Ça y est, Booking passe la seconde ! On va vraiment voir de quoi il s’agit, jusqu’à maintenant c’était un jeu, ça devient sérieux : les hôteliers vont pouvoir pleurer pour de bon.
Samedi 20 octobre, Thomas reçoit un mail de Rentalcars l’informant que ses données personnelles allaient être partagées avec Booking.
Cette collaboration promet aux clients de bénéficier de « recommandations personnalisées » et même d’un « service client sur-mesure ». Avec ce partage d’informations, Booking organisera bientôt votre voyage de A à Z comme un véritable tour-opérateur, mais sans en assumer les responsabilités bien évidemment.
Mais au fait, c’est quoi Booking holdings ?
Anciennement appelé Priceline Group, Booking Holdings se présente comme le leader mondial du voyage en ligne. Présent dans plus de 220 pays, en une quarantaine de langues avec plus de 28 millions d’endroits où dormir, il n’est plus nécessaire de préciser qu’il est le géant du voyage.
Il se compose de 6 grandes filiales : Booking, Priceline, Kayak (dont Cheapflights et Momondo), Agoda, Rentalcars et Opentable. Voici une rapide présentation de chaque plateforme :
Booking met en relation le voyageur avec un large choix de lieux de séjour. Il génère 1,5 million de nuitées chaque jour dans 70 pays.
Priceline se positionne sur les offres spéciales afin que le voyageur fasse des économies sur ses frais d’hôtel, de véhicule de location, de vol et de croisière. Les réductions proposées par la plateforme peuvent atteindre jusqu’à 60%.
Kayak est un comparateur de prix sur les vols, hôtels, véhicules, trains et séjours dans plus d’une soixantaine de pays. Son objectif est de faciliter la planification du séjour en regroupant les informations nécessaires à la prise de décision du voyageur.
Agoda permet d’élargir l’offre à l’Asie-Pacifique, proposant la réservation de chambres d’hôtel, d’appartements ou de maisons dans 37 000 villes du monde entier.
Rentalcars met en relation le voyageur avec les plus grandes enseignes de location de voiture situées dans 163 pays et 53 000 lieux différents.
Opentable est spécialisé dans la réservation de table par la mise en relation du convive avec plus de 43 000 restaurants. Il génère la réservation de 24 millions de repas chaque mois.
Booking, une OTA ?
Booking ressemble de plus en plus à Expedia sans faire du Expedia. En effet, il n’est pas considéré comme une OTA mais comme une IDS (Internet Distribution System). Cliquez ici pour consulter notre lexique Artiref afin de bien différencier les deux termes ! Le chemin que prend Booking est définitivement celui d’un assembleur de prestations c’est-à-dire une agence de voyages (ou tour-opérateur si vous préférez).
Pour faire clair, Booking a tout d’une OTA mais il n’encaisse pas le client et joue sur le fait qu’il met uniquement en relation le client et l’hébergeur. Il s’exonère ainsi de toutes les responsabilités sur lesquelles une agence de voyages en ligne doit s’engager.
Va-t-on enfin imposer à Booking de prendre une licence agence de voyage et donc devenir une OTA ?
À quoi devons-nous nous attendre ?
Booking proposera prochainement des offres couplées qui ne s’arrêteront plus uniquement à l’offre billet d’avion + hôtel. Vols, locations de voiture, nuits d’hôtel, restaurants : ce sont des forfaits packagés comme ceux vendus par les OTA que Booking proposera.
Il va plus loin encore. Avec l’achat récent de la solution de réservation américaine FareHarbor, il ajoute une nouvelle corde à son arc : celle des activités. Nous allons commencer à voir apparaître également une proposition de loisirs (culturels, sportifs, découvertes….) lors de la réservation d’une chambre d’hôtel sur la plateforme. Devons-nous nous attendre à ce que ce soit un levier de satisfaction client ? Peut-être ! Booking pourrait proposer la gratuité d’une activité en cas de problème avec l’hébergement.
Booking va maîtriser l’ensemble du parcours client. En tenant compte des besoins et attentes du client, il proposera des réponses avec une imbrication de prestations et composera le séjour de A à Z.
Mais vous, en tant qu’hôtelier, pouvez-vous proposer à votre client une table au restaurant, un transfert en taxi et une activité en plus d’une nuit ? Malheureusement non ! Dommage Booking sait le faire…
La place de Booking, va être consolidée
Les hôtels restaurants devront-il également vendre leurs tables sur Booking pour conserver leurs clients ? Peut-être aussi ! Le client qui se rend sur Booking afin d’acheter un package hôtel + restaurant ne va pas s’amuser à réserver sa chambre sur Booking et réserver en direct sa table alors que Booking lui facilite la vie en proposant une formule incluant les deux. L’hôtel devrait alors également commercialiser son restaurant sur la plateforme et ne pourra plus compenser la perte des commissions sur ses chambres avec son restaurant.
Actuellement, il n’y a que 52 restaurants français sur Opentable (je rappelle qu’il est affilié à Booking). Imaginez ce qu’il va se passer lorsque Booking fera des offres hôtels et restaurants … Les restaurateurs français vont se vendre massivement sur Opentable disruptant totalement le secteur de la restauration.
Qu’en sera-t-il des plateformes de réservation de table en ligne telles que LaFourchette, Zenchef ou Guestonline ? Seront-elles obligées de développer une brique management vers Booking ?
Ces offres annexes, injectées vers les affiliés de Booking, vont tuer sur place la stratégie de TripAdvisor et sa vingtaine d’affiliés tels que Viator, Bokun ou LaFourchette.
De plus, le regroupement de ces plateformes optimise le ciblage grâce au partage de l’ensemble des données clients. Booking ciblera parfaitement le restaurant ou l’activité pertinents selon la nationalité et le type d’hôtel choisi. L’expérience client n’en sera que meilleure !
La formule package permettra de noyer le prix de l’hébergement. En effet, tout étant regroupé, comment allons-nous calculer le prix de la chambre, du restaurant et de l’activité ? Il sera difficile de comparer le prix de la chambre sur Booking et en direct. Oubliée la problématique de la parité tarifaire !
Sans compter que le site peut attirer des internautes souhaitant réserver uniquement une seule prestation et non un package. Avec sa large palette d’hôtels, restaurants, taxis, vols et bientôt activités, Booking devient véritablement un référentiel de prestations et ouvre beaucoup de choix.
Une consommation différente pour le client
Si le voyageur achète en ligne l’hébergement, la restauration et l’activité, ne va-t-il pas reporter son choix hébergement sur un hôtel moins cher pour conserver un panier moyen ? Sûrement !
Booking pourra envoyer des pushs sur son application lors du petit-déjeuner, moment consacré à la planification de la journée, afin de proposer diverses activités. Son parcours sera entièrement planifié et ne laissera pas place à de l’improvisation. Les ventes de billets touristiques en réception vont chuter, les revenus des réceptionnistes également.
Cette planification de Booking a d’autres effets : elle réinvente la soirée-étape facilitant ainsi l’organisation de la clientèle corporate. À quand la réservation de salle de séminaire à la Meetingbooking ?
Quelles modifications sur l’algorithme de Booking ?
La commission et/ou la visibilité seront-t-elles modulées en fonction de la participation de l’hébergement à une offre couplée ? Les packages « Week-end en amoureux à Paris », de type Wonderbox, avec le transfert aéroport, un dîner romantique et une coupe de champagne au 3ème étage de la tour Eiffel mettront en avant certains établissements contraints de payer une commission plus importante.
Il y aura peut-être des critères à respecter pour être packageable au niveau de la note, du chiffre d’affaires ou de la parité tarifaire.
Étant donné que le prix d’un restaurant ou d’une activité est inférieur au prix moyen d’une chambre, Booking pourra-il être aussi agressif en coût d’AdWords ?
Conclusion
Booking ressemble de plus ne plus à une OTA, une agence en ligne proposant des voyages complets et pas seulement de l’hébergement. Pour être agent de voyage il faut avoir une licence, une garantie bancaire, etc… mais Booking s’affranchit de tout cela. On ne peut pas devenir agence comme est en train de le devenir Booking et ne pas l’être d’un point de vu légal. Booking veut le beurre mais pas les inconvénients. Booking ne peut éviter les responsabilités qui s’appliquent à une agence, mais vous allez voir que oui !
Il reste encore beaucoup de questions auxquelles nous n’avons pas de réponses. Nous sommes ici dans une prospective, nous ne sommes sûrs de rien excepté le fait que cela va faire mal aux hôteliers (du moins ceux qui luttent pour conserver leur maitrise). Nous n’avons encore rien vu, il faut s’attendre au pire (ou au mieux si on se met du coté client).
Quelle sera l’étape suivante pour Booking et sa nouvelle acquisition FareHarbor ? Inciter l’hôtel à proposer des activités/expériences chassant ainsi sur les terres de Airbnb ? Tout est possible, Booking n’a pas de limites !
Un article écrit par Noëlie Lebrun