HOSPITELS OU HÔTELS HOSPITALIERS : UNE VOIE COMPLÉMENTAIRE POUR L’HÔTELLERIE
Désormais encouragés par le Ministère de la Santé et le Ségur de la Santé, des hôtels adaptés à la clientèle des hôpitaux voisins et leur(s) accompagnant(s) ont vu le jour.
Le modèle économique est encore discutable pour les pur players, mais le principe s’ouvre à présent à des hôtels classiques à proximité d’un hôpital, qui n’ont qu’à proposer des tarifications spéciales à ce public.
L’hôtel hospitalier, ou hospitel, a pour objectif de proposer une ou plusieurs nuitées dans un hôtel (parfois résidence de tourisme) situé à proximité ou au sein même de l’hôpital, que ce soit pour des patients en soin à l’hôpital et/ou leur(s) accompagnant(s), ou dans certains cas pour des touristes, comme clientèle de complément (durant les week-ends où il n’y a pas de soins/examens médicaux, hormis aux urgences).
UNE CLIENTÈLE DIRIGÉE
Ces établissements s’adressent aux patients en ambulatoire qui n’ont pas spécifiquement besoin d’une nuit médicalisée mais qui habitent loin ou qui auraient besoin, par exemple, d’une visite de contrôle le lendemain. Cette clientèle lointaine justifie son déplacement particulièrement lorsque l’établissement hospitalier abrite de grands spécialistes ou des services de chirurgie ou de traitement rares.
Le coût pour la collectivité se trouve réduit par cette solution de logement puisque l’on passe de lits médicalisés, qui peuvent atteindre jusqu’à 1.500 € par nuit en milieu hospitalier, à des lits facturés environ 80 € par nuit, voire moins, en hospitel. D’où l’intérêt exprimé par le Ministère de la Santé (voir plus loin), qui permet de libérer des lits d’hôpitaux.
En outre, les patients trouvent avec cette offre davantage de confort car ils ne sont pas réveillés durant la nuit par les va-et-vient, les lumières et les bruits d’un service médicalisé. Les risques de contraction d’une infection nosocomiale en sont également réduits.
Outre le confort amélioré des patients et la diminution de leur stress, l’idée cardinale poursuivie reste de réduire la durée de séjours en hospitalisation conventionnelle et donc les frais pour les caisses d’assurance maladie.
Les premiers pays à avoir adopté les hôtels médicalisés sont les États-Unis et les pays d’Europe du Nord, très en avance sur la chirurgie ambulatoire. En France, cette dernière est moins répandue, bien qu’en progression (environ 40 % contre 70 % des interventions en Suède) et les hôtels médicalisés ne se trouvent que dans quelques établissements.
UN HÔTEL CLASSIQUE PEUT FAIRE L’AFFAIRE
Un hôtel hospitalier n’est pas médicalisé, même si un cabinet de médecin et/ou d’infirmière peut y être installé comme en Allemagne dans de grosses unités, pour un suivi ou une aide ponctuelle. Ses chambres ressemblent à des produits d’hôtels classiques (économique ou milieu de gamme), aux décors plutôt agréables, loin des ambiances d’hôpitaux, avec parfois juste un lit hospitalier et de menus équipements, qui font la différence.
Il doit encore une fois se trouver dans l’enceinte même de l’hôpital ou dans un établissement hôtelier très proche avec qui l’hôpital établit une convention ; mais, aucun service médical n’est assuré par l’hôpital. Le patient qui loge dans ce type d’hôtel en post-hospitalisation ou soin ambulatoire est dans un état de santé similaire à un patient qui rentrerait chez lui.
Toutefois, comme pour certains traitements ou interventions nécessitant que le médecin s’assure que le patient aura le soutien d’un accompagnant s’il rentre chez lui juste après, le protocole de soins exige parfois que le patient hébergé en hôtel hospitalier soit accompagné d’un aidant si cela s’avère nécessaire.
Il n’y a pas de durée de séjour limitée, mais à priori on parle plutôt de séjours courts (1 ou 2 nuits) — sauf pour chimiothérapie, radiothérapie… qui peuvent être sur une durée plus longue.
3 TYPES D’HOSPITELS EN FRANCE
- Hôtel au sein de l’hôpital (par exemple, Hôtel Dieu, à Paris, créée en 1992) ou à proximité immédiate (Hôtel Campanile à Villejuif),
- Résidence de tourisme, dite « hôtelière » à proximité de l’hôpital (Villa Bellagio à Villejuif),
- Établissement d’accueil hospitalier ou Maison d’accueil hospitalière : il s’agit généralement d’associations regroupées au sein d’une fédération (par exemple, la Fédération des Maison d’Accueil Hospitalières (FMAH), la Fédération des Établissements d’Accueil de Familles d’Hospitalisés (FNEAH), la Fédération des Établissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne (FEHAP)).
AVANTAGES : hôtel avec convention « hospitel » :
- Mix-clientèle élargi. La clientèle de l’hôpital étant présente quasiment toute l’année, elle peut permettre de lisser la fréquentation de l’hôtel.
- Taux de captage aux dîners et aux petits déjeuners souvent meilleurs que pour les autres clientèles.
- Amélioration de la prise en charge des patients dans un cadre plus confortable.
- Pas de souci et de frais de commercialisation vers cette clientèle qui est « dirigée ».
INCONVÉNIENTS : hôtel avec convention « hospitel » :
- Prix moyen chambre plus bas à pratiquer pour la clientèle issue de l’hôpital, d’autant qu’elle vient surtout en semaine comme les clientèles d’affaires.
- Vigilance à prévoir concernant la cohabitation entre les différents types de clientèle (incompatibilité possible entre clientèle hospitalière et clientèle hôtelière).
- L’établissement devra être ouvert toute l’année pour satisfaire les besoins de l’hôpital.
MODÈLE ÉCONOMIQUE pour un hospitel pur
La question devra être rapidement posée de la rentabilisation d’un hospitel pur, qui n’est pas un hôtel classique. Quand il s’agit d’une unité qui se consacre quasi uniquement à des patients et non, comme pour un hôtel, également à des touristes (affaires/loisirs), le retour sur investissement risque d’être compliqué à obtenir.
Certes, il n’y a pas de frais de commercialisation et pas de personnel permanent de réception, ni de nuit. Mais, un hospitel emploie du personnel (femmes de chambre, administratif…) et les rares établissements qui existent en France ont moins de 20 chambres. Pour trouver une rentabilité normale, il en faudrait davantage.
Par ailleurs, le prix de vente à la nuitée est faible. Le seuil de rentabilité est fatalement supérieur ou égal au chiffre d’affaires, ce qui ne permet pas de trouver de profitabilité pour un investisseur privé. L’investissement ne peut être pris que sur le budget de la collectivité.
L’avantage : à la condition que l’unité ne se trouve pas dans l’enceinte d’un hôpital, il peut être transformé aisément et à moindre coût en hôtel « normal », s’il devait ne pas être rentabilisé sous un statut d’hospitel pur.
À noter que le secteur hospitalier français compte près de 3.000 établissements de santé, dont 1.354 hôpitaux publics et 983 cliniques privées.
UNE PLATEFORME POUR LES HÔTELIERS
La start-up My Hospitel propose un service qui permet aux établissements hospitaliers de proposer à leurs patients d’être hébergés en chambres d’hôtel, ce qui permet de réaffecter rapidement les lits en supprimant les nuitées inutiles.
Créée en 2019 à Lyon, My Hospitel a développé une plateforme web qui permet de faciliter la gestion opérationnelle du parcours HTNM depuis la détection des patients éligibles jusqu’à la liste récapitulative mensuelle des nuitées externalisées. Il permet par exemple de trouver des hôtels à proximité pour y loger les patients et/ou leurs éventuels accompagnants. L’entreprise prend également en charge la formation du personnel à l’utilisation de la plateforme.
Les hôtels peuvent aussi utiliser cette plateforme pour devenir « partenaire de référence » des centres de soins. Un contrat « sur-mesure » est ainsi mis en place pour leur garantir l’occupation d’un certain nombre de chambres sur l’année. Aucun aménagement supplémentaire ne doit être mis en place, précise-t-on.
Mark Watkins