12 QUESTIONS SUR LA FIDÉLISATION DE LA CLIENTÈLE HÔTELIÈRE
On se souvient tous des films « L’hôtel de la plage » ou « Les vacances de Monsieur Hulot », avec ces vacanciers qui reviennent inlassablement chaque année dans le même hôtel. On y croisait les immanquables ronds de serviette, la pension complète, la bouteille de vin que l’on marque à la fin du repas, les retrouvailles entre clients habitués aux préférences inchangées.
Autrefois encore très courant, ce scénario s’est largement perdu dans l’hôtellerie d’aujourd’hui, vivant surtout de courts à très courts séjours (1,8 jour en moyenne au plan nationale). Pour autant, il existe toujours des clients fidèles. Mais, la forme a nettement changé.
Enfin, il faut se souvenir (mais est-il vraiment besoin de le rappeler ?) que les clients n’appartiennent à personne (sinon à eux-mêmes) et aussi que l’on ne les contraint pas à être fidèles.
La fidélisation hôtelière n’a pour base que les intérêts que le client trouve à retourner dans un hôtel s’il en a l’occasion. C’est un acte volontaire de sa part.
EN RÉSUMÉ — la fidélisation en hôtellerie :
- On se fidélise en hôtellerie (mais pour le commerce c’est la même chose) avant tout pour des raisons pratiques et rationnelles. Pas affectives.
- Les programmes de fidélisation ne créent pas la fidélité.
- Le premier motif de fidélisation : un hôtel qui plaît et satisfait.
- L’attachement n’est plus de mise.
1) – Qu’est-ce qu’un client d’hôtel fidèle ?
La réponse ne surprendra pas vraiment : c’est un client qui revient dans le même hôtel au gré de ses séjours dans la destination. Il y a ceux qui optent toujours pour le même hôtel qu’ils trouvent pratique, agréable, bien placé. Il y a même des « multi-fidèles » qui varient leurs plaisirs en se rendant dans des hôtels différents dans la ville, selon leurs envies. Ils restent alors fidèles non pas à un hôtel, mais à plusieurs.
Ce dont on est sûr, c’est que la fidélité laisse doucement sa place à l’infidélité, devenue culturelle. On appellera cela le zapping ou le papillonnage. D’après nos études, ils sont 17 % de clients d’hôtels à se déclarer fidèles à un ou plusieurs établissements hôteliers, contre 38 % en 2009. C’est Internet et ses mille possibilités qui a largement favorisé ce phénomène, y compris pour les « chasseurs de primes » toujours à la recherche du bon plan qui suppose de changer régulièrement de crémerie.
Des tarifs de chambres exagérément élevés et qui fluctuent de trop, sans tenir du statut de client régulier et fidèle, peuvent également être à l’origine d’une logique désaffection.
2) – Qu’est-ce que la fidélité dans le commerce ?
« C’est le respect de l’engagement pris envers quelqu’un qui montre un attachement constant ». Mais on ne parle pas en affaires d’une relation affective. Autant dire que l’on ne se fidélise pas à un hôtel pour faire plaisir à l’hôtelier.
Au moment où tout ce qui relève de la fidélité et de l’engagement a du plomb dans l’aile, il est difficile de parler d’attachement quand un client se rend plusieurs fois dans le même hôtel (ou la même chaîne). Son choix est pratique et ne relève que de son intérêt propre. Même s’il finit par aimer là où il va. Il ne considérera jamais qu’il doit quelque chose à l’hôtel/hôtelier et ne culpabilisera jamais d’en choisir un autre, d’en changer. Il n’y a ni allégeance, ni loyauté, ni obéissance de sa part. Après tout, c’est de son argent qu’il s’agit et de sa liberté de choix.
Il serait par conséquent incorrect de comparer la fidélité dans un couple avec celle qui existe entre un client et son prestataire/fournisseur. Contrairement à ce que l’on peut penser, il y a très peu d’affectif dans le second cas. Le pragmatisme l’emporte.
C’est encore une fois d’abord et surtout pour des raisons rationnelles que l’on retourne dans un hôtel. Son bon emplacement, son confort, son décor, ses services pratiques et le bon prix sont les moteurs principaux de la fidélisation. C’est seulement passé ces « basiques » que le cœur pourra éventuellement parler par l’appréciation d’un bon relationnel avec le personnel, par exemple.
3) – Qui sont les clients fidèles ?
Ceux qui ont des raisons de revenir… dans la destination. Car on oublie trop souvent que les clients d’hôtels sont avant tout des personnes qui ont des choses à faire dans le lieu où se trouve leur hébergement : pour affaires et motifs professionnels, pour des loisirs et motifs privés. On ne se déplace pas, ni on ne se rend dans un hôtel pour lui-même.
Le taux moyen de fréquence de séjours hôteliers étant plus élevé chez la clientèle d’affaires, il y a des chances pour qu’on trouve les habitués surtout dans ce segment. Mais, un client de loisirs, qui réalise au maximum 3 séjours par an en moyenne à l’hôtel, mais statistiquement plus souvent 1 par an à 1 tous les 3 ans, pourra être fidèle, mais à une fréquence bien sûr moindre : retourner dans le même hôtel pour un nouveau séjour au bout de 3 ou 4 ans.
Le temps des hôtels où l’on se rendait chaque année en vacances, immuablement, et pour plusieurs semaines a disparu. Même chez les personnes âgées, qui aiment elles aussi changer.
4) – Quel intérêt pour un hôtelier d’avoir des clients fidèles ?
Il circule depuis des années que « fidéliser un client coûte 11 fois moins cher que d’en recruter de nouveaux ». A noter que le « 11 fois », devient parfois 3 fois, 5 fois ou d’autres chiffres, selon les narrateurs qui en font leur lit et qui sortent ces statistiques de leur chapeau. Cette estimation, que personne n’a jamais réussi scientifiquement à calculer, sert surtout à illustrer le propos de « il vaut mieux des clients qui reviennent que des clients qui ne le font pas ».
Quoi qu’il en soit, un client qui revient est en principe un client content (ou masochiste), ce qui en soi a déjà de quoi faire plaisir à un hébergeur. Et puis des voyageurs qui réapparaissent forment un fonds de commerce et rassurent sur le planning.
Pour autant, au même titre qu’il faut faire des efforts et accepter d’engager des moyens pour recruter de nouveaux clients, entretenir la fidélité en demandera également. Ce qui fait penser que malgré tout, fidéliser coûte presque aussi cher en temps, en efforts, voire en budget, que de prospecter, si on le fait bien.
5) – Fait-on l’effort de d’identifier les clients fidèles ?
Aussi étrange que cela puisse paraître, il est fréquent que les hôteliers ne sachent pas identifier leurs clients réguliers ou ne cherchent pas à le faire. Or, quoi de plus vexant pour un client dans cette situation que de se voir à chaque fois demander s’il est déjà venu dans l’hôtel au moment de son check-in ou de sa réservation par téléphone !
Les moyens technologiques courants permettent pourtant de savoir dès la réservation si l’on a affaire à un « déjà venu » ou non. À visage déjà vu, il est bon de s’intéresser à qui l’on a affaire.
Une fois identifié comme client habitué ou ayant déjà séjourné, on devrait en profiter pour engager des conversations avec lui, ne serait-ce que pour savoir pourquoi cette personne revient dans votre destination et plus spécialement chez vous, et ainsi estimer quelle sera sa fréquence de séjours dans l’année.
6) – Qu’est ce qui fidélise un client d’hôtel ?
Si le bon accueil des clients fidèles (à la condition de les identifier, de les reconnaître et de les traiter de manière différenciée et privilégiée) est un plus et si les petites attentions entretiennent la fidélité, le premier moyen d’encourager des clients à revenir dans son établissement, lesquels ont l’occasion de re-séjourner dans la destination, est avant tout la qualité de la prestation. Rien de moins, rien de plus. Il faut être satisfait d’une offre pour la racheter, d’un séjour dans un hôtel pour y retourner.
Le bon traitement des réclamations éventuelles sera également un atout : écoute, réaction et action pour réparer/ rectifier les dysfonctionnements signalés. Enfin, les primes, les sourires et les réductions ne pourront jamais compenser des chambres sordides et des déceptions à la chaîne durant le séjour.
7) – Un programme de fidélité peut-il fidéliser ?
Oui, mais de moins en moins. Nos études sur le sujet indiquent que les réductions accordées par l’achat de cartes de fidélisation ou encore les marques de reconnaissance ne sont pas suffisantes pour encourager des clients de revenir (à la condition qu’ils en aient l’occasion).
Seulement 19 % des clients d’hôtels sont possesseurs d’une carte de fidélité d’hôtels ou de chaînes, ou inscrits dans un programme hôtelier de fidélisation, tandis que 4,5 voyageurs d’affaires sur 10 vont à l’hôtel entre 1 fois par semaine et 6 fois par mois ! Ils étaient 26 % en 2010 et 22 % en 2015 à être inscrits dans un ou plusieurs programmes de fidélisation en hôtellerie. Cela baisse !
Plus embêtant, à peine 8 % utilisent vraiment leur carte de fidélité, surtout quand elle est gratuite (en la payant, on est davantage impliqué). On télécharge des applis mais on les oublie dans un coin de son smartphone…
Donc, toute cette armada de moyens pour des programmes parfois fort coûteux est-elle vraiment si utile pour si peu ? Il y a aujourd’hui, trop de cartes et d’applications dans tous les commerces, y compris l’hôtellerie ! Les gens n’ont plus envie de les collectionner, surtout quand ils doivent eux-mêmes se signaler comme clients habitués pour faire fonctionner le système. Une aberration !
Et puis, les consommateurs ne veulent plus s’enfermer dans des marques ou chez des prestataires ; ils aiment varier les plaisirs. On veut la liberté. Et changer de commerces et de commerçants en fait partie. Même les entreprises s’y sont mises dans leurs politiques de voyages et n’obligent plus leurs collaborateurs à fréquenter telle ou telle chaîne. Elles demandent juste que les plafonds de budgets d’hébergement soient respectés.
Quant aux réductions accordées, 3/4 des porteurs de cartes de fidélité les trouvent non motivantes, insuffisantes, voire mesquines. Pour eux, moins de 15 % de réduction sur le prix de la chambre est considéré comme inintéressant.
Enfin, les politiques de yield management en hôtellerie (tarifs qui peuvent aller du simple au triple, selon la période) qui ne garantissent plus des prix constants aux clients fidèles, même bénéficiaires (payants) d’un programme de fidélisation, finissent par tuer toute envie chez les voyageurs de s’attacher.
Les voyageurs d’affaires ont plus souvent recours aux contrats corporate où l’hôtelier accorde un tarif spécial en contrepartie d’une volume minimal de chambres louées par le client dans l’année, contrat revu chaque année.
8) – La carotte, est-ce que ça marche ?
Non. Ni le bâton, d’ailleurs. Plutôt que de promettre des avantages, des cadeaux et des primes pour que les clients consomment plus et plus souvent, eux veulent des remerciements. Ils souhaitent qu’on les reconnaisse comme clients fidèles — sans qu’ils aient à chaque fois l’obligation de le faire eux-mêmes — et que l’hôtelier sache les récompenser naturellement d’être fidèles. La démarche sous cette forme est suffisamment rare pour en parler ici.
9) – Quel sont les types de primes de remerciement qui peuvent plaire ?
Les gros consommateurs de séjours et de nuitées hôteliers se partagent schématiquement en deux camps :
– Ceux qui sont sensibles aux cadeaux, voyages, réductions, petits déjeuners offerts, etc. Bref, des choses surtout matérielles.
– Ceux qui préfèrent plutôt de la reconnaissance et des attentions : chambre surclassée, panier de fruits et boissons dans la chambre, accès gratuit au spa de l’hôtel, check-in/check-out rapides ou en coupe-file, accès facilité à des services VIP, etc.
Le public sensible à ces seconds signes de reconnaissance et avantages se trouve sans surprise essentiellement dans les CSP++, les cadres dirigeants et supérieurs, les chefs d’entreprises… Dans tous les cas, les cadeaux, primes et avantages doivent être à la hauteur du poids que représente le client dans sa fidélité, ce qui n’est, encore une fois, que peu souvent le cas.
À noter que la clientèle d’affaires étant de facto majoritaire parmi les clients potentiellement fidèles, les réductions obtenues de la part des hôteliers intéressant surtout leur entreprise ou leur employeur, ils sont motivés à recevoir des avantages ou cadeaux plutôt personnels.
10 ) – Un client fidèle réservera-t-il en direct à l’hôtel ?
Oui, si c’est le seul hôtel qu’il veut dans la ville où il se rendra régulièrement (clientèle d’affaires) et si bien sûr l’établissement lui plaît. Mais, rien ne l’empêchera de passer par la centrale de réservations de la chaîne (si l’hôtel y est affilié), par l’agence de voyages de son entreprise (qui l’y obligera) ou encore par une plateforme en ligne (OTA). L’important pour lui n’est pas le canal de réservation, mais l’hôtel où séjourner qui est au bout. A l’hôtelier ensuite de savoir comment le faire revenir en réservation en direct, avec des avantages ou attentions à la clef.
11) – S’ils ne se fidélisent pas, quel est le bénéfice d’avoir des clients satisfaits ?
Oui, drôle de question ! La fidélisation à un hôtel ne peut s’envisager par les clients, encore une fois, que s’ils ont des raisons de revenir dans la destination. Mais, satisfaire TOUS ses clients permet de récolter de bons avis en ligne (e-réputation) et un joli bouche-à-oreille. C’est déjà pas mal, non ?
12) – Que dénoncent les clients d’hôtels comme « tue-fidélité » ?
- Des prix qui varient de trop, des tarifs qui sont trop élevés et qui ne tiennent pas compte du statut de client fidèle (déjà, 7 clients d’hôtels français et européens sur 10 trouvent que l’hôtellerie française est trop chère).
- L’hôtel décevant : personne n’a envie d’y revenir.
- Les services qui ne sont pas à la hauteur, malgré des chambres agréables : Wifi capricieux ou récalcitrant, Wifi payant, petit déjeuner désolant, TV pauvre en chaînes et en qualité d’image, eau chaude absente aux heures de pointe, manque de propreté, literie inconfortable, etc.
- Un système de réservation, y compris par téléphone, défaillant, lourd et administratif.
- Les programmes de fidélisation « usine à gaz ». Cela concerne surtout ceux des chaînes hôtelières.
- Les avantages ou cadeaux pingres : par exemple, une réduction de moins de 15 % sur les prix des chambres est considérée comme mesquine pour un client qui vient souvent. Tout comme une petite boîte de chocolats à Noël quand le fidèle se rend dans l’hôtel chaque semaine. Ou encore quand il faut consommer un nombre déraisonnable et inaccessible de séjours pour atteindre les primes (cas courant de programmes de fidélité de chaînes hôtelières volontaires).
- Le personnel qui ne reconnaît pas le client fidèle et le traite comme un client lambda, sans égard particulier.
- Devoir à chaque réservation décliner son identité pour rappeler que l’on est déjà habitué.
- Tout ce qui peut chercher à culpabiliser le client, notamment quand il passe par une OTA pour réserver.
Utiliser les clients fidèles pour améliorer/adapter l’offre :Les hôteliers sont rares à demander leur avis à des clients habitués quand il s’agit de faire évoluer leur offre. Pourtant, ces derniers connaissent souvent bien l’hôtel et le relationnel est facile avec eux. Pourquoi ne pas les inviter à tester de nouveaux choix de cafés, de viennoiseries, de jus de fruits pour les petits déjeuners ? Mais aussi, leur faire essayer une nouvelle literie ou encore une chambre témoin pour en modifier les éventuels défauts de conception, de décor ou d’ergonomie. En plus, cela les flattera qu’on leur demande leur opinion pour contribuer à améliorer l’hôtel. |
Voici un rappel de quelques conseils en 10 points pour vous aider à améliorer la fidélisation de vos clients. Il n’est pas utile de tout appliquer mais certains items sont plus importants que d’autres :
- Offrir un excellent service client : Assurez-vous que votre personnel est bien formé pour fournir un service exceptionnel. Des employés amicaux, compétents et réactifs contribuent largement à une perception positive pour les clients.
- Personnalisation de la prestation : Identifiez les clients réguliers. Recueillez des informations sur les préférences et les besoins de ces clients. Utilisez ces données pour personnaliser leur accueil lors de chaque séjour. Cela montre que vous vous souciez de leur confort.
- Programme de fidélité attractif : Mettez en place un programme de fidélité qui récompense les clients réguliers (plus ils le sont, plus d’attention doit leur être portée) avec des avantages spéciaux, des réductions, des mises à niveau ou des offres exclusives. Ou tout simplement des petites attentions.
- Communication efficace : Tenez vos clients réguliers informés des offres spéciales, des mises à jour et des événements à venir par le biais de newsletters, des réseaux sociaux ou des applications mobiles. Mais attention à ne pas harceler ! Trop d’informations peut provoquer des rejets.
- Obtenir des commentaires et agir en conséquence : Encouragez les clients à donner leur avis sur leur séjour. Utilisez ces commentaires pour identifier les domaines d’amélioration et apportez des changements positifs en réponse aux retours. La finalité est de parvenir à proposer une prestation la plus satisfaisante possible pour les clients.
- Récompenses pour les retours fréquents : Offrez des récompenses spéciales ponctuelles ou permanentes pour les clients qui reviennent fréquemment : chambre surclassée, tarif privilégié ou garanti quelle que soit la période, etc. Cela peut encourager la fidélité à long terme.
- Mettez-les clients réguliers à contribution : Lorsque vous innovez (nouveau petit déjeuner, chambre rénovée, nouvelle literie…) demandez à vos clients réguliers de les tester et de vous donner leur avis. Cela vous rendra service, solidifiera vos relations avec ces clients et leur fera plaisir. Les gens adorent qu’on leur demande leur avis !
- Utiliser la technologie : Adoptez des solutions technologiques telles que les applications mobiles, les clés électroniques, ou les chatbots pour améliorer votre offre et faciliter les processus.
- Formation continue du personnel : Assurez-vous que votre personnel est constamment formé aux dernières pratiques de service client. Un personnel bien formé peut faire une grande différence.
- Répondre rapidement aux problèmes : En cas de problèmes ou de plaintes, réagissez rapidement et de manière proactive pour résoudre les problèmes. Un service client réactif peut transformer une perception négative en une opinion positive.
Mark Watkins