L’évolution du marché de la thalassothérapie en France
La France, berceau de la thalassothérapie, se positionne toujours comme le leader mondial en ce domaine avec une cinquantaine de centres.
Ils sont implantés sur les 3 façades littorales, majoritairement sur la côte Atlantique, notamment la Nouvelle-Aquitaine et la Bretagne, ainsi que sur la Manche.
3 groupes leaders concentrent plus de 40 % du marché : Thalassa (du groupe Accor, 7 adresses), Thalazur avec 9 établissements et Relais Thalasso (4 centres).
Cette offre se restructure avec de nombreuses rénovations / modernisations lancées depuis ces dernières années, certains établissements ayant profité récemment de la période troublée de la crise sanitaire pour développer de nouvelles offres ou revoir leurs installations.
Il faut dire qu’un vieillissement du parc était patent. De quoi faire fuir bon nombre de clients.
Parmi les plus récentes évolutions, on peut citer :
- le Touquet rouvert fin 2019 après 1 an et demi de rénovation complète du centre de thalasso et des 2 hôtels Ibis et Novotel,
- le Relais Thalasso de Bénodet rouvert en 2019 également,
- la rénovation et le nouveau concept de la Thalasso & Spa Barrière La Baule qui s’est notamment orientée sur la médecine esthétique,
- la métamorphose de Thalazur Saint-Jean-de-Luz en 2021 qui a fait appel à l’architecte d’intérieur Jean-Philippe Nuel pour la décoration et a fait le choix d’une ambiance dans l’esprit années 1930. Le chef basque Nicolas Borteyru est désormais aux manettes des 2 restaurants,
- la réhabilitation complète du Relais Thalasso Île-de-Ré Hôtel Atalante en 2021 qui s’est inscrit dans une démarche de développement durable et de respect de la nature,
- la thalasso Roz marine à Perros-Guirec qui rouvre en mars 2023 après 1 an et demi de travaux,
Auxquels s’ajoutent quelques projets, notamment :
- L’hôtel thalasso et spa Emeria de Dinard qui devait fermer d’octobre 2022 à avril 2023 pour un chantier de grande ampleur ; mais, le projet va s’étaler davantage dans le temps faute d’entreprises qui puissent s’engager sur des tarifs et sur l’approvisionnement des matériaux. Une première phase de rénovation de 100 clés est d’ores et déjà engagée.
- Thalazur prévoit une rénovation intégrale de la thalasso de Carnac : le centre lui-même, mais aussi les restaurants, l’hôtel, le spa. Les dates ne sont pas encore fixées.
UN DÉVELOPPEMENT EN STAND-BY
En revanche, le développement de nouveaux établissements est plus mou. Le projet de thalassothérapie à Boulogne-sur-Mer n’a toujours pas vu le jour, tandis que ceux de Saint-Hilaire-de-Riez, Villefranche-sur-Mer ou Berck semblent abandonnés. La crise sanitaire est notamment passée par là.
Il est également vrai qu’il n’est pas facile de trouver des sites qui soient encore disponibles en front de mer — dans le respect de la Loi Littorale —, qui ne fassent pas l’objet d’une levée de boucliers par les associations locales et les écologistes, et qui satisfassent aux exigences d’exploitation d’une thalassothérapie.
UNE REPRISE VITAMINÉE DE LA DEMANDE
Après 2 années en berne, liées à la pandémie de Covid, l’activité est repartie à la hausse en 2022 et renoue, voire dépasse les performances enregistrées en 2019 (avant Covid). Sur la période de janvier à septembre (données non disponibles au moment de la rédaction de cet article pour les mois d’octobre et de novembre de forte activité pour les centres de thalassothérapie), le nombre moyen de curistes par établissement aurait progressé de 11 % entre 2019 et 2022 (passant de 7.421 à 8.260) et le nombre moyen de soins par établissement de +4 % (de 54.467 en 2019 à 56.751 en 2022).
Pour autant, le marché de la thalassothérapie reste modeste. Avec un CA annuel d’environ 100 millions d’euros pour un peu plus d’1 million de journées-cure en 2019 (année complète de référence), il est arrivé à maturité depuis un moment déjà. Sans nouvelle création, il semble avoir du mal à se renouveler et à trouver une nouvelle jeunesse, avec de nouvelles clientèles.
La demande tend même à décroître sur une échelle de temps plus longue : le CA moyen par établissement aurait régressé, passant de 3,3 millions d’Euros en 2017 à moins de 2 millions en 2019. Par ailleurs, on observe de fortes inégalités régionales : avec un CA moyen par établissement qui passe de moins d’1 million (en 2019) dans les centres de la Méditerranée à 2,6 millions sur la Manche et Nord Bretagne, soit respectivement 157 € et 202 € de CA par curiste.
Se pose alors, pour certains établissements, la question de la rentabilité quand on sait que les charges sont élevées et amenées à gonfler, notamment en personnel (> 50 % du CA) et en énergie, mais aussi en entretien (pompage, stockage, filtration, distribution de l’eau de mer et entretien des équipements), sans compter l’amortissement de l’investissement et des rénovations / modernisation.
Autre difficulté déjà ancienne : plus de 90 % de la clientèle des centres de thalasso en France est française. Se renouveler avec une clientèle étrangère, plus dépensière, est un problème de longue date qui reste un échec pour la plupart des instituts.
UNE THALASSO QUI CHERCHE À S’ADAPTER AUX ASPIRATIONS NOUVELLES
Pour autant, la thalassothérapie s’inscrit toujours dans une tendance forte d’attraction pour le bien-être et la préservation du capital santé. Cette aspiration non seulement s’observe depuis plusieurs années et se généralise, mais s’est renforcée avec la pandémie de Covid 19 qui a eu des conséquences lourdes sur la santé physique et psychique : prise de poids, humeur dépressive, horloge biologique bousculée, trouble du sommeil, burn-out… Avec le télétravail qui se banalise, les cols blancs souffrent en plus de l’isolement, qui peut jouer sur le moral et la vitalité.
Les clientèles classiques de la thalassothérapie ont évolué. Le marché s’est adapté — depuis déjà pas mal d’années — via notamment une stratégie de diversification de l’offre, du curatif vers le préventif, des séjours à nouveau plus longs avec une augmentation des cures de 6 jours qui tendaient à être boudées, et une prise en charge globale du client (approche holistique) au travers de :
- La diversité des programmes : séjours thématisés autour de la gestion du stress, la diététique, la remise en forme physique, le sport…
- Des techniques de soins innovants : la cryothérapie, par exemple, qui était réservée aux sportifs et à quelques malades, s’est peu à peu installée dans les centres de thalassothérapie. Si Alliance Pornic a été le premier à s’équiper, la cryothérapie est devenue un classique. Plus récemment, on parle d’épigénétique, microbiote intestinal, bilan physiologique complet… Ainsi, par exemple, Thalazur a fait de l’épigénétique – discipline qui prend en compte l’impact de l’environnement et de nos modes de vie sur l’expression de notre patrimoine génétique – un axe stratégique pour l’ensemble du groupe. Ses sites vont proposer chacun en fonction de leur spécificité et de leurs compétences, une cure « bien-être » construite autour de soins et d’activités intégrant cette dimension. Autre exemple chez Relais Thalasso, la cure 6 jours Thalavie est un programme visant à retrouver de l’énergie et de la vitalité via des soins, des activités physiques et des rendez-vous avec des experts (diététiciens, nutritionnistes, médecins).
- La prise en compte de la nutrition avec, par exemple, le récent protocole « Bilan Nutrition Santé » des Thermes Marins de Saint-Malo qui permet d’effectuer un bilan métabolique nutritionnel et physique complet en fonction de la situation de chacun.
- Des activités variées qui complètent l’offre de soins : méditation, marche et alimentation de pleine conscience, hypnose, sophrologie, détox et antistress, yoga et ayurvéda, gym tao, luminothérapie, réflexologie plantaire, aquabike, aquarelaxation…
- Une personnalisation des séjours : choix des soins et activités « à la carte », questionnaire à compléter en amont du séjour pour préparer un bilan de santé complet, suivi individuel, adaptation des repas…
- L’adjonction de soins esthétiques : la plupart des centres de thalassothérapie sont équipés d’un spa et de cabines d’esthétique.
=> L’objectif est de reprendre sa santé en main au-delà même de son séjour en thalassothérapie.
LES NOUVEAUX DÉFIS DE LA THALASSOTHÉRAPIE
C’est un secteur qui, depuis le début du siècle, a fait face à de nombreux défis, dont le déremboursement des séjours de thalassothérapie par la sécurité sociale, le développement de la concurrence sur le pourtour méditerranéen et en particulier dans les Pays du Maghreb, le développement exponentiel des centres de balnéothérapie et des spas hôteliers, le vieillissement de la clientèle, etc. Il se trouve à nouveau en présence de nouveaux enjeux :
• Le déficit de personnel : la thalassothérapie qui était relativement plus épargnée que l’hôtellerie-restauration sur les problèmes de recrutement, rencontre aujourd’hui les mêmes difficultés, notamment sur le personnel spécialisé en soins esthétiques qui doit détenir un diplôme. Pour attirer du personnel, les thalassothérapies misent sur une amélioration les conditions de travail (plus de coupure, planning très en amont, 2 jours de repos consécutifs…) et une révision des salaires à la hausse. « L’employeur doit devenir séduisant » d’après Serge Fourcade de Thalazur.
• Le changement climatique et les préoccupations grandissantes pour l’environnement dans une filière particulièrement énergivore. Outre le développement d’une démarche éco-responsable dans la gestion du site et le choix des produits, une réflexion est nécessairement entreprise à chaque programme de rénovation des établissements pour les rendre plus vertueux tels que la récupération des calories pour chauffer l’eau, la filtration et le rejet des eaux, etc. Le Relais Thalasso Île-de-Ré, par exemple, a poussé loin la réflexion lors de sa dernière rénovation à travers son programme MER’SEA qui vise l’objectif de consommer moins d’énergie et produire moins de déchet. Il est l’établissement pilote du groupe sur ce sujet.
Perrine Edelman
UNE UTILISATION AU DÉPART MÉDICALE
• En 1847, à Sète, Mademoiselle Hirsch crée le premier établissement combinant le traitement par l’eau de mer et la cure héliomarine.
• 1860 marque l’apparition du sanatorium marin, ancêtre de nos Centres de Rééducation en milieu marin qui ancre, à la fin du XIXe, la notion de bain de mer thérapeutique. Un an plus tard, le premier hôpital marin est crée à Berck-sur-Mer par les Drs Lhoste et Perrochaud.
• L’année 1865, donne toute sa dimension aux bains de mer car le Docteur La Bonnardière invente le mot « thalassothérapie » à partir des mots grec « thalassa, » la mer et « therapeia », le soin. Dès lors, la thalassothérapie prônera non seulement l’utilisation de l’eau de mer non traitée, mais aussi des algues, du sable et du climat marin. Dans cette lignée, en 1866, le biologiste René Quinton démontre la similitude entre le plasma et l’eau de mer et publiera en 1904 un ouvrage essentiel dans l’histoire des bains de mer : « L’eau de mer, milieu organique ».
• En 1899, le Docteur Bagot cherche un terrain pour créer un « institut marin » ; c’est à Roscoff, précisément, pour le cadre, la qualité de l’air et de l’eau qu’il choisit de construire le premier centre de thalassothérapie.
• C’est en 1964, que le cycliste Louison Bobet décide de développer l’activité thalassothérapie en France en ouvrant l’institut de Quiberon, établissement précurseur de la thalassothérapie moderne. Source France-Thalasso.