Un véritable serpent de mer ! Le texte sur la régulation des meublés touristiques n’est pas allé au bout de son examen, ce mercredi 6 décembre, à l’Assemblée Nationale.
C’est ainsi ! S’accusant d’obstruction systématique ou de vouloir gagner du temps, les députés français de tous bords se sont opposés sur le texte autour de la proposition de loi sur la régulation des meublés touristiques. Les discussions ont même été interrompues avant d’atteindre l’étape du vote.
Ce texte – à ne pas confondre avec celui relatif à la réforme fiscale discuté dans le cadre du Projet de Loi de Finances 2024 (mais qui est quand même un peu en rapport, voir plus loin) est défendu par des députés transpartisans comme Annaïg Le Meur (Renaissance, co-rapporteure de la proposition de loi sur la régulation des meublés touristiques) ou Iñaki Echaniz (PS).
En deux mots, ce texte prévoit de réduire fortement la niche fiscale dont bénéficient les propriétaires de meublés touristiques et de les aligner sur le régime appliqué aux loueurs de longue durée, en vue de favoriser l’accès au logement permanent. Il a aussi pour ambition d’imposer des obligations de DPE (diagnostic de performance énergétique) ou encore de donner des prérogatives supplémentaires aux maires pour, par exemple, réduire la durée maximale de location courte durée de 120 à 90 jours, dans les zones où l’habitat permanent est en tension.
Sur la partie fiscale, le texte vient même durcir les récentes dispositions discutées dans le cadre du PLF 2024 sur les niveaux d’abattements fiscaux et les seuils de revenus.
Raboter un peu plus que sur le PLF 2024
Si rien n’est encore joué question vote budgétaire, la tendance est quand bien établie depuis les différents examens à l’Assemblée et au Sénat. Le projet de loi de finances devrait aboutir à un durcissement radical de la fiscalité des locations de meublés de tourisme, applicable dès 2024 sur les loyers perçus dès 2023.
Cette première disposition aura pour effet de faire payer plus d’impôts aux propriétaires dès l’an prochain car la probabilité que la réforme fiscale soit approuvée telle que discutée est très élevée.
Cependant, en l’état des discussions, tous les hébergeurs ne seront pas atteints: seuls ceux qui louent des locaux classés “meublés de tourisme” et dont les loyers sont soumis au régime “micro-BIC” seront impactés; ce qui représente somme toute une population de 120 000 propriétaires.
Jusqu’à cette fin d’année, ces loueurs relèvent encore du régime d’imposition simplifié jusqu’à 188 700 € de recettes annuelles sur lesquelles il leur est permis d’appliquer un abattement de 71 %; soit un impôt calculé sur seulement 29 % de leurs revenus locatifs.
L’an prochain, en relevant du régime “micro-BIC” (jusqu’à 77 700 € de recettes annuelles), applicable sur les revenus de 2023, ils ne bénéficieront plus que d’un abattement limité à 50 %.
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Avec la nouvelle réforme, un propriétaire qui touchait 20 000 € de loyers par an (provenant de locations touristiques) sera taxé sur 10 000 € en 2024 contre 5 800 € dans le modèle antérieur. Si son taux d’imposition est de 30 %, il paiera 4 720 € d’impôt et de prélèvements sociaux en 2024 (10 000 € × 47,2 %) contre 2 738 € dans l’ancien système (5 800 € × 47,2 %). La hausse d’impôts est donc de 72,4 % ! Si vous êtes concerné par la réforme et que vos impôts payés à la source en 2023 (tels que calculés sur vos loyers de meublés de tourisme 2021 et de 2022 réduits de 71 %) ne suffisent pas à couvrir les impôts dus sur vos loyers de 2023 réduits de 50 %. Le fisc vous réclamera le complément d’impôt manquant fin 2024.
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Bon à savoir : si vous relevez du régime réel des BIC pour vos loyers de meublés de tourisme, de plein droit (loyers supérieurs à 77 700 € par an) ou sur option (à exercer en début d’année), vous n’êtes pas concerné par la réforme. Votre résultat de 2023 (bénéfice ou déficit) sera calculé comme d’habitude, par différence entre vos recettes et vos charges augmentées de l’amortissement des biens et meubles loués. Si vous êtes loueur professionnel, vous pourrez toujours imputer sans limite votre déficit sur les autres revenus imposables de votre foyer, et si vous êtes loueur non professionnel, vous pourrez l’imputer sur vos bénéfices de même nature des 10 années suivantes.
Des exceptions
Si ces nouvelles sont destinées à privilégier la location “longue durée”, il existera cependant des exceptions dans les zones rurales (ou dites à “faible tension” locative). Ainsi, selon les législateurs, “afin de ne pas tarir l’offre de meublés de tourisme classés dans (ces) zones, il sera accordé un abattement fiscal supplémentaire de 21 % à certains loueurs”. Dans des conditions restant encore à définir …
Pour cela, hormis le fait d’être établi en zone rurale, il faudra aussi que vos recettes brutes de 2022 n’aient pas dépassé 50 000 €. Ces deux conditions remplies, le coup de rabot décidé par la réforme n’aura aucun effet sur vous puisque vous bénéficierez d’un abattement de 71 % sur vos loyers bruts de 2023.
Reste à savoir si les discussions interrompues la semaine dernière autour des propositions parlementaires (notamment afin de revoir les seuils et les abattements) iront à leur terme et déboucheront sur une réforme fiscale encore plus rude. Pour la députée Annaïg Le Meur, “le texte reviendra fin janvier”… D’ici là, majorité et opposition devront s’entendre pour aboutir à un compromis: une partie des LR et la totalité du RN s’opposent fermement au texte en considérant qu’il s’en prend aux “petits propriétaires” … tout en indiquant que la réforme s’impose aussi pour protéger les hébergeurs professionnels. De l’art du faire du en même temps” même si l’on est un opposant au Président de la République …