Comme de plus en plus rare à notre époque mais comme beaucoup de “fils de”, j’ai eu le bonheur d’évoluer dans une famille qui m’a donné le gout de l’artisanat culinaire. Dès mes premières années, le giron familial a attiré un jeune garçon vers les joies de l’hospitalité. La boucherie-charcuterie familial était le centre du village où bons nombres de Pataras et de Bourguignons venaient s’encanailler de la meilleure viande, se délecter des belles charcuteries, rechercher le fameux “Pâté de Pâques” et bien sûr acquérir le célèbre “Persillé de Marsannay”.
Il me vient encore en mémoire mon grand-père “Julien”, hissé sur son épaule, un demi bœuf tout juste sorti du camion et le détacher de sa esse (le CHSCT n’existait pas encore …). Il pouvait être à la fois fort comme un vrai boucher, fin comme un boyau de boudin, sensible telle une belle et fine tranche de jambon, brutal lorsqu’il martelait sa pièce de bœuf, heureux au moment des célèbres “10 heures” et fier lorsque son petit-fils, hissé sur une boîte, venait se mettre à son niveau pour déposer sur chaque œuf, la gelée liquide de la fameuse entrée familiale.
Et oui, je voulais devenir cuisinier à l’époque !
“LE CIEL EST BLEU, IL VA PLEUVOIR !
Mais surtout, il fallait depuis le laboratoire aller ravitailler et remplir les vitrines du magasin. Cette parfois, périlleuse mission, me revenait. J’avais alors la fierté de porter aux mains de ma mère et de mes tantes vendeuses, les plats traditionnels des bouchers et charcutiers de renom.
Bien malheureusement, une maladie infantile m’a obligé pendant de longs mois à être alité, harnaché et lesté d’un poids de quelques kilos au bout de ma jambe et de mon lit d’hôpital acheté douloureusement par mes parents. A défaut d’en avoir sur les épaules des années plus tard, je les avais déjà au bout des pieds …
Pour suivre l’activité familiale, ce même lit avait été installé proche de la fenêtre et ce afin de poursuivre mon exploration et mon espionnage de la vie des professionnels reconnus tant la boutique ne désemplissait pas des fans de viandes si tendres du boucher du village.
De cette époque formidable également, il me restera entre autre deux instants tant extraordinaires qu’équivoques à l’époque, dont nous souffrons aujourd’hui :
– Recruter était une chose simple ces années là !Il suffisait à mon grand-père de demander uniquement aux postulants, malgré leur CAP en poche ou quelques années d’expérience, de passer le balai ! Vous imaginerez le boucher-charcutier qui allait être recruté quand le balai était poussé plutôt que tiré …
– Lorsque le peu de temps lui permettait de sortir de son labo et de lever la tête vers le ciel, son petit-fils assis sur ses genoux, il disait non sans sa bonne bonhommie, “le ciel est bleu, il va pleuvoir”… Citation qui me suivra très souvent dans mon quotidien de manager. Un peu d’humilité qui ferait beaucoup de bien à beaucoup de managers aujourd’hui.
Il y aurait tant de belles histoires à raconter. Le petit-fils que j’ai été et que je suis encore, a toujours gardé en lui, ces fameuses belles histoires qui font des souvenirs, mais surtout des conseils cachés qui se révèleront au travers des moments de ma vie de manager que j’ai entrepris et qui m’a permis de faire grandir tant de beaux professionnels à mes côtés.
Avec lui et surtout grâce à lui j’ai touché du doigt qu’avant d’être Hôtelier-Restaurateur, il fallait avant tout être un Aubergiste.