Si j’étais hôtelier en 2015, qu’est-ce que je ferais en termes de marketing, de webmarketing, de communication, commercialisation et distribution (rien que ca!).
Mais bon, je ne suis pas hôtelier, mais je l’ai été
Comme vous le savez (ou pas), j’ai été propriétaire/gérant de mon hôtel, je devrais dire de notre hôtel, avec mon épouse, Mme Artiref (Agnès pour les intimes). Un petit hôtel, familial et indépendant de 25 chambres, 2 étoiles (anciennes normes) dans une zone touristique de la vallée de la Loire.
C’était en 2004-2009, l’environnement était tout à fait différent, la révolution numérique avait encore peu affecté nos comportements d’hôteliers, mais elle était là, elle frappait à la porte. D’ailleurs, à l’époque on était assez en avance, on avait informatisé l’hôtel, on avait installé un PMS (le logiciel qui gère l’hôtel), on avait fait un site internet et on y avait mis un moteur de réservation. Oui, vous avez bien lu, on avait installé ReservIT. Je crois bien qu’en dehors des hôtels de chaines (Accor) on devait être les seuls dans la ville à avoir un moteur de réservation sur notre site. Les hôteliers nous regardaient bizarrement (pour ceux qui se rendaient compte qu’il se passait quelque chose).
A l’époque les CMS (système de gestion de site internet, type WordPRess) n’existaient pas et j’avais fait le site avec mes petites mains, tout seul, comme un grand, en html avec l’ami DreamWeaver (logiciel de création de site qui produit du code html). Bref, on (ma femme et moi) était les rois du numérique avec notre site, sur-optimisé pour le référencement et qui se classait toujours en tête de Google, notre moteur de réservation et notre PMS.
TripAdvisor existait, était peu utilisé, on surveillait, mais on ne pouvait pas répondre aux avis à cette époque. Facebook existait pas et je faisais des campagnes d’achat de mots-clefs sur Google Adwords avec un tout petit budget (les enchères n’étaient pas élevées) et j’avais un bon retour sur investissement.
Les OTAs existaient pas ou du moins elles étaient super gentilles, Booking.com n’avait pas encore été racheté par Priceline et n’était pas connu et on utilisait ActiveHotels. Ils étaient sympas, petite commission, pas d’achat du nom commercial, et on pouvait fermer le planning comme on voulait, la fiche restait même en ligne dans ce cas. Je vous parle d’une époque pas si vielle, c’était il y a 10 ans !
Je n’avais pas l’intention d’écrire un chapitre « nostalgique », mais c’est sorti comme ça, tout seul, pour planter le décor.
La révolution numérique a tout bouleversé
C’est le point de départ de ma réflexion. Aujourd’hui internet à tout bouleversé dans le tourisme et particulièrement dans le transport et l’hébergement (les secteurs marchands nécessitant une réservation plus ou moins longtemps en amont).
- Internet a fait apparaitre des nouveaux acteurs touristiques (Google, Booking, TripAdvisor, AirBnB, etc.) et a fait disparaitre nos acteurs traditionnels (PagesJaunes, Guide papier, Office de Tourisme, Tour Operator, etc.)
- Internet rend l’information disponible, transparente, universelle. Aujourd’hui vos clients en savent bien souvent plus que vous sur votre produit, grâce à TripAdvisor, à Youtube, à Pinterest, grâce au partage des voyageurs (on marche sur la tête des fois).
- Internet a mis tout le monde sur un pied d’égalité. Toutes les offres sont visibles, même une petite chambre d’hôtes peut avoir autant de visibilité que le grand Novotel du coin, rien qu’en activant les bons leviers webmarketing (le couple fatal booking.com – TripAdvisor).
- Internet bouleverse la relation client, permet de créer un autre type de lien avec son audience, un lien plus personnel, plus humain, plus durable, plus honnête (dans le sens authentique).
- Internet bouleverse les politiques tarifaires, bouleverse la manière de gérer la qualité, bouleverse la distribution, bref, internet bouleverse tout dans notre métier.
- On est en train de passer du marketing de l’interruption (publicité à la télé) au marketing de l’attention (avis sur TripAdvisor, film sur youtube), le tout généré par le client.
- Le client devient producteur de votre marketing (un avis sur Zoover de 300 mots est une production marketing), en produisant ce marketing, le client en devient co-propriétaire, que va-t-il faire de cette propriété, de ce pouvoir qu’il acquiert ? (j’ai peur).
- Le client participe à la création de votre marketing, mais il n’est pas qualifié pour le faire, certains clients racontent n’importent quoi, il n’y a qu’à se balader sur TripAdvisor pour remarquer que certains producteurs de marketing (clients) sont juste bons à enfermer. Il y a un travail de contrôle, de maitrise de son image, de maitrise de la vérité
- Le marketing devient collaboratif, viral
- On entre dans l’ère de l’hyperpersonnalisation, l’audience veut recevoir des messages personnalisés, qui lui sont dédiés, c’est le tout début de l’exploitation du « Big Data » (et les géants américains ont du Big Data à exploiter, pas vous)
- On entre aussi dans la gestion de la qualité en temps réel, dans la gestion du marketing en temps réel, vos clients sont équipés de terminaux portables (les fameux smartphones) et produisent, partagent, interagissent pendant leur séjour.
Mais concrètement, c’est quoi cette histoire ?
Pour nous, petits hôteliers, c’est lourd d’influences. Nos partenaires historiques ont volé en éclats et n’existent plus. Les apporteurs et les canaux de distribution ont été grandement modifiés. C’est fini l’époque où l’on attendait que le client vienne, il faut maintenant aller chercher le client, avec les dents. Il faut faire du « commercial ». Et comme tout le monde a été remis sur un pied d’égalité, c’est forcément plus dur à faire qu’à l’époque où l’on ne faisait rien. Surtout qu’il y a les requins de la distribution, les OTAs, qui tournent autour de nous, prêt à nous croquer (enfin, prêt à croquer nos clients). Ces requins ont d’ailleurs commencé à nous dire: « ne vous occupez pas de webmarketing, c’est compliqué, donnez-nous vos chambres, on va les vendre, vous n’êtes bon qu’à accueillir le client et faire sa chambre » (Darren Huston, DG Booking.com). Et nous, comme des cons, on a gobé le message et on s’est fait bouffer tout crus. Car vendre des chambres, ils le font super bien, bravo les gars !
Il y a un énorme enjeu d’indépendance et de maîtrise commerciale. Enfin, la relation client, le processus d’achat, les attentes, la recommandation, tout cela aussi a changé et on doit faire avec.
Voilà où on en est à cause de cette révolution numérique, on doit apprendre un nouveau métier, car se commercialiser dans ces conditions, ce n’est pas évident, c’est nouveau, ça fait peur, ça prend du temps, ça coute de l’argent (mais ce n’est pas compliqué, long oui, mais compliqué, non)
C’est ce constat qui m’a fait penser à rédiger cet article: mais moi, qu’est-ce que je ferais si j’étais hôtelier en 2015 ?
Alors tu ferais quoi si tu étais hôtelier en 2015 ?
Rien, je vendrais mon hôtel et investirais dans des studios à Paris que je mettrais en location sur AirBnB, non je déconne, mais je ne suis pas loin de la réalité.
Si j’étais hôtelier en 2015, je prendrais du temps pour bâtir une véritable stratégie marketing, même avec mon petit hôtel de 25 chambres. Même si on a l’impression qu’internet bat les cartes du mauvais côté, internet apporte de formidables opportunités pour celui qui sait s’en servir. Je pourrais vous citer des dizaines de « petits » hôtels qui ont explosé grâce à internet et à cette révolution (j’en connais d’autres qui au contraire, en sont morts).
Voici comment j’articulerais cette stratégie:
Les outils: mettez le PMS au cœur de votre système d’information, apprenez à vous en servir, à exploiter toutes les possibilités, tous les champs de la fiche de réservation/arrivée.
Investissez du temps pour bâtir une image, une marque, montrez que vous êtes différents, que vous avez une âme, que vous êtes humain, faites la différence, ce n’est pas une option ! Mais faites-le pour vous, en créant une image, vous faites la différence avec les distributeurs, à condition que vous ne leur donnez pas tout votre marketing (souvent, je trouve plus de photos que la fiche Booking.com de l’hôtel que sur son site lui-même.
Les outils: du temps, des visuels, des alertes automatiques, des procédures… Des solutions comme Partoo ou indxo arrivent, elles diffusent vos informations sur le web. Guest-Alerts propose un système d’alertes, gratuit, dédié aux hôteliers.
Si un prospect vous considère dans son parcours d’achat, alors il passera forcement sur votre site à un moment donnée (entre une OTA, une plateforme d’avis, un comparateur, un réseau social, un institutionnel, etc.). Vous vous devez d’être irréprochable et terriblement efficace, il n’y aura pas de deuxième chance. Faites de votre site internet la clef de voute de votre stratégie de commercialisation. C’est-à-dire: optimisation technique, optimisation référencement, utilisation d’un CMS, un vrai moteur de réservation, une segmentation client, faites vivre ce point de vente (blog ?), animation commerciale, etc.
Les outils: un CMS (plateforme d’édition de site internet, comme WordPress, Joomla, Dotclear), un moteur de réservation (mais un vrai, à la Availpro, ReservIT, Bookassist, Mirai, etc.), clicgauche pour montrer que vous êtes le moins cher.
Les outils: du bon sens commercial et du travail sur sa segmentation clientèle et ses cibles.
Cultivez la différence, ne mettez pas les mêmes produits, les mêmes packages, les mêmes tarifs, les mêmes conditions de réservation, d’annulation. Faites en sorte que cela soit toujours mieux, plus attrayant, plus sexy, voire moins cher, sur votre site, en direct. Apprenez à contourner la parité tarifaire, apprenez à maximiser l’effet Billboard (l’internaute sort de l’OTA pour vous trouver en direct). Adhérez à des OTAs vertueuses, équitables, comme Fairbooking ou Hotels-prives. Une brique comme ShareBooking permet de garder le prospect sur le territoire si l’hôtel est complet (mutualisez et coopérez au niveau du territoire).
Jouez le jeu avec votre Office de tourisme, vos institutionnels, ils sont bons, ils sont de votre côté, jamais ils achèteront votre nom commercial dans Google ni ne passeront par des affiliés. Enfin, éduquez votre clientèle, vous les avez en face de vous, les OTAs n’ont jamais un seul client en face d’elles, c’est vous qui avez le pouvoir en fait. Faites passer un message, simple, court, rapide à un certain segment client, au bon moment. Le client ne veut entendre que son intérêt, montrez lui que c’est mieux pour lui de réserver directement auprès de l’établissement (si c’est vrai, sinon le travail à réaliser sur votre offre, vos éléments de langage est plus important).
Identifiez des nouveaux canaux de distribution et exploitez-les, diluez votre dépendance, utilisez un maximum d’apporteurs, ne soyez pas dépendant de 2 ou 3 acteurs (facile à dire avec tous ces rachats et cette concentration, Expedia vient de racheter Orbitz). Injectez votre offre à toutes les étapes du parcours client (Google, votre site, les OTAs, les comparateurs, les plateformes d’avis, les réseaux sociaux, etc.). Vous pouvez, avec votre moteur de réservation, faire apparaitre une dispo et un prix sur tous ces points de contact.
Les outils pour cela sont encore le PMS, couplé à un bon channel management et une solution de Yield. Il y a maintenant de bonnes solutions, adaptées à la petite hôtellerie indépendante, comme PriceMatch pour le yield, RoomCloud pour la gestion des canaux).
Créer une communauté autour d’un intérêt (pas forcement votre hôtel) est l’idéal pour ramener de l’humain dans la relation, pour la remettre en direct. C’est aussi envoyer un email quelques jours avant l’arrivée de votre client, après son départ, c’est utiliser tous ces moments inexploités pour l’instant (du moins par vous, les OTAs, ils exploitent, ils sont en train de voler la relation numérique avec le client, faites gaffe). Entretenir la relation par newsletter est aussi une solution, à condition d’avoir autre chose à dire que « c’est nous les plus beaux, les plus forts et les moins chers », à condition de pouvoir faire de l’hyperpersonnalisation. Pour les plus performants, c’est aussi basculer dans l’internet de séjour au travers d’applications et de services dédiés, on rentre là dans l’expérience client, la fidélisation, les ventes complémentaires, etc.
Les outils: la e-réputation et les ORM (ReviewPro, Revinate, TrustYou), les collecteurs d’avis (GuestApp, Customer Alliance), les réseaux sociaux et les outils de gestion (AgoraPulse (social crm), Pagemodo, Hootsuite, etc.), un bon smartphone (pour les prises de vues et le partage en direct). Je prendrais sans hésiter Sellinity pour gérer ma relation client et mon animation commerciale et Lounge-up pour mon internet de séjour
Mais t’es trop balaise toi, t’as des journées de 60 heures ?
Oui, ça fait beaucoup à faire, je ne pense pas que je déroulerais tout ça, mais bon, j’en ferais une grosse partie. Ce qui me réconforte dans cette histoire, c’est que les outils arrivent à maturation. Ces outils, logiciels, qui jusque-là étaient réservés aux grosses chaines, sont en train d’arriver sur le marché pour les petits indépendants et là, bien utilisés, ça va faire mal, très mal.
La combinaison full option: PMS – Moteur de réservation – Channel manager – CRM – ORM – Collecteur/diffuseur d’avis – SMS (social media software) – Newsletter – Yield software – CMS – Diffuseur d’info locales – Alertes – blog – outil de visibilité (adwords, tripconnect, etc.) – Module de comparaison de prix – cartes de visites (pour fidélisation par exemple).
Une telle combinaison peut donner de très bons résultats, à condition qu’elle soit bien intégrée dans votre stratégie et que votre marketing-mix soit cohérent.
Je suis assez d’accord avec vous, c’est le bordel, il y a une multitude de briques et il faut les faire communiquer entres elles. A quand une solution globale à 360°, allez y les gars, rachetez vous les uns les autres ! En tout cas Booking.com l’a bien compris et c’est ce qu’il nous vous prépare avec Booking Suite
Mais avant tout: votre marketing-mix
C’est une chose que la révolution numérique n’a pas modifié, c’est la nécessité d’avoir une cohérence dans votre marketing-mix, il faut que le prix, le produit, la distribution et la commercialisation soient équilibrés. Il faut toujours bien faire son boulot, bien s’occuper de ses clients, avoir un bon produit, l’entretenir et une gamme de prix en adéquation, mais tout ça, c’est le B-a ba, mais c’est plus que jamais important. Ne déroulez pas une telle stratégie si vous avez un problème de cohérence de marketing-mix (trop cher, mal placé, produit vieux, etc.). Dans ces cas, seule l’OTA peut vous être utile. C’est d’ailleurs le risque pour les OTAs, elles périront d’elles-mêmes
Conclusion
Les hôteliers sont en train de comprendre, il y a une révolution, il faut muter. Il existe de plus en plus de structures pouvant vous accompagner, les CCI, vos Offices de Tourisme (avec les ANT), les consultants, etc.
Mais le grand espoir réside dans l’apparition de nouvelles solutions techniques, abordables et adaptées à l’hôtellerie indépendante.
C’est une seconde chance de monter dans le train du numérique, ne ratez pas ce second départ
Ceux qui ne se donneront pas la peine deviendront de petits et faibles sous traitants des OTAs, perdront leur indépendance commerciale et verront leur fonds de commerce dévalué, c’est une question de choix, ne dites pas que vous ne saviez pas.
Merci d’avoir lu jusque-là, je vous souhaite plein de bonnes choses dans l’application d’une telle stratégie, si d’aventure vous essayez, j’ai conscience que donner des chambres à Booking.com est beaucoup plus facile, c’est une question de choix. Tenez-moi au courant, j’adore l’expérience.
N’hésitez pas à témoigner dans les commentaires, si vous avez une solution logicielle performante, simple et adaptée à l’hôtellerie traditionnelle ou des idées incroyables pour se commercialiser sur le net.
Thomas
Crédits visuels
http://www.sudouest.fr/2012/11/26/l-eglise-fait-sa-com-889758-2780.php
http://www.someecards.com