliers ne sont pas sensibles à la question. Il faut ajouter que les voyageurs ne sont pas nombreux à connaître des certifications ou des labels environnementaux, qui sont donc pas des leviers commerciaux. Même si initialement ce n’est pas leur but. Lire notre analyse « Hôtellerie et écologie, un mariage difficile ».
L’IA AUSSI PEUT AIDER LES HÔTELIERS DANS LEUR DÉMARCHE ENVIRONNEMENTALE
L’intelligence artificielle (IA) peut aider les hôteliers à adopter des pratiques plus écologiques de plusieurs façons. Voici quelques exemples concrets :
- Optimisation de la consommation d’énergie
L’IA peut gérer automatiquement le chauffage, la climatisation et l’éclairage en fonction de l’occupation des chambres ou des zones communes. Si on souhaitait aller plus loin et pour peu que cela soit acceptable, les systèmes intelligents pourraient apprendre les habitudes des clients pour ajuster les réglages de manière économe.
- Réduction du gaspillage alimentaire
Dans les restaurants d’hôtels, l’IA peut analyser les données de consommation pour mieux prévoir la demande et ajuster les quantités préparées. Cela peut aller jusqu’à anticiper les stocks. Elle peut aussi aider à concevoir des menus basés sur des ingrédients de saison ou locaux.
- Gestion intelligente de l’eau
Des capteurs couplés à l’IA peuvent détecter les fuites ou surveiller la consommation d’eau dans les chambres, les cuisines ou les espaces verts. L’IA peut aussi recommander des pratiques pour économiser l’eau en fonction de l’usage réel.
- Maintenance préventive
Grâce à l’analyse prédictive, l’IA peut détecter quand un équipement commence à dysfonctionner et programmer une maintenance avant qu’il ne devienne trop énergivore ou ne tombe en panne.
- Optimisation des transports et des livraisons
Pour peu que cela intéresse les hôteliers, l’IA peut optimiser les trajets pour les fournisseurs, réduisant ainsi les émissions de CO2 liées au transport. Elle peut également aider à regrouper les commandes pour limiter les déplacements et les frais de port.
- Sensibilisation des clients
Les hôtels peuvent utiliser des assistants vocaux ou des applications basées sur l’IA pour encourager les clients à adopter des comportements écoresponsables : tri des déchets, réutilisation des serviettes, économie d’eau, etc.
- Analyse et amélioration continue
L’IA peut agréger et analyser des données sur la performance environnementale de l’hôtel (énergie, eau, déchets, etc.) pour identifier des pistes d’amélioration.
Mark Watkins




