Bonjour à vous tous,
Vous ne pouvez pas savoir quel bien ça fait de reprendre la plume le clavier. Oui, c’est vrai, je n’ai pas beaucoup publié ces derniers temps, débordé par mes activités. En plus de Artiref, je consolide un programme de formation en e-learning, je développe my-hotel-reputation, je suis toujours organisateur du WebCampDay, mon volume d’heures d’enseignement à la fac augmente, et je suis toujours à participer à tout plein d’événements partout en France… Bref, j’ai plus autant de temps pour bloguer, je m’en excuse.
Cet article est la suite de « si j’étais hôtelier en 2015 » …enfin, non, ce n’est pas vraiment une suite. C’est le même exercice mais 2 ans après. L’environnement a évolué, ma stratégie d’hôtelier évolue donc aussi… voici à quoi elle rassemblerait aujourd’hui…
J’aime à dire que les hôteliers (mais aussi les hébergeurs et les restaurateurs) sont pris entre le marteau et l’enclume. Le marteau symbolise la technologie (et notamment booking.c0m qui peut m’injecter partout) et l’enclume symbolise l’expérience (et notamment les promesses d’Airbnb). L’hôtelier est pris entre les deux feux. Il ne peut pas rivaliser ni avec l’enclume ni avec le marteau, il n’en a pas la capacité ni la force. C’est dur et violent une révolution.
Dans cette image vous sentez le poids des outils et la force de ceux qui en ont. Nous, hôteliers, n’avons pas d’outils. On a certes des moteurs des resa, des channel manager, et d’autres trucs, mais face au rouleau compresseur des OTAs, on est à poil. Donc on ne peut pas se battre sur le plan des outils et de la technologie. Une partie de la bataille a été gagnée par les OTAs. Elles représentent aujourd’hui (enfin en 2013) 25% du volume de nuitées (illustration ci-dessous). Imaginez à combien est ce chiffre 4 ans après.
Les OTAs représentaient 25% des nuitées en 2013 pour les hôtels européens.
Bien que la bataille (si l’on considère cela comme une bataille) soit pliée, il y a toujours de nombreux leviers à activer pour optimiser l’utilisation l’exploitation des OTAs. Il est important de voir les OTAs non pas comme un apporteur, mais bel et bien comme une opération de communication, de visibilité et d’apport de nouveaux clients.
Dépôt du nom commercial
C’est la première action que je ferais si j’étais hôtelier. Je déposerais mon nom commercial auprès de l’INPI et j’empêcherais Google de le vendre dans son programme Adwords. En fait, j’empêche tous les tiers (Booking, TripAdvisor, Expedia, etc..) de s’afficher au-dessus de mon site lorsqu’un internaute me cherche, moi. Je ne peux pas empêcher un tiers d’enchérir sur ma marque (c’est la politique de Google, malheureusement), mais je peux l’empêcher de faire apparaitre mon nom dans son annonce et c’est là qu’est toute la différence. Il faudra alors que j’annonce, que j’enchérisse, moi-même pour apparaitre au-dessus de tous mais en étant seul à pouvoir utiliser le nom de mon hôtel dans le titre et le texte de l’annonce. Rien que cela devrait me permettre de récupérer 30% du flux que me « volaient » les OTAs (brandjacking). Mais attention, il faut avoir un vrai site internet au point et une vraie offre.
Je ferais tout mon possible pour limiter le vol de clientèle (brandjacking)
Faire la différence
Je ne me permets pas ici de parler des établissements qui offrent des meilleures conditions aux plateformes. Ça fait des années qu’on le dit. On le retrouve encore (argghhh). Être aussi sexy ne suffit plus. La parité tarifaire, c’est tout bénéfice pour les OTAs. Si l’offre de l’hôtel en direct est exactement la même que celle sur Booking.c0m, alors le voyageur ira réserver sur ….. Booking.c0m. C’est une marque, c’est connu, c’est rassurant, ils sont disponibles au téléphone, etc.
Bref, j’ essayerais d’être plus sexy en direct que sur les OTAs (je suis en concurrence avec moi même). Il faut absolument faire la différence, celui qui duplique son offre sur les distributeurs perd !
Comment faire la différence ? Sur les prix, sur les produits (ne mettez pas toute votre gamme en vente sur les OTAs), sur les conditions de réservation, d’annulation (gardez-vous les NANR pour vous, etc..). Voici un article plein de bons conseils sur comment intégrer les OTAs dans une stratégie de distribution.
Je vais peut être perdre quelques ventes sur Booking.c0m, mais je devrais en gagner en direct. Il faut que j’accepte de perdre. Se bouger, essayer de déployer une stratégie, c’est faire des choix, prendre des risques, perdre et … gagner !
Conserver mon marketing
Les OTAs sont championnes dans l’exploitation de votre marketing. Elles ne créent rien, elles exploitent votre marketing. Et nous, comme des cons innocents on leur donne tout. Booking.c0m exige minimum 24 photos en haute définition, on lui donne, etc. Je trouve régulièrement des pages Booking.c0m ayant plus d’informations que le site même de l’hôtel. Faites le test : y a t il plus de photos sur Booking.c0m ou sur votre site ? C’est ANORMAL. Vous devriez avoir le plus de contenu marketing sur votre site….. Cessez de nourrir l’ogre avec votre propriété intellectuelle ….
Faites jouer au max le fameux effet Billboard, donnez une chance à l’audience de se poser une question à propos de votre établissement (réponse qui ne sera que sur votre site web 😉
Photo : un extrait de ce que Booking.c0m exige des établissements
Récupérer MES clients
Contrairement à ce que l’on croit, les voyageurs envoyés par Booking.c0m sont VOS clients (merci Macron). Ils contractent avec vous, ils vous payent vous. Mais les OTAs font tout ce qu’elles peuvent pour que vous ne puissiez établir un contact avec ces clients. Je ferais tout mon possible pour établir/garder un lien avec eux, à commencer par récupérer (gentiment) leur adresse email (regardez comment font les autres hôtels pour récupérer les adresses emails de leurs clients…)
Explorer de nouvelles plateformes
Il existe une multitude de nouvelles plateformes, moins « agressives » que Booking.c0m dans leurs conditions de collaboration, à commencer par TripAdvisor et Accorhotels.com. L’avantage de TripAdvisor est que l’on peut s’adresser à un marché. Je ne peux choisir de n’enchérir que sur le marché français ou européen et laisser le reste du monde aux distributeurs, je trouve que cela fait sens.
Se focaliser sur son cœur de cible.
Lorsque Booking.c0m m’apporte un client sud-Coréen, je suis content. Je suis incapable d’aller chercher ce type de client moi-même, tout seul. C’est la valeur ajoutée des OTAs. Je suis même prêt à payer plus que 15% pour ce type de client (ce que je peux faire avec l’accélérateur de visibilité de Booking.c0m).
Par contre, c’est quand Booking.c0m me cannibalise sur ma propre clientèle que je perds. Je laisserais donc Booking.c0m agir sur les marchés difficiles d’accès pour moi et sur les canaux trop onéreux (metasearch). Je me focaliserais sur la vente en direct (téléphone et mon site web) et sur mon marché principal : probablement la France. (Je cherche ici à gagner du temps à consacrer aux autres actions de ma stratégie).
Les distributeurs éthiques
Ce n’est pas nouveau, je travaillerais avec les distributeurs éthiques, c’est-à-dire moins gourmands, moins irrespectueux que les géants Américains. Je parle de Fairbooking, mais aussi de Pilgo, vos institutionnels, etc. Si vous ne travaillez qu’avec les gros (qui certes rapportent), alors aucune chance pour qu’une alternative se mette en place. Il me semble judicieux de multiplier la présence de mon établissement sur de nombreuses plateformes. Nous en avons fait un comparatif ….
AirBnb
C’est lui qui fait le buzz depuis 2015 et toute la clique de l’économie dite collaborative. Au lieu de pleurer sur le prétendu mal qu’ils font, j’essayerais de m’en inspirer et de faire (re)venir leurs audiences chez moi.
D’abord, je me mettrais en vente sur AirBnb, il n’y a pas de raison que je leur laisse le terrain à eux, n’oublions pas que se sont les « particuliers » qui sont venus chasser sur nos terres en premier en pénétrant Booking.c0m.
Ensuite j’essayerais d’établir un contact, un dialogue avec ces consommateurs, notamment en travaillant avec des plateformes de type Atthecorner. Si je peux vendre un petit-déjeuner à un client Airbnb du quartier, alors c’est ça de pris et en plus je lui montre en le faisant entrer dans l’hôtel, que ce n’est pas si mal chez moi !
L’importance des outils :
J’ai dit du mal de nos outils plus haut, mais ce n’est pas une raison pour s’en passer et il me semble inévitable d’avoir un bon channel manager, pour actualiser mes offres, mon stock en temps réel sur la multitude de plateformes. Je choisirais un channel manager qui me permette de décrire des scénarios et qui les appliqueraient tout seul. Genre : quand il ne reste que 5 chambres, alors fermer tous les canaux sauf mon site… Il est nécessaire que ce genres d’opérations soient automatiques (sinon on le fait 3 mois et puis on arrête). Je veillerais aussi à ce que ce channel manager synchronise aussi AirBnb 😉
La loi dite Macron
Il est important de tout faire pour que la Loi Macron soit appliquée et que le contrat de mandat soit enfin mis en place par les distributeurs. Je vous rappelle qu’ils sont tous hors la loi pour ne pas appliquer ce volet de la Loi Macron. Appliquer le contrat de mandat permettrait de stopper l’achat du nom commercial (je ne le ferais que pour le territoire France), de contrôler les affiliés (et donc les canaux de distribution) et d’avoir un vrai contact avec les clients (e-mail).
Conclusion
Toute cette stratégie ne fait sens que si l’hôtel est performant en direct. Performant au niveau des offres, des prix, de son marketing et, surtout, de son site internet. Dans le prochain article, je vous montre ce que je ferais avec mon site internet si j’étais hôtelier en 2017 (et après je vous dirai comment j’engagerais avec mon audience, comment je ferais évoluer mon produit hôtelier, comment je miserais tout sur mes salariés, oui, c’est un dossier en 6 articles …)