Bonjour à vous tous,
Cela faisait un petit moment que je n’avais pas écrit un article pour le blog Artiref, c’est que je suis bien occupé à développer My Hotel Reputation (et y a aussi un blog).
La semaine dernière je participais au Campus de l’Innovation Touristique, au Cap d’Agde, organisé par la région Occitanie. Ce campus, c’est 2 jours de conférences, d’ateliers, de tables rondes, de barcamps, de témoignages, de pitchs, des rendez-vous autour de l’innovation touristique. Il y avait des start-up mises en avant, un plateau télé, et tout ce que l’on trouve régulièrement sur ce genre d’événement. C’était un chouette événement, j’ai adoré, il y avait une super ambiance et une très belle dynamique. J’ai eu la chance et l’honneur d’avoir en charge l’animation du cycle pour les hébergeurs.
L’idée de ce cycle est de présenter des hébergeurs qui ont innové, de voir comment, pourquoi ils ont innové, de comprendre les facteurs de l’innovation.
Le super héros*
Je vous présente ici l’histoire de Kader Terfas. Kader est le directeur de Operalia Hotel les Pins à Balaruc les Bains. Kader est un pur hôtelier, dans le sens où il a fait toute sa carrière dans l’hôtellerie, en passant par tous les postes (ou presque) et en montant tranquillement, mais surement, les échelons. Il a travaillé pour des grands groupes (Accor), pour des indépendants, pour des resorts, pour des Relais et Châteaux. C’est un profil complet, il est aujourd’hui directeur de centre de profit.
La genèse
En 2017, Kader reprend la direction de l’Hotel Operalia Les pins à Balaruc les Bains. C’est une ouverture, un hôtel rénové, de 43 chambres. C’est un joli produit et le propriétaire met les moyens pour le développer, mais est exigeant sur les retours (rien de plus normal quoi).
Balaruc les Bains est la première ville thermale française, 54 000 curistes y séjournent tous les ans. Ces curistes ont une durée de séjour importante, pas moins de 3 semaines. Cela parait être du pain bénit pour les hébergeurs, oui, mais pas tous les hébergeurs, on va le voir. Kader, dans le positionnement de son établissement, qui est saisonnier, se dit qu’il récupèrerait bien une petite part de ce marché.
La problématique
Ce marché est assez spécifique, pour l’instant les curistes vont principalement en résidence, village vacances et AirBnb. Peu de curistes descendent 3 semaines à l’hôtel. C’est le point de départ de sa réflexion et donc de son processus d’innovation. Pourquoi les curistes ne descendent pas à l’hôtel. Surement pour une question de moyens, Kader travaille alors sur une gamme tarifaire adaptée aux longs séjours, mais cela ne donne pas grand-chose. Certains ont les moyens et ne viennent quand même pas. Cette gamme tarifaire a pour résultat de faire venir quelques curistes, qui veulent visiter l’établissement. L’avantage avec ce segment, est qu’ils ont le temps, qu’ils viennent d’une année sur l’autre. Mais pourquoi les curistes ne viennent pas malgré une gamme tarifaire adaptée ?
Le processus d’innovation
Donc des curistes viennent visiter l’hôtel et c’est Kader qui les accueille et qui leur fait visiter l’hôtel. Il écoute et pose des questions à ces « prospects ». Il se rend compte que ce qui freine les curistes de venir à l’hôtel est de devoir manger au restaurant matin, midi et soir. Ces longs séjours sont demandeurs de pouvoir réchauffer un plat, une spécialité achetée au marché ou autre. C’est d’ailleurs ce qu’il constate avec les premiers qui séjournent… ils demandent presque tous à utiliser le micro-onde. Kader, en bon hôtelier, accepte avec plaisir, leur ouvre la salle des petits-déjeuners, les installe, les chouchoute.
Cela lui fait penser aux auberges de jeunesse, il va donc voir ce qui se passe de ce côté, il regarde, observe cette forme d’hébergement en renouveau, avec des espaces communs, des espaces de vies, d’échanges, avec bien souvent une cuisine, un espace restauration, etc… Mais est-ce adaptable à un hôtel « traditionnel » ?
Il soumet cette « idée », proposer un coin cuisine, aux curistes venant visiter son hôtel et là c’est presque un plébiscite, il a de très bons retours, au-delà de ce qu’il pensait, a tel point que certains réservent déjà pour l’année suivante.
En fait, cette clientèle est demandeuse de prestations et services de qualité avec une certaine liberté et convivialité. Cette clientèle veut une chambre avec ménage tous les jours, aime avoir une réception pour les services, apprécie prendre le petit-déjeuner buffet, mais souhaite aussi, faire sa cuisine, manger entre curistes, avoir un peu de liberté. Il a d’ailleurs créé un « Forfait curiste » avec « Chambre, petit déjeuner buffet et cuisine commune ». Il casse les codes de l’hôtellerie.
L’innovation
Kader investi alors dans l’aménagement d’une cuisine partagée, avec espace commun. Il faut trouver un « réfrigérateur » particulier, avec des petits compartiments individuels qui ferment à clefs, etc. Kader fait les choses et il les fait bien, toujours en liaison et en écoutant les curistes. La cuisine est tout équipée et offre plaques en vitrocéramiques, four, micro-ondes, vaisselles, lave-vaisselle. L’idée et d’y accéder sans contrainte. Elle est réservée à la clientèle curiste. Kader parle de « l’auberge de la seconde jeunesse ».
Le résultat
La clientèle curiste, essentiellement séniore, a adoré. Qui a dit qu’il n’était pas possible de bousculer un peu leurs codes ?
L’année de la mise en service de la cuisine, 2018, l’Operalia a connu une explosion de 25% de son segment curiste. Les curistes sont assez fidèles s’ils sont satisfaits. Ils passent du temps ensemble, à la cure, ils parlent. De nombreux « nouveaux » curistes viennent visiter, ils se passent le mot et ils se donnent rdv l’année prochaine à l’Operalia.
C’est bien plus qu’une cuisine, mais c’est un lieu de vie qu’il a créé, un lieu de rencontre, un lieu d’échange et de partage. Cette clientèle aime être en « collectivité« . Ils aiment aller chercher un petit plat à un producteur local et se le préparer.
Il n’y a pas de problème avec la cuisine, tout le monde joue le jeu, fait sa vaisselle, et entretien. Lorsque l’on fait confiance, alors les gens prennent soin de la confiance.
La moitié des résidents vont à la cuisine, mais ne préparent rien, juste pour le lieu de vie.
Kader fait bien attention à ce que ce segment ne cannibalise pas les autres et limite le nombre de curistes tous les ans, il a un hôtel et se focalise sur l’équilibre de sa clientèle et sur la cohérence de son marketing mix.
Le double effet Kiss Kool est les avis et les partages que les curistes font de l’établissement, ça facilite la visibilité de l’hôtel (même sur les autres segments).
L’ambiance dans l’équipe est top, ce processus d’innovation et les résultats amènent sérénité et « plaisir » à l’équipe.
Kader vient de rejoindre le groupement Logis.
Conclusion
Kader à inventé un mix entre Airbnb et l’hôtellerie.
Kader est déjà en train d’innover sur d’autres aspects, mais ça c’est pour une prochaine fois.
Pour résumer son processus d’innovation:
– l’innovation ce n’est pas (que) que la technologie ou du digital
– l’innovation c’est trouver une solution nouvelle à un problème
– l’innovation, c’est de l’écoute, de la curiosité
– l’innovation c’est avoir de l’audace, casser les codes, faire autre chose, différemment
– l’innovation c’est avant tout un état d’esprit, ce n’est pas une action, ca ne s’arrête jamais
– l’innovation, c’est excitant, palpitant, cela embarque les équipes
Vous avez lu cet article comme une histoire, c’est fluide, c’est beau, ça à l’air simple comme ça, presque évident et plein de bon sens… la réalité est un peu plus contrastée et tout le monde ne réussi pas comme Kader, il faut aussi accepter l’échec dans la démarche d’innovation.
Merci Kader pour ton partage et on a hâte de voir ce que tu nous prépares.
J’ai beaucoup apprécié préparer cette table ronde avec toi.
* c’est moi, Thomas Yung, qui ai choisi ce titre de paragraphe, Kader m’a demandé de le modérer car il ne se prend pas pour un super hero, mais ca correspond à la vision que j’ai de lui (un hôtelier pareil est un super hero à mes yeux) et surtout, ca colle pile poile avec la ligne éditoriale de mon blog …. donc Kader, je garde ce titre, j’en suis désolé (rire)
Un petit mot aussi pour Damien Morthomas qui était le second intervenant à la table ronde et qui a apporté son éclairage de start-upper et l’accompagnement qu’il fait des hôteliers dans leur processus d’innovation. Je voulais partager un cas concret dans cet article, mais tu as apporté tout autant à la table ronde, hein !
Un petit mot pour les autres intervenants que j’ai animé, merci à vous pour tout ce que vous avez apporté et partagé…