Au lendemain de la ré-election de la Présidente de l’Assemblée et aussitôt les derniers postes du bureau qui seront attribués ce jour, le Parlement français va se remettre au travail en ordre dispersé. Si aucun gouvernement ne peut encore lui adresser des projets et des budgets, les textes d’origine parlementaire ne sont pas menacés de faire du “sur-place”. Suite à son rapport, désormais public, la député Annaïg Le Meur, frâichement réélue, compte donner l’estocade à la niche fiscale des loueurs en meublés durant ces prochaines semaines …
Et si le coup de rabot déjà donné aux avantages fiscaux des loueurs en meublés devenait encore plus “rasant” ? Si l’on en croit les récentes déclarations de la députée Annaïg Le Meur, réélue dans le Finistère, les députés pourraient y parvenir, dès cet été, dans une démarche transpartisane que nous annonçons depuis plusieurs mois déjà.
Le rapport parlementaire dont la rédaction lui avait confiée par Matignon (du temps d’Elisabeth Borne) en novembre vient d’être rendu public et le contenu de ses propositions en dit long sur les nouvelles mesures que les députés pourraient inscrire dans la loi dès cet été …
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Un sujet d’équité fiscale selon la parlementaire: “La distinction entre les régimes est cruciale, car elle influence directement la gestion fiscale de l’activité de location meublée, les obligations déclaratives du bailleur ainsi que le montant de l’impôt dû. Aussi, s’il est surprenant qu’une activité généralement déficitaire puisse avoir la faveur des investisseurs, c’est, comme l’expliquent les experts comptables spécialisés dans les logements meublés, que le déficit que dégagent généralement les activités de location meublée « est un déficit comptable et non un déficit économique ». L’activité de location meublée peut, tout en présentant un déficit comptable, présenter un bénéfice bien réel pour le propriétaire”. D’où la volonté de rétablir une fiscalité plus équitable avec les autres propriétaires. Et de rajouter dans son rapport: “Le mécanisme des amortissements, pour les loueurs LMNP, fait donc office en l’état d’un pur mécanisme de réduction d’impôts, et aucunement d’un processus comptable visant à représenter avec sincérité la valeur d’un bien – en l’occurrence, sa dégradation (…) Ainsi, les amortissements permettent au propriétaire non seulement d’échapper à toute imposition pendant la durée de location du bien, mais aussi de se constituer un patrimoine.“
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Extrait du rapport: Selon les données datées de 2020 transmises par l’INSEE, depuis 1982, la proportion de logements meublés dans l’offre locative privée a été multipliée par quatre. Si des données du logement ne sont pas disponibles à une date plus récente, l’augmentation beaucoup plus forte du nombre de déclarants de revenus en bénéfices industriels et commerciaux (BIC) – issus de la location meublée – que de revenus fonciers – issus de la location nue – laisse deviner une accélération encore plus forte de cette tendance depuis 2020. La proportion de meublés pourrait donc atteindre, à la date du présent rapport, entre 16 % et 19 % du parc locatif. L’étude plus récente, non pas du stock de logements, mais du flux d’annonces publiées sur les principaux sites web d’annonces immobilières, montre que le nombre d’annonces pour des logements meublés a augmenté de 70 % entre 2018 et 2021, alors que les annonces pour des logements nus diminuait de 8 % dans le même temps (cf. graphique infra). La proportion d’annonces pour des logements meublés est donc passée de 36 % à 50 % sur cette période de 3 ans.
La suppression des amortissements dans le viseur
Le rapport parlementaire présente une série de propositions des plus inédites pour réformer la fiscalité locative en France et ce, dans un but de favoriser la location de longue durée et, ainsi, selon les députés, de rééquilibrer le marché locatif:
1. Unifier le régime fiscal pour les locations nues et les locations meublées: la proposition phare est de regrouper tous les revenus locatifs (hors location meublée professionnelle) dans une seule catégorie fiscale, les revenus fonciers. Cela mettrait donc fin à la distinction actuelle entre location nue (revenus fonciers) et location meublée (bénéfices industriels et commerciaux), jugée injustifiée et inéquitable par les députés.
2. Instaurer un nouveau régime du micro-foncier dit “unifié” qui serait simplifié avec un plafond relevé à 30 000 euros et un taux d’abattement unique (de 30% ou 50% selon les scénarios) pour toutes les locations non professionnelles,
3. Différencier fiscalement les niveaux de revenus et donc, d’imposition, selon la durée de location. Un scénario “bis” propose, en effet, d’introduire une “distinction fiscale” basée sur la durée de location, favorisant les locations de longue durée. Les taux d’abattement seraient de 40% pour les locations longues contre 30% pour les locations courtes; ce qui reviendrait à inverser la situation actuelle.
4. Introduire un amortissement spécifique pour les locations longue durée: ce scénario introduit un amortissement forfaitaire de 2% (soit sur 50 ans) pour les logements loués en résidence principale, applicable sur le prix de l’immeuble hors foncier.
5. Réformer le dispositif Loc’Avantages afin d’améliorer la rentabilité de ce dispositif en augmentant les taux de réduction d’impôt et en relevant le plafond de l’avantage fiscal, afin de développer une offre locative privée accessible aux locataires à revenus modestes,
6. Relance du dispositif Denormandie en améliorant sa rentabilité et en le pérennisant jusqu’en 2030 tout en élargissant son périmètre géographique pour promouvoir la rénovation énergétique des logements en centre-ville.
7. Enfin, suppression progressive de la déductibilité des amortissements pour les loueurs de meublés non professionnels au régime réel: en clair, il est proposé de supprimer progressivement la déductibilité des amortissements sur une période de 3 à 5 ans.
Selon les rapporteurs parlementaires, ces mesures (qui ne devraient faire que consensus dans les rangs de tous les partis) devraient rapporter de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de millions d’euros de rentrées fiscales supplémentaires qui seraient, justement, mobilisées sur les dispositifs Loc’Avantages et Denormandie.
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S’agissant de la fiscalité du loueur meublé professionnel (LMP), il est proposé, trois mesures dans le rapport : 1) relever le plancher pour y accéder : “Antérieurement de 23 000 €, je propose de fixer désormais le seuil à 30 000€ minimum pour éviter une aspiration artificielle des LMNP vers les LMP, par attrait pour le dispositif de l’amortissement” souligne Annaïg Le Meur. 2) intégrer dans le montant total des autres revenus, les revenus de capitaux mobiliers : “Afin éviter les effets de seuil entre les logements meublés non professionnels et professionnels, la première année de dépassement d’un côté comme de l’autre, le régime initial serait conservé. Le régime ne pourrait être adopté qu’après deux dépassements consécutifs du seuil”. Pour les locations nues et les locations meublées non professionnelles (LMNP) : seuil de passage du micro au réel, de 15 000 € actuellement, à 30 000 € ; révision du calcul des plus-values lors de la cession de logements en meublé avec prise en compte des amortissements déjà déduits dans le prix de revient de l’immeuble ; unifier les régimes d’imposition dans la catégorie des revenus fonciers : les locations meublées comme les locations nues dépendront désormais du régime des revenus fonciers (avec dans ce cas, suppression de la déduction des amortissements du bien immobilier pour les LMNP).
Nous reviendrons plus en détail sur le contenu de ce rapport très dense (avec de nombreuses simulations fiscales, notamment), mais il est clair que son contenu risque d’inspirer une prise de décision rapide au sein de la nouvelle Assemblée dont la plupart des membres réélus s’était déjà déclarée solidaire des intentions de rétablissement d’une forme radicale d’équité fiscale et de réorientation des biens vers la location de longue durée. Si ces mesures venaient à être adoptées, nul doute qu’elles auraient pour impact immédiat de faire renoncer de nombreux propriétaires à louer leur bien en mode “courte durée” et à les réorienter vers la location “permanente” (ou les revendre).