Partie I : Le décret tertiaire : Qui ? Quoi ? Quand ? Comment ?
1. Qui est concerné par le décret tertiaire ?
Sont concernés par le décret tertiaire les propriétaires d’établissements dont la surface d’exploitation est supérieure ou égale à 1 000 m2.
La superficie prise en compte peut être cumulative si le site est composé de plusieurs bâtiments.
En théorie, la déclaration annuelle des consommations énergétiques est à la charge des propriétaires et preneurs à bail. Elle peut cependant être déléguée à un prestataire privé, ou aux gestionnaires de réseaux comme Enedis, GRDF, etc.
En revanche, la répartition des responsabilités entre propriétaires et exploitants quant aux moyens et actions à déployer pour réduire les consommations énergétiques de l’établissement n’est pas clairement définie. Il revient alors aux propriétaires et exploitants d’hôtels de se mettre d’accord sur qui fait quoi, collaborer et surtout jouer la transparence (partage de Capex…).
2. Quels sont les objectifs du décret tertiaire pour l’hôtellerie et la restauration ?
De manière générale, le décret tertiaire a été instauré afin de contraindre les entreprises à faire des économies d’énergie. Il renforce les autres dispositifs comme la loi Grenelle II ou la loi Elan 2018 pour permettre à la France d’atteindre ses objectifs de transition écologique à court, moyen et long terme.
Plus précisément, il fixe 2 types d’objectifs à atteindre pour les établissements, au choix :
- un objectif en valeur relative : réduire de 40% d’ici 2030, 50% d’ici 2040, et 60% d’ici 2050 la consommation énergétique finale du bâtiment, par rapport à une année de référence postérieure à l’année 2010 ;
- un objectif de consommation énergétique en valeur absolue (en kWh/m2/an) pour chaque type d’activité.
De façon générale, la valeur absolue sera privilégiée par les bâtiments les moins consommateurs d’énergie en situation initiale. À l’inverse, les établissements les plus consommateurs opteront pour le calcul relatif.
Notons ces quelques précisions :
- C’est vous qui décidez de l’année de référence. Si, dans les années passées, vous avez mis en place une stratégie de réduction des consommations, n’hésitez pas à choisir une année de référence antérieure à vos améliorations (mais après 2010).
- Il est possible de moduler ces objectifs sur la base d’une argumentation technique et financière qui prend compte des contraintes architecturales du bâtiment (monuments historiques, sites classés…), ou si les coûts sont disproportionnés par rapport aux bénéfices attendus.
- Dans le cas de bâtiments neufs, l’année de référence pour le calcul de l’objectif en valeur relative peut ne pas être la 1ere année de construction. En effet le texte précise : “la consommation énergétique de référence des bâtiments neufs, établie sur la base de la première année pleine d’exploitation, pourra être corrigée à l’issue de la phase de mise en service et de réglage des systèmes techniques du bâtiment ».
- À ce jour, la valeur absolue du niveau de consommation à atteindre pour l’hôtellerie et la restauration n’a pas encore été déterminée. Elle sera fixée par un arrêté modificatif au cours du second semestre 2022.
3. Quand faut-il faire sa déclaration ?
À compter de 2022, les propriétaires devront déclarer avant le 30 septembre, leurs consommations d’énergie pour l’année précédente.
Petite exception pour cette année 2022 : d’ici le 30 septembre, vous aurez à faire votre déclaration pour les années 2020 et 2021.
Notez surtout que c’est à la première déclaration (celle du 30 septembre prochain), que vous devez désigner votre année de référence.
4. Comment faire sa déclaration ?
Une plateforme, nommée OPERAT, a été créée par l’ADEME pour recueillir les déclarations annuelles de consommations énergétiques et assurer leur suivi.
Si nous vous conseillons de vous faire accompagner dans cette démarche par une société de conseils (MKG Consulting, spécialiste de l’hôtellerie et du tourisme propose ce type de service par exemple), il est tout à fait possible de réaliser sa déclaration soi-même. L’ADEME a notamment mis en ligne différentes ressources pour aider les entreprises à réaliser leurs démarches.
Comme cette vidéo tuto par exemple : https://www.dailymotion.com/video/x8bxfi6
Mais avant cela, il convient de déterminer plusieurs choses :
- Votre hôtel ou restaurant est-il concerné par le décret tertiaire ? En effet, de nombreux bâtiments dédiés à l’hôtellerie et à la restauration n’ont pas la mesure exacte des surfaces de plancher. La première étape consistera alors de réaliser les mesures nécessaires afin de déterminer si la surface de plancher de l’hôtel ou du restaurant est égale ou supérieure à 1000 m².
- Quelles sont les données à renseigner sur la plate-forme OPERAT ? Préparez-les en amont. Parmi ces données, il y a :
- l’activité tertiaire exercée dans le bâtiment
- la surface du bâtiment ou parties de bâtiment
- les consommations annuelles d’énergie par type d’énergie
- l’année de référence et les consommations de référence en énergie finale associées
- les indicateurs d’intensité d’usage relatifs aux activités hébergées
- les modulations prévues
- Clarifiez les obligations du propriétaire et de l’exploitant sur chacun des leviers d’actions et fixez des échéances prévisionnelles de réalisation.
Une fois que vous aurez créé votre compte utilisateur et renseigné les informations demandées, vous obtiendrez alors vos objectifs à atteindre et il vous sera demandé de construire un plan d’actions.
Puis annuellement vous aurez à déclarer vos consommations énergétiques.
Comme le rappelle Bureau Veritas, précisons que le décret établit une obligation de résultat et non pas de moyens. La réalisation de travaux ne constitue qu’une possibilité parmi d’autres pour y parvenir. La correction des anomalies de fonctionnement peut être la première action à envisager, avec des moyens relativement simples à mettre en place pour réduire significativement sa consommation énergétique.
Mais avant de voir cela, parlons rapidement des possibles sanctions en cas de manquement aux obligations.
5. Décret tertiaire : les sanctions en cas de manquement
Le décret prévoit 2 types de sanctions, en cas d’absence de déclaration annuelle des consommations énergétiques et en cas de non-respect de l’objectif établi.
- En cas d’absence non justifiée de déclaration sur OPERAT, le propriétaire recevra une mise en demeure et devra transmettre les éléments dans un délai de 3 mois. Les mises en demeure restées sans réponse seront alors publiées sur un site internet des services de l’Etat. Principe du Name & Shame dont on parlait en intro.
- Dès la première échéance de 2030, si l’objectif établi n’est pas atteint, le propriétaire et / ou l’exploitant seront mis en demeure et intimés de produire sous 6 mois un plan d’action capable de réduire leurs consommations énergétiques. En l’absence de ce plan, ils recevront une 2ème mise en demeure avant publication de leur nom sur ledit site web. Une amende administrative pourra également être prononcée, allant jusqu’à 1500€ pour les personnes physiques et 7 500 € pour les personnes morales.
A l’opposé, à chaque déclaration réalisée, une attestation est remise au propriétaire.
Cette attestation marquera votre engagement dans la transition énergétique, signe positif envoyé à l’attention des actionnaires, collaborateurs et partenaires.
Sachez que d’ores et déjà, ces attestations sont demandées pour la signature des baux ou dans le cadre de transactions.