J’ai rencontré Nathalie en mars dernier à l’Assemblée Générale de Citotel à La Baule. On a rapidement échangé (on se connaissait d’avant quand même) et j’ai adoré lorsqu’elle m’a expliqué comment elle avait embauché une commerciale à mi-temps sur 3 mois pour l’aider à démarcher les entreprises locales pour son hôtel. J’ai voulu qu’elle partage cela et elle a accepté, merci à Nathalie de partager avec nous cette expérience (et vous verrez que c’est très riche).
Merci de vous présenter et de présenter votre établissement
Je suis Nathalie Michel, propriétaire de l’hôtel le Bord’O à La Rochelle, avec Tom, mon compagnon. Nous sommes aux commandes depuis 2006. Le Bord’O est un établissement 2 étoiles, hôtel bureau, en cœur de ville, de 22 chambres.
C’est un hôtel familial, c’est ce qui en fait la force : nous sommes présents, nous accueillons et nous nous occupons de nos clients. L’emplacement est de premier ordre, à 50 mètres du vieux port et à 500 mètres de la gare, l’établissement se trouve en secteur piétonnier, nous proposons néanmoins des emplacements à tarifs privilégiés au parking Vieux Port (3 minutes à pied) pour notre clientèle. Mais c’est surtout l’équipe qui fait la différence, ils ont le sens du service, ils sont très impliqués et au final, ils sont même meilleurs que moi à la réception. Ces atouts, c’est du béton armé. On offre un contact personnalisé et chaleureux. Nous avons un bon wifi (gratuit) et nous offrons des soirées étapes en partenariat avec des restaurants locaux.
Cet emplacement central et en zone piétonne fait que les clients cherchant le calme absolu ne le trouvent pas. Nous sommes en centre-ville et le quartier est vivant (c’est aussi ce que cherche la clientèle), les chambres sont peut-être petites, mais correspondent bien à la gamme 2 étoiles à laquelle nous sommes attachés. Le Bord’O est typiquement un hôtel familial de centre-ville pour des courts séjours.
La problématique
Ce positionnement fait que nous attirons particulièrement une clientèle loisir, touristique propre à la ville de La Rochelle. Et ça marche … enfin pendant la saison, l’hiver, c’est calme voire très calme. Il y a un véritable enjeu pour nous de remplir (du moins de vendre) pendant la basse saison et c’est notre levier de progression. Et là, ce n’est pas la clientèle touristique dont on a besoin, mais bel et bien la clientèle professionnelle.
Mais, vous l’avez compris, nous sommes un petit établissement, avec peu de ressources : je n’ai pas de budget et peu de temps pour le démarchage commercial. Je suis pourtant sensibilisée à ces stratégies grâce à notre appartenance au réseau Citotel, mais je ne sais pas et je ne peux pas aller démarcher loin de La Rochelle. C’est ce qui nous a convaincu de travailler uniquement la zone locale, dite primaire, c’est plus facile et, surtout, cela demande peu d’investissement. Mais faire du phoning, aller mettre le pied dans la porte, très peu pour moi, je ne suis pas performante dans ces actions, je n’aime pas.
L’opportunité d’embaucher une commerciale pour 3 mois
En échangeant à propos de cette problématique avec la responsable commerciale d’un hôtel, elle m’a recommandé quelqu’un qui cherchait un job. Il s’agissait d’une ancienne directrice commerciale, sans emploi, qui voulait faire des « heures » pour maintenir ses droits, mais pas trop pour ne pas les perdre. Elle souhaitait surtout ne pas s’engager durablement sur des « petits » postes comme le mien pour pouvoir se garder de belles opportunités. Travailler quelques mois l’hiver l’arrangeait bien.
On s’est donc mises d’accord sur un mi-temps de 3 mois. Cela représentait globalement une charge de moins de 3000 euros (toutes charges incluses) pour mon établissement. Vous allez voir que 4 demi-journées de travail est bien suffisant, sans compter que certains jours sont à proscrire dans le démarchage (comme le mercredi).
Ses missions
Le deal était qu’elle démarche des entreprises locales pour avoir des contrats pour l’hébergement de leurs commerciaux. Elle devait aussi me permettre de rentrer dans des « grosses » structures (comme les hôpitaux, les universités, les centres de formation, etc.), chose que je ne savais pas faire (elle, elle a réussi, elle trouve la porte d’entrée, le bon interlocuteur, c’est long, elle accepte de se faire refouler et elle réessaye alors de rentrer par la fenêtre, c’est un métier !).
Elle est venue sans fichier client ou autre, c’était justement une de ses missions, qualifier, consolider le fichier corporate que j’avais tenté de mettre en place.
Elle avait un véritable objectif qui était de démarcher un certain volume d’entreprises qualifiées.
En fait, j’avais besoin de quelqu’un pour me donner un coup de boost sur des compétences que je n’avais pas !
Elle faisait du phoning pour décrocher un rendez-vous et/ou avoir les coordonnées du bon interlocuteur. La phase suivante était de présenter un contrat, mais on a vite arrêté. En fait chaque entreprise est différente et il est difficile de les rassembler sous un seul et même contrat. Ce dont elles ont besoin est d’une proposition commerciale, le reste (compte débiteur, procédure de réservation, etc.) doit être à la carte.
Si elle décrochait un rendez-vous, celui-ci avait lieu à l’hôtel. C’est incohérent de laisser partir le commercial, seul, chez le prospect. Il faut que le client (en tout cas celui qui réserve et/ou qui paie) voie le produit ; il faut être sûr qu’il soit en adéquation avec sa demande, ses besoins. Je ne cherchais absolument pas à survendre, cela n’engendre que du mécontentement et c’est néfaste à la relation que l’on cherche à établir. Et puis, qui va accueillir le client, qui va s’occuper de lui, c’est nous ! C’est donc à nous, hôteliers, de recevoir le prospect, dans notre établissement et de faire notre travail. Notre travail est avant tout de vendre des chambres, pas d’avoir le meilleur hôtel, le petit-déjeuner le moins cher ou je ne sais quoi ! Notre travail est de vendre la bonne chambre à la bonne personne.
Se préparer
L’apport de l’agent commercial n’est qu’une aide. Je ne vois pas son intervention comme un acte isolé, comme un « automate » dans un bureau, seul, qui fait du phoning toute la journée. Ce n’est pas du tout cela.
Son efficacité dépendra de nombreux éléments, le premier, enfin le plus important pour moi, est son intégration dans l’équipe. On a passé beaucoup de temps ensemble et avec ma réceptionniste, il n’y a que nous qui connaissons le produit, les segments, la concurrence, le couple produit/marché, c’est indispensable d’être présent pour la cohérence, préparez-vous à passer du temps avec lui (elle). Si vous n’êtes pas dispo, faites en sorte que quelqu’un le soit, la réception au moins.
Préparez-vous aussi à avoir une vraie réflexion sur votre établissement, à remettre en question votre produit, votre marketing, votre communication, votre politique de prix. On a eu un vrai débat sur la politique tarifaire. Trouver le bon prix n’est pas facile, faut-il faire un prix annuel, par période, sur le volume. Il faut garder une lecture facile pour le client et que cela soit cohérent avec la gamme public (les corpos vérifient aussi les prix sur Booking). Cela nous a demandé du travail de paramétrage de nouvelles gammes tarifaires dans le PMS, etc. On a fait un vrai travail de remise à plat de notre offre.
Il a fallu préparer des documents commerciaux, nous avons opté pour la plaquette au format PDF, avec de nombreux visuels et des éléments de langages positifs mais communs à ceux qui décrivaient déjà notre établissement. Cela m’a permis de revoir mon produit et de redéfinir le discours sur l’hôtel.
Éviter
Évidemment, n’entamez pas cette démarche s’il y a un problème structurel dans votre établissement, si vous n’êtes pas à votre top. On peut faire évoluer le marketing, manipuler les éléments de langage, le tarif, mais on ne peut pas cacher la misère bien longtemps.
Je ne lui ai pas laissé assez le champ libre. J’ai lui ai, par exemple, demandé de travailler particulièrement sur des grands comptes (université, organismes de formation), ils ont déjà des contrats et ces contrats ne changent pas ou rarement. On (elle) a perdu beaucoup de temps sur ces segments. Il vaut mieux cibler de plus petites structures, flexibles, plusieurs petites entreprises représentent du volume et c’est mieux que de dépendre d’un gros acteur. Les gros, c’est une perte de temps, une dépense d’énergie pour un résultat trop incertain.
Les succès
J’ai réussi, grâce à son phoning, à accéder à des segments très spécifiques que je n’aurais pas eu et qui sont apporteurs d’affaires, dans le temps et en volume, c’est génial.
Même si l’on a du mal à mesurer le retour sur investissement (on n’a pas signé énormément de contrats), le retour se fait sur plusieurs mois, voire années ; rien que de parler, rien que de se présenter aux entreprises est énorme. Beaucoup ne nous connaissaient pas: « ha bon, il y a un hôtel là ! » On mettait une petite graine dans leur tête et elle a germé, à plus ou moins long terme, mais elle a forcement donné quelque chose.
On a aussi mis en place une newsletter, pas uniquement pour le segment corporate, mais pour toute notre clientèle, la mission a débordé un peu, mais c’est très positif. Même si je n’arrive pas à animer cette newsletter autant que je le souhaiterais , ça a permis de remettre à jour ma base de contacts et de garder le lien avec mon audience.
On a eu des contrats, quelques marchés, des résa, il y a eu des suites, c’est clair. Ce sont toutes ces petites rivières qui font les grands fleuves.
Mais son apport n’a pas été uniquement celui-là, c’est aussi la dynamique qui nous a été utile. Cette démarche nous a aidé à être moins fixé, à se remettre en question, à remettre à plat la segmentation, le produit, les éléments de langage, les méthodes de travail, etc.
Mes salariés ont beaucoup progressé à son contact, ils ont acquis des compétences qu’ils n’avaient pas, c’est aussi pour cela qu’il faut intégrer cet agent commercial à l’équipe.
Ça nous a apporté un autre regard, une autre façon de voir les choses, c’est ce qui a été le plus bénéfique pour nous !
Conseils, ce que j’améliorerais si c’était à refaire
Si c’est la première fois que vous travaillez avec un agent commercial, recrutez quelqu’un qui a de l’expérience dans le secteur, il va vous aider à vous structurer.
Si je devais le refaire, je lui laisserais plus de champ sur qui elle veut démarcher, je ne la ferais pas bloquer sur certains trucs/segments.
Je serais aussi beaucoup plus vigilante sur les outils de suivi, surtout sur ce qu’il reste à faire à la fin de la mission, qui relancer, qui suivre. L’idéal serait d’avoir une check list, une to-do list lorsque l’agent quitte l’entreprise.
Je creuserais aussi les réseaux d’entreprises, les associations. Il y a des séniors, inactifs, qui sont prêts à mettre leur savoir au service de petites entreprises comme les nôtres.
En conclusion
Ca vaut le coup à 100%, même si c’est difficile de calculer un retour sur investissement, cette action nous a fait gagner des clients, des contrats, nous a donné de la visibilité et nous a forcé à nous remettre en question et à progresser. Je recommencerais sans hésiter.
Maintenant, j’ai un étudiant en alternance, un étudiant en école de commerce/supdeco, en charge de ces questions de commercialisation, je lui donne même des missions sur les réseaux sociaux. Mais peut être que tu me donneras la parole pour partager cette seconde expérience …. Rire.
Merci Nathalie pour ce partage, cela sera avec plaisir pour partager cette autre expérience. Laissons déjà les hôteliers digérer cette première qui est effectivement très riche et que l’on en peut que recommander à tous. Merci pour ta bonne humeur 😉
Thomas & Nathalie, été 2015