Ceci est une réponse à l’article de Mark Watkins sur l’ingagnable guerre contre les OTAs. Dans cet article, Mark, annonce que les hôteliers ont perdu cette guerre et que les OTAs ont pris le pouvoir. On n’est pas loin du rachat des hôtels par les OTAs, comme la grande distribution a pris le contrôle des producteurs (vous mangez bien du beurre carrefour et du fromage Marque U maintenant). Mais, c’est la panique à bord ou quoi?
Je suis globalement d’accord avec son analyse, mais je pense que les hôteliers ne sont pas morts et que lorsqu’il dit que la guerre est ingagnable, je dirais plutôt que la première bataille est mal engagée, mais que la guerre est loin d’être terminée.
J’aurais pu reprendre chacun de ses arguments (qui sont pertinents) et argumenter, au lieu de cela, je vais vous amener sur un toute autre chemin, celui de la prospective, celui de l’évolution, que dis-je de la révolution.
Le futur est là !
Il y a 10 ans à peine, l’hôtellerie ne faisait pas grand-chose comme ventes sur internet, ca commençait, on sentait que ça allait bouger, les OTA existaient à peine. Les hôtels avaient encore des contrats avec des agences (qui se souvient de Gullivers, GTA pour les intimes ?). En à peine 10 ans la distribution a été révolutionnée, pas dans le bon sens pour nous autres hôteliers, mais révolutionnée quand même. De nombreux acteurs, qui semblaient solides, ont presque disparus, d’autres sont apparus. C’est la loi du marché me direz-vous (que je n’aime pas ça la loi du marché, beurk), mais c’est comme ça. Avant l’arrivée de Facebook, c’était Myspace qui était indétrônable, et en quelques années mois il a coulé (M. Murdock doit s’en mordre encore les doigts).
La suprématie des OTAs peut disparaitre en quelques mois, il suffit d’avoir, de provoquer, une révolution. Là vous vous dites: « il est bien gentil Thomas, mais moi, j’ai la tête dans le guidon à la réception de mon hôtel et je ne sais pas trop par où la faire cette révolution et puis j’ai pas le temps ». Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous parler de s’associer, de se fédérer ou quoi que ce soit, mais belle et bien d’une révolution technologique.
Le marché mondial est déjà en train de vivre une révolution, celui de la conversation, les internautes parlent entre eux avant de consommer, c’est les avis, les réseaux sociaux. Je suis certain que vous vivez (subissez) cette révolution de plein fouet.
La réalité augmentée
C’est la prochaine révolution. Elle est déjà là, sous forme hybride, mais elle est déjà présente sur bien de nos smartphones, par exemple, avec l’application pagesjaunes.
La réalité augmentée est le fait de superposer des informations « virtuelles » sur une vision réelle que nous avons.
Voici ce que donne la place de l’Opéra (Merci Didier), à Paris, en réalité en augmentée, les stations de métro les plus proches me sont indiquées, avec leur distance, en surimpression. Ça aurait très bien pu être les hôtels les plus proches (mais même ça on s’en fout, ce qui nous importe est d’avoir les hôtels les plus proches qui ont de la disponibilité, maintenant !).
Voici une démonstration, en vidéo, de l’application Iphone de Metro, en « pointe » sur la réalité augmentée.
C’est bien gentil tout ça, mais tout le monde n’a pas un smartphone et si il faut que je tienne mon iphone en permanence à bout de bras pour me repérer, je ne vais pas le faire, et ce n’est pas faut.
C’est là que Google intervient
Le Google Glass Project
Google a annoncé travailler sur des lunettes à réalité augmentée. Plutôt que de faire un long discours, je vous propose de visionner cette simple vidéo (la dernière de cet article).
Vous avez vu ! C’est fluide, simple, pratique. C’est ce que l’on nomme dans le jargon une « killer application », c’est-à-dire une application/technique qui laisse toutes les autres sur place, un peu comme facebook, l’iphone, Google (le moteur de recherche), l’ont été.
Vous avez remarqué que lorsqu’il était dans le magasin de livre, les Google Glass l’ont guidé dans le magasin pour qu’il trouve le rayon musique ?
Quelles applications pour l’hôtellerie-restauration
- Afficher les établissements autours du client (basique)
- N’afficher que les établissements ouverts
- N’afficher que les établissements qui ont de la disponibilité
- Afficher les plats du jour des restaurants
- Afficher les offres spéciales des établissements
- »Découper » la façade pour voir comment est l’intérieur de l’hôtel, du restaurant
- Guider le client jusqu’à sa chambre dans l’hôtel, lui indiquer les emplacements (du bar, du restaurant, etc.) et donc faire des ventes complémentaires
- Lui indiquer le nom et fonction du membre du personnel, lui indiquer la carte, le menu
- Faire des recommandations, le clients lit le détail du foie gras, un moelleux lui est recommandé en sur impression dans ses lunettes
- Servir d’interprète et d’outil de traduction
- Afficher une notation, avis clients, sur la façade de l’établissement
- Afficher les bénéfices à rester dans cet hôtel (récompenses, garanties, labels, partenariats avec acteurs économiques locaux)
- Posez des questions « les animaux sont-ils acceptés » et avoir une réponse par Google, sur le mode de Siri pour l’Iphone
- Fonction téléphoner à l’établissement, ça sera plus simple que de remplir un formulaire de réservation en marchant dans la rue (qu’il soit de l’hôtel ou d’un OTAs), vous commencez à voir où je veux en venir
- Les clients/utilisateurs pourront filmer/photographier en permanence, discrètement, soyez prêts à recueillir ces UGC (User Generated Content)
- Les utilisateurs pourront beaucoup plus facilement partager, faire des check in et autres applications de mobilité géolocalisées (foursquare, twitter, etc.) Ce qui sera bon pour votre établissement (si vous êtes prêt)
- Support client interactif: « je n’arrive pas utiliser le coffre-fort, la télé ou la clim », depuis la réception, le client est guidé en réalité augmentée
- Un restaurant pourrait afficher une photo de sa cuisine, mise à jour tous les matins, une cuisine propre, bien rangée est beaucoup plus engageant que tout discours commercial
- Intégrer le programme de fidélité de l’enseigne au client. Un simple passant pourra voir qu’il lui manque juste quelques points pour obtenir tel avantage et consommer immédiatement
- Les informations de prix pourront automatiquement s’afficher en fonction de la disponibilité, en temps réel
- Des messages commerciaux pourront être envoyés aux porteurs des lunettes, dans un rayon de x mètres, avec des filtres suivant s’ils sont en déplacement ou pas, si c’est l’heure de manger, dormir et s’il reste une table/chambre
- Les applications peuvent être nombreuses, c’est juste à nous, hôteliers et restaurateurs, de les inventer et d’en faire le meilleur usage, et, surtout, en profiter pour contrer les OTAs
Ce projet Google Glass est plus qu’un projet, de nombreuses lunettes sont dans la nature et sont en train d’être testées/améliorées. Google devrait les commercialiser début 2014, c’est-à-dire demain.
Les Google Glass
Mais en quoi cela va modifier la relation OTAs/hôteliers ?
La valeur ajoutée de la réalité augmentée se trouve dans l’information: le plan de l’hôtel, le plat du jour, les horaires d’ouverture, les avis clients, les photos/vidéos, la géolocalisation, etc… toutes ces informations, c’est vous qui les avez et non les OTAs. Mais comment diantre Google pourrait avoir accès à toutes ces informations ? Il a déjà accès à pas mal d’entre elles au travers de la fiche Google Adresse. On y trouve la géolocalisation, des plans, des photos, des vidéos, les horaires d’ouverture, des avis clients, on peut même se déplacer dans le restaurant (essayez avec la villa Pereire à paris 17), etc.. Une fiche Booking.com est complétement morte, bien souvent elle a été renseignée 2 ans plutôt et n’a pas bougé depuis (et malheureusement il en est de même pour le site de l’hôtel).
Il suffira à Google d’augmenter les fonctionnalités, les possibilités des fiches adresses pour en faire un véritable centre d’information à propos de l’établissement.
Cela veut dire aussi qu’il ne sera plus possible d’exploiter un commerce sans prendre le contrôle de sa fiche adresse et sans la mettre à jour régulièrement. Les éditeurs de logiciels (pms, booking engine) devront certainement permettre le couplage entre leurs solutions et la fiche Google Adresse pour y afficher automatiquement les infos de dernières minutes.
On garde en mémoire que les OTAs sont présent sur les fiches Google Adressse, notamment grâce à de l’achat de mot-clef et grâce au module de réservation (évolution vers Google Hotel Finder ?)
Le mode de consommation, de réservation va complètement changer. On ne réservera plus depuis son ordinateur, après avoir fait une recherche « hotel + localité », mais de plus en plus en situation de mobilité, avec l’aide de la réalité augmentée. On réservera on the moove, depuis la rue, le train, le restaurant, depuis ses lunettes Google Glass. Tout se passe par commandes vocales, il n’y a pas de claviers, bien qu’il devrait être envisageable d’avoir un clavier bluetooth pouvant s’y connecter. Avez vous déjà essayé de remplir un formulaire à la voix ? Moi non, mais si j’ai le choix, dans ce cas-là, je préfère la fonction « appeler l’hôtel ». Et c’est là que l’hôtelier reprend la main sur les OTAs, peut-être, peut-être pas. Mais il y a là une opportunité qu’il faut saisir.
On réservera de plus en plus en situation de mobilité
La technologie fait que la reservation d’hôtel ne va pas rester encore bien longtemps sur l’ordinateur. Le client veut de plus en plus d’informations avant de réserver. Il réserve de plus en plus en last minute, en route, en situation de mobilité (je l’ai répété au moins 3 fois dans cet article …). C’est pour cela que des killer applications peuvent changer la donne dans la reservation hôtelière. Les Google Glass peuvent offrir ces éléments: quantité d’informations gérées et générées par l’exploitant et les utilisateurs, géolocalisation parfaite, offre commerciale adaptée à l’utilisateur et animation du point de vente, réservation téléphonique immédiate
Je n’ai pas du tout abordé la carte sociale de l’utilisateur/client, qui, elle aussi, va bouleverser notre manière de consommer et donc de réserver.
Il ne faut pas croire (et je sais que vous n’êtes pas naïf) que tout est beau et parfait. Booking.com ne va pas regarder tout cela en se disant qu’il est mal barré. En plus il n’est pas dit que ce que j’ai décrit arrive, c’est juste un exemple pour montrer en quoi la technologie peut révolutionner, rapidement, un marché. Mais soyez optimistes, alertes, la bataille est mal engagée, mais la guerre est loin d’être perdue !
Thomas Yung