Tenir des statistiques pour son hôtel : pas si bête !
Chez Coach Omnium, nous sommes toujours surpris de rencontrer des hôteliers qui ne tiennent pas (ou si peu) de statistiques d’activité pour leur établissement.
Lors d’une dernière enquête en 2018, nous avions noté que 35 % des exploitants indépendants interrogés déclaraient ne pas gérer de statistiques ou encore d’en enregistrer, mais de ne pas les regarder ou en tenir compte. Pourquoi ? Pas le temps, pas l’envie, ou tout simplement n’y voyant aucun intérêt ou utilité.
C’est un peu comme si un commandant de paquebot naviguait sans ses instruments, uniquement à vue, y compris par temps de brouillard ou de tempête.
Du coup, les hôteliers qui sont dans ce cas estiment au doigt mouillé comment va leur affaire, si on le leur demande. Pas très professionnel. Car pour faire du commerce, pour vendre, il faut savoir comment se comportent les clients chez soi et comment, par rapport à ça, organiser son offre et ses ventes. Beaucoup d’hôteliers l’ignorent.
Pourtant, que d’erreurs peut-on éviter, que de stratégies peut-on élaborer, que de temps peut-on gagner, que d’efficacité commerciale peut-on développer en exploitant un minimum de statistiques d’activité. C’est encore différent de l’approche extrêmement complète et parfois exagérément poussée que l’on pratique dans le yield management pour déterminer une bonne politique tarifaire. Il ne s’agit pas ici de faire cas des informations que donnent les bilans et les comptes d’exploitation analytiques. Nous parlons de suivis de l’activité au jour le jour si profitable pour bien diriger un hôtel, avec à la clef une réactivité.
Tenir des statistiques d’activité vient en plus de tout ce que l’on peut savoir sur son hôtel et sur ceux de ses concurrents via le Net, sur les sites de commentaires de voyageurs. Qu’on les traite avec un bon PMS (Property Management System, système global qui gère l’opérationnel hôtelier), avec des tableurs Excel ou encore avec un simple cahier, une gomme et un crayon. L’essentiel est de les tenir et d’en faire bon usage.
Ce qui suit paraîtra peut-être un peu scolaire ou rudimentaire aux professionnels déjà bien éclairés sur le sujet. Mais, nous sommes persuadés que cela servira à d’autres, moins accoutumés à la démarche.
LES INDISPENSABLES :
• TAUX D’OCCUPATION (TO) : c’est évidemment la clef de voûte de la statistique hôtelière. C’est la fréquentation par la clientèle. Il s’agit du pourcentage obtenu en divisant le nombre de chambres louées par le nombre de chambres disponibles de l’hôtel. Encore faut-il compter le volume de chambres louées… Plus on se rapproche des 100 %, mieux c’est, évidemment. Mais, le taux d’occupation est un indicateur qui peut être un objectif et qui doit être comparé avec les données des périodes précédentes, et pourquoi pas, avec celles de l’Insee pour sa destination, le seul baromètre conjoncturel hôtelier fiable. Ex : un hôtel de 55 chambres a loué 23 chambres, ce qui lui fait un taux d’occupation de 41 %.
• PRIX MOYEN CHAMBRE (PMC) : il est l’indicateur parfaitement complémentaire au taux d’occupation. Il s’agit du résultat monétaire des ventes de chambres par rapport aux prix affichés et à la politique tarifaire appliquée, avec ses différentes réductions ou ses hausses de prix. Autrement dit, c’est le prix moyen économique, à distinguer du prix moyen affiché (tarif rack, disait-on). On calcule le prix moyen chambre en divisant le chiffre d’affaires HT hébergement réalisé par le nombre de chambres louées. Le prix moyen affiché se calcule en additionnant tous les prix du moment, tous types de chambres confondus, et en divisant cette somme par le nombre de chambres disponibles.
L’observation du PMC est surtout intéressante, comme pour le TO, par son évolution. Un PMC en chute peut avoir pour origine un grand nombre de raisons : une activité faible qui induit une baisse des prix, une politique commerciale qui cherche à favoriser le taux d’occupation quitte à vendre peu cher à certaines cibles, beaucoup de tarifs négociés ou réduits, etc. Il est également intéressant de calculer l’écart en pourcentage qui existe entre le prix moyen affiché et le prix moyen économique (réalisé). Plus de 20 % d’écart peut constituer un souci. Ex : un hôtel qui a enregistré 1.935 € de chiffre d’affaires HT hébergement (hors petits déjeuners) et a loué 23 chambres dans la nuit, aura un prix moyen chambre de 84,1 €.
• ET LE REVPAR ? Il désigne le « Revenue Per Available Room » ou par chambre disponible. Devenu très à la mode et totalement jargonneux, il n’est pourtant qu’un indicateur financier. De surcroît peu parlant, il n’est pas intéressant sur le plan marketing. Car le RevPar englobe à la fois le taux d’occupation et le prix moyen chambre. Or, comment savoir quoi augmente ou baisse du TO ou du PMC, quand les deux sont masqués en un seul élément ? Autrement dit, un RevPar qui augmente peut être le fait du seul PMC qui progresse au détriment du TO (perte de clients), ou l’inverse, ou les deux. C’est par conséquent une information très insatisfaisante et il est étonnant que l’on s’en serve pour comprendre l’hôtellerie.
Le RevPar se calcule en multipliant le prix moyen chambre HT réalisé (économique) par le taux d’occupation. En multipliant ce chiffre obtenu par le nombre de chambres total de l’hôtel, on obtient le chiffre d’affaires hébergement. Ex : un hôtel de 60 chambres, avec un PMC de 85 € et un TO de 55 % (33 chambres louées) aura un RevPar de 46,75 €. En multipliant ce chiffre par 60 chambres disponibles, on obtient le chiffre d’affaires hébergement de 2.805 €, le même qu’en faisant 33 chambres louées x 85 €.
• TAUX DE CAPTAGE PETIT DÉJEUNER (TCpdj) : peu d’hôteliers observent cet indicateur qui est pourtant bien pratique pour savoir si le mal que l’on se donne pour servir des petits déjeuners satisfaisants est récompensé ou pas par des ventes en suffisance. Le taux de captage est le pourcentage de clients (personnes) logés dans l’hôtel qui y prennent un petit déjeuner. Un TCpdj « normal » ou souhaitable se situe entre 85 et 90 %. En dessous, il peut y avoir un problème : petit déjeuner trop cher, offre peu attractive, horaires inadaptés, trop de monde au moment du coup de feu qui décourage les clients, espace désagréable, etc. Cela peut dépendre également de la typologie de clientèle (certains clients préfèrent faire des économies et petit déjeuner ailleurs).
On sait que les clients qui viennent par certaines agences de voyages en ligne (OTAs) sont davantage déserteurs du petit déjeuner que d’autres. Enfin, on observe que plus on se trouve dans les gammes économiques de l’hôtellerie, plus le taux de captage est mauvais, sauf exceptions, de nombreux clients prenant un petit déjeuner à l’extérieur ou sautant ce repas. Ex : un hôtel de 60 chambres qui héberge 84 clients et qui sert 62 couverts au petit déjeuner, aura un taux de captage de 73 %.
• TAUX DE CAPTAGE DÎNER (hôtel avec restaurant) : comme pour le petit déjeuner, c’est le pourcentage de clients hébergés qui dînent au restaurant de l’hôtel. Il n’y a pas de « norme » sur ce point tant les situations sont variées. Un hôtel en centre ville, entouré de restaurants adaptés à sa clientèle, perdra immanquablement des couverts au dîner. A l’inverse, un établissement isolé, bénéficiera d’un taux de captage fort. Mais, il existe un grand nombre de conditions pour qu’un restaurant d’hôtel fonctionne ou pas avec les clients hébergés : prix du restaurant, notoriété/réputation, formule proposée, horaires de service, cadre, etc.
• Volume et parts de chambres PAR CANAL DE DISTRIBUTION (dont part des OTAs) : bien que recevant des factures régulières des OTAs avec lesquelles ils travaillent, beaucoup d’hôteliers ne sont pas capables de dire quelle part de leurs ventes représente ce canal de distribution par rapport aux autres. Il faut vraiment faire l’effort de compter par quelles voies commerciales entrent les clients : passage (sans réservation), appels entrants, réservation par le site de l’hôtel, centrale de réservation de la chaîne (le cas échéant), OTAs (et lesquelles), agences de voyages/tour opérateurs, autres.
Si on trouve de plus en plus d’hôtels qui ont de 50 à 70 % de leurs réservations passant par les OTAs, l’idéal économique serait de ne pas dépasser 20 à 25 %, selon les caractéristiques de son établissement. Mais, cela suppose de réaliser des actions commerciales, …ce que font seulement 3 hôteliers sur 5.
• Nombre de chambres par société bénéficiant d’un CONTRAT D’HÉBERGEMENT : les hôteliers qui ont compris combien la prospection en zone primaire est importante (les entreprises locales qui reçoivent des visiteurs à héberger ou encore celles qui organisent des séminaires), signent des contrats dits « corporate » avec les entreprises. Il s’agit de proposer un tarif réduit de chambres (généralement avec le petit déjeuner) en contrepartie d’un volume minimal de locations sur une année. Il est par conséquent indispensable de calculer ce chiffre pour pouvoir renégocier avec l’entreprise l’année suivante en connaissance de cause, avec à la clef une ré-estimation de la réduction tarifaire à la hausse ou à la baisse en fonction des volumes de ventes réalisés.
• TAUX DE FIDÉLITÉ : il est fréquent que les hôtels reçoivent des clients devenus fidèles, surtout en voyages d’affaires réguliers dans la ville, et ne les identifient pas ou le cas échéant, tardivement. D’une manière générale, il faudrait savoir le faire et compter cette fidélité dans le volume d’activité. Une forte fidélisation de la clientèle est déjà bon signe. Ce qui veut dire que l’hôtel a des qualités appréciées. Cela contribue également à valoriser le fonds de commerce et à rassurer l’exploitant dans sa gestion. En revanche, mettre en place un programme de fidélité n’est pas très utile et est lourd à exploiter. On ne fidélise surtout que par la qualité de la prestation, dont le bon accueil. Voir notre étude sur les programmes de fidélisation en hôtellerie.
• LES PRIX DE SES CONCURRENTS DIRECTS et leur évolution : relever les prix fluctuants des concurrents et en tirer des statistiques devrait être fait au jour le jour. C’est facile avec internet. Cela permet de se positionner sur le marché, sachant toutefois que ce n’est pas parce que les concurrents ont une démarche de hausse ou de baisse des prix à un moment donné qu’ils ont forcément raison. Ou encore que c’est à généraliser sur la destination. Il existe souvent sur ce registre un phénomène de mimétisme qui n’est pas très rationnel.
PEUT ÊTRE UTILE :
• SEGMENTATION DE LA CLIENTÈLE par motif de séjours : nous trouvons cela indispensable, mais bien des hôteliers peuvent voir dans la segmentation de leur clientèle un simple gadget. Pourtant, il faut diviser pour régner en matière de marketing. Cela s’appelle le mix-clientèle qui consiste à identifier ses clients par motifs de séjours (segments/cibles) et par structures de demande (sous-segmentation). Les deux grands motifs de séjours sont l’affaire (voyages à motif professionnel) et le loisir (voyages à motif privé). Dans ceux-là, on trouve les groupes et les individuels. Puis, dans les sous-segments, les structures : couples, seniors, familles, groupes d’amis, séminaires, etc.
La segmentation permet d’établir une politique tarifaire dédiée et la mieux ajustée à la demande, mais aussi avec un but de meilleure maîtrise de la rentabilité. Enfin, on adapte généralement son offre et ses prestations aux segments prioritaires et principaux de son mix-clientèle.
• COMPTAGE DES REFUS : il peut être utile de savoir combien l’hôtel refuse de clients lorsqu’il est complet, pour quels types de clients, à quels moments et combien de jours dans l’année. C’est même indispensable pour établir une politique tarifaire fine quand les périodes de refus sont réguliers et prévisibles. Mais, cela l’est également lorsqu’on se pose la question de réaliser une extension de l’hôtel, l’ajout de salle(s) de séminaires, un agrandissement du spa et/ou du restaurant.
• TAUX D’ANNULATIONS : les réservations pleuvent, mais il arrive que les annulations et les no-shows (non présentation du client sans avoir annulé) aussi. Il peut être important de savoir quels pourcentages d’annulations arrivent et par quels canaux majoritaires de distribution (réservations en direct, OTAs, centrale de chaîne, etc.), histoire de modifier les priorités. Il faut également essayer de comprendre pourquoi un taux inhabituel ou anormal d’annulations se présente. Tout cela permet de favoriser certains canaux de distribution par rapport à d’autres et de mieux déterminer les conditions générales de ventes, mais aussi la politique de surbooking.
• TAUX DE DEVIS ACCEPTÉS / CONCRÉTISÉS (événementiel, banquets, séminaires) : il est hélas fréquent que des prestataires soient sollicités pour établir des devis pour des banquets ou des séminaires, ou tout autre événement, et que les clients ne donnent pas suite pour diverses raisons. Non seulement, il faut compter le nombre de « déchets » (devis sans suite), mais également chercher à savoir pourquoi les clients n’ont pas donné de suite favorable (choix d’un concurrent, budget trop élevé, client non rassuré par l’offre, etc.), afin de mieux se corriger.
Paru le 12 février 2019
Mark Watkins