POURQUOI CETTE CASCADE DE FERMETURES D’HÔTELS ?

Est spontanément et facilement accusé un recul de la demande, avec de plus une concurrence (déloyale) causée par Airbnb. L’analyse est incorrecte. Les taux d’occupation de l’hôtellerie sont de manière générale identiques depuis une quinzaine d’années (hors période Covid) et le volume global de nuitées n’a pas fléchi en France depuis 2022. Parallèlement, les prix des hôtels ont même gonflé façon montgolfière sur ce même laps de temps (+3,8 % entre 2022 et 2023, + 3,1 % entre 2023 et 2024 et entre 5 % et 8 % entre mai 2024 et mai 2025).
Les défaillances sont donc apparemment étrangères à l’activité qui, grosso modo, se maintient. Les plus affectés sont sans surprise l’hôtellerie indépendante et les unités les plus petites. Par ailleurs, plus les hôtels se trouvent en milieu rural, plus leur sort est désormais compromis.
LES RAISONS LES PLUS COURANTES À CETTE HÉCATOMBE ?
On ne trouve généralement pas une seule mais plusieurs raisons qui s’entrecroisent pour expliquer l’augmentation du volume de fermetures d’établissements hôteliers :
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HAUSSE DES COÛTS D’EXPLOITATION / BAISSE DE RENTABILITÉ :
• Énergie : augmentation persistante des prix du poste « eau-énergie », accentué avec les conséquences de la guerre en Ukraine.
• Marchandises / matières premières : pour les 44 % d’hôtels qui disposent d’au moins un restaurant, les prix des produits alimentaires ont fortement gonflé eux aussi, à l’instar et en partie à cause de ceux de l’énergie. Cela concerne aussi les charges d’entretien / maintenance et ceux du petit déjeuner.
• Salaires : hausse du SMIC hôtelier et pénurie de personnel qualifié produisent mécaniquement un alourdissement des salaires. Les coûts salariaux sont la première dépense des hôtels. Il faut dire que ne trouvant plus que difficilement du personnel, les professionnels ont dû relever les niveaux de rémunérations (ce qui n’a que partiellement réglé le problème).
À noter que l’hôtellerie-restauration emploie 28 % de personnel au SMIC contre 15 % tous secteurs d’activité privés confondus. Mais, la hausse des rémunérations pour trouver du personnel a fait chuter cette part de smicards qui était à près de 40 % en 2023.
• Gestion des effectifs : parfois trop de personnel quand l’activité ramollit (insuffisance d’appel à des extras), pas assez de polyvalence.
• Charges sociales et fiscales : retour à un régime normal après les aides COVID.
• Surcharge pondérale : il est fréquent que les exploitations soient lestées par des charges qui pourraient/devraient être revues à la baisse, supprimées ou renégociées : loyer, abonnements inutiles ou obsolètes, trop de stocks, niveaux des intérêts des emprunts, contrats d’entretien et de blanchissage, etc.
Les plus ou moins fortes élévations des prix appliquées par l’hôtellerie n’ont pas permis de compenser l’inflation de charges d’exploitations. C’est par conséquent le seuil de rentabilité qui s’est élevé : il faut davantage de chiffre d’affaires pour compenser les charges majoritairement fixes (entre 85 et 90 %).
La baisse de profitabilité conduit à une offre moins attractive, moins compétitive et à un service plus pauvre avec moins de personnel ou du personnel moins qualifié.
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FIN DES AIDES POST-COVID

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BESOINS D’INVESTISSEMENTS NON TENUS
• La chute de rentabilité depuis le Covid associée à l’obligation de rembourser les PGE ont immanquablement empêché bien des hôteliers de réinvestir. Aussi, de nombreux hôtels — chaînes comme indépendants, et également dans les grandes villes — souffrent d’un furieux vieillissement de leur offre, lequel est de nature à fatalement décevoir la clientèle. Il s’en suit, notamment, une augmentation des mauvais avis et notations en ligne, quand 86 % des clients d’hôtels disent en tenir compte au moment de choisir un hôtel où séjourner.
• Les mises aux normes environnementales et énergétiques (ex : rénovation énergétique, RSE, accessibilité) sont en souffrance.
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COMMERCIALISATION INSUFFISANTE
• Pas de dynamique tarifaire, selon les périodes.
• Mauvais positionnement sur le marché : par exemple, un 4 étoiles qui est obligé de vendre comme un 3 parce que le marché local n’existe pas pour du haut de gamme.
• Moyens commerciaux et de promotions déficients. 2 hôteliers de grandes villes sur 3 réalisent une commercialisation active, contre 1 sur 5 dans les autres localisations.
• Site Internet de l’hôtel peu attractif et non/mal référencé Google. Difficulté pour les hôtels indépendants à se digitaliser ou à optimiser leur visibilité.
• Trop forte dépendance aux plateformes en ligne avec à la clef un gros volume de commissions à leur régler.
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RELATIONS-CLIENTS LACUNAIRE
• Négligence de la gestion de l’e-réputation (prendre en compte les avis des clients, répondre…).
• Ne pas exploiter la fidélisation de la clientèle d’habitués ou de potentiels habitués.
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PROBLÈMES DE GESTION OU DE TRANSMISSION
• Manque de repreneurs pour des hôtels familiaux, surtout en zones rurales. En attendant une vente ou un départ à la retraite avec repreneur, l’offre n’est plus entretenue et les rénovations ne se font plus.
• Mauvaise gestion ou surendettement chronique.
• Manque de fonds propres et donc impossibilité d’emprunter, ce qui de toute façon alourdirait dramatiquement la dette globale.
• Pas d’appel aux aides et subventions, quand elles existent.
Cette situation conduisant aux fermetures massives d’hôtels n’est pas nouvelle. C’est un mouvement de fond — plus structurel que conjoncturel — qui a commencé il y a une vingtaine d’années, mais qui apparaît concrètement aujourd’hui par un volume plus important qu’avant de liquidations. Comme souvent, les exploitants attendent trop longtemps pour se déclarer en cessation de paiement, espérant encore et à chaque fois que la situation va se redresser. Ce qui finit par ne pas arriver.
Mark Watkins
