Depuis le 3 septembre dernier, l’implacable (nouvelle) réglementation des locations meublées édictée par la ville de NYC n’en finit pas de faire parler d’elle. Cette semaine, un premier comptage officieux permet d’affirmer que 77% des annonces, présentes sur Airbnb avant le 3 septembre, ont définitivement disparu des radars …
Du jour au lendemain, près de 8 locations sur 10 jusque là présentes sur Airbnb (et donc, la ville de New York) ont disparu de la plateforme ! En cause ? La nouvelle réglementation de la ville de New York qui interdit à Airbnb de diffuser des offres qui ne seraient pas préalablement inscrites en mairie et qui, pour obtenir le fameux sésame, ont l’obligation de respecter un certain nombre d’engagements (lire notre précédent article). Selon un récent de l’Office of Special Enforcement de la ville de NYC, au moins 55% des annonces jusque là diffusées étaient “hors des clous” et ne pourront plus jamais obtenir une autorisation …
Bien sûr, on parle de Airbnb, mais la réglementation vaut pour tous les meublés de tourisme et, évidemment, pour toutes les autres plateformes concurrentes (dont Vrbo, filiale d’Expedia).
Ainsi, avec près de 40.000 locations recensées en janvier dernier sur Airbnb seulement, c’est comme si du jour au lendemain, 32.000 locations étaient rasées de la carte à New York ! Il faut dire que la mairie de NYC ne plaisante pas avec les plateformes : selon sa loi locale “Numéro 18”, les plateformes sont passibles d’amendes de 1 500 $ par réservation (et non pas par annonces) pour les transactions en infraction avec le nouveau code local. Quand on sait que, selon ses propres déclarations, Airbnb générait à peu près 85 Millions de $ de réservations par an sur NYC, on imagine bien le risque financier encouru …
Evidemment, si l’on parle de “règlementation Airbnb”, c’est que le phénomène des locations saisonnières s’est emballé (à NYC comme ailleurs aux US) avec l’avènement de la plateforme californienne: face aux juteux revenus de la location “courte durée”, de nombreux propriétaires ont, en effet, préféré louer leur appartement à la nuitée ou à la semaine (plutôt qu’à l’année) tandis que des bataillons d’investisseurs immobiliers rachetaient appartements et buildings pour les transformer en “Offres Airbnb” et générer des rentabilités locatives himalayesques, compte tenu de l’attractivité magnétique de la “ville qui ne dort jamais”…
Il n’en fallait donc pas moins pour que, en quelques années, l’habitat new-yorkais ne soit bouleversé de fond en comble par cette mutation sans précédent et que la mairie ne prenne le taureau par les cornes face à la colère des habitants ne parvenant plus à s’établir – au moins “à l’année” – dans ses “blocks” de rue. Résultat ? Selon une récente analyse faite par AirDNA, si les offres de moins de 30 jours ont baissé de 77% du jour au lendemain, celles relatives à des séjours supérieurs à 30 jours ont grimpé de 48% et elles représentent aujourd’hui 87% des annonces Airbnb présentes à New York ! Sauf que partir 30 jours à NYC n’est pas donné à tout le monde …
Autre mutation majeure : selon AirDNA, ce coup de blast a aussi modifié la nature du parc Airbnb sur NYC … désormais, comme en écho à la nouvelle réglementation, les seules annonces qui progressent sont celles qui concernent les “chambres chez l’habitant” (avec l’habitant, donc) ou encore les appartements (sans l’habitant avec vous …) mais en mode “long terme”, soit un minimum de 30 jours.
Du côté des hôteliers, évidemment, c’est le satisfecit général car, pour ces derniers, les premiers résultats de cette semaine de prohibition sonnent comme un début de victoire qu’ils attendent depuis très longtemps (lire plus loin) …
Les hôteliers prédisent 10% de revenus en plus
Ce “grand ménage” va évidemment bouleverser les grands équilibres du marché: si la réservation d’un appartement sur NYC (et via Airbnb) sera beaucoup moins aisée (et donc, plus onéreuse), il est fort probable que les touristes décrètent leur retour à l’hôtel…
Ce mouvement est d’ailleurs bien anticipé par les hôteliers à qui les sociétés d’analyses du marché et des prix à la nuitée (revenue et yield management) prédisent une augmentation du RevPar (Revenu Par Chambre Disponible) de l’ordre de 10% dès les prochains jours …et ce, en comparaison avec les chiffres de 2019 qui étaient déjà stratosphériques ! Pas sûr, en conséquence, qu’il soit aussi attractif d’aller passer quelques jours à NYC comme jusqu’à ces dernières semaines car, globalement, les prix à la nuitées devraient augmenter partout (y compris chez les 23% de locations saisonnières qui restent autorisés à louer)…
Autre facteur positif pour les hôteliers: ces derniers ont le droit de proposer leurs chambres sur Airbnb (et pas seulement pour des séjours supérieurs à 30 jours); ce qui leur permet désormais de ré-investir les annonces de la plateforme et d’en tirer de juteux revenus sans risquer de voir leurs annonces noyées parmi des milliers d’autres provenant de particuliers ou d’investisseurs immobiliers.
Toujours selon divers analystes, ce retour des hôteliers vers Airbnb pourrait contribuer à leur générer jusqu’à l’équivalent de 3% de taux d’occupation supplémentaire … Comme quoi, avec cette loi, à tous les coups, les hôtels gagnent !
Un exemple pour l’Europe ?
Evidemment, se pose sur toutes les lèvres, la question de savoir si ces lois très restrictives s’appliqueront un jour en Europe (et donc, en France) pour réguler un marché dont de nombreux syndicats professionnels soulignent l’urgence.
A priori, le vieux continent en prend le chemin avec des débuts de réglementation qui agissent un peu comme les prémices d’une future régulation. En effet, un comme pour sur le modèle new-yorkais, l’Europe a décidé que les plateformes ne pourraient plus diffuser d’annonces qui n’auraient pas été préalablement validées (par la délivrance d’une immatriculation) par les autorités locales (donc les pays et, en dernier lieu, les mairies).
Une fois le système opérationnel, rien n’interdira ensuite les pays ou l’Europe de rajouter un cran supplémentaire en définissant des conditions plus strictes d’inscription ou de diffusion sur les plateformes … comme le fait de limiter les offres aux séjours de plus de 30 jours ou uniquement dans des logements partagés avec l’habitant. Cette perspective est réelle et les débats sont déjà bien engagés à ce sujet.
Du côté des plateformes (Airbnb en tête) et des “propriétaires”, ce genre de perspective ne réjouit pas du tout: non seulement, la location de courte durée (si possible, vide d’un propriétaire) est au coeur de son modèle économique mais, de plus, les grandes villes comme NYC ou les grandes destinations comme l’Europe constituent le “gros” de ses revenus … Il est donc fort probable que de nombreux investisseurs (Airbnb est côtée en bourse) surveillent de très près les déclarations de ses dirigeants pour comprendre comment ces derniers comptent éviter cet obstacle innatendu. Une chose est certaine, cette réglementation new-yorkaise n’a pas finit de faire “jaser” de ce côté-là de l’Atlantique …