MARCHÉS DE NOËL EN ALSACE : LES HÔTELIERS AUX ANGES !

Tout le monde en est satisfaisait dont en premiers les commerçants, les restaurateurs et les hébergeurs de tout poil. C’est en revanche moins vrai pour les habitants (voir plus loin).
À STRASBOURG : LE PREMIER MARCHÉ DE NOËL EN FRANCE
Le Christkindelsmärik, ou « marché de l’enfant Jésus », est le nom donné en dialecte alsacien au traditionnel marché de Noël de Strasbourg. Né en 1570, il est l’un des plus anciens d’Europe et a longtemps été le seul en France. C’est en 1871 que cet incontournable de « Strasbourg, Capitale de Noël » s’installe sur la place Broglie pour s’étaler depuis quelques années au pied de la si belle cathédrale, ainsi que dans les rues et places adjacentes.
Depuis, on trouve des marchés de Noël dans toute l’Alsace. Parmi les plus beaux figurent — outre celui de Strasbourg — ceux de Colmar, Kaysersberg, Riquewihr, Eguisheim, Ribeauvillé ou Mulhouse. Envahis par les arômes de vin chaud, chacun offre une féérie unique, mêlant traditions, artisanat local et spécialités culinaires.
Même si l’on trouve à présent partout dans l’Hexagone, jusque dans le moindre petit village, des marchés de Noël cherchant à copier l’original (en plus petit), rien n’égalise ce que l’on rencontre en Alsace. Et puis, si les autres « de la France de l’intérieur » (comme on dit en Alsace) se tournent surtout vers les habitants locaux, les marchés en Alsace — le berceau originel et immanquable — attirent massivement du monde qui vient de loin, voire de très loin, Français comme étrangers. S’y ajoute l’architecture de ses maisons à colombages et colorées complétant la magie de la fête.
On peut même découvrir à Strasbourg une boutique spécialisée dans les décorations de Noël « Noël en Alsace » ouverte …toute l’année. Difficile de croire que des Américains achètent des guirlandes et des boules de sapins en plein mois de juin ! Et pourtant…
DES DONNÉES DE FRÉQUENTATION MIROBOLANTES
En 2024, le marché de Noël de Colmar a séduit 1,5 million de visiteurs ; ce furent 3,4 millions pour celui de Strasbourg. Comparés à d’autres événements majeurs en France, comme la Braderie de Lille, les Vieilles Charrues, Hellfest, la Fête des Lumières (Lyon), etc. qui ne durent que quelques jours ou heures, les marchés de Noël alsaciens sont ouverts tout un mois (comme le Festival d’Avignon) et affriolent sur ce laps de temps un public beaucoup plus nombreux.
Pour les hôteliers alsaciens, les marchés de Noël c’est le jackpot ! Rien qu’entre le 23 novembre et le 31 décembre 2024, on estime qu’ils ont généré, dans leur ensemble, 5,3 millions de nuitées hôtelières !
Chaque année en décembre, leurs scores de remplissage sont insolents. Si les hôtels du Haut-Rhin ont réalisé 60,7 % de taux d’occupation en 2024, c’était 79,3 % le dernier mois de l’année. Alors même que toutes les destinations n’ont pas de marché de Noël, on peut loger loin pour les visiter. Même chose dans le Bas-Rhin : 63 % contre 82,3 % en décembre (voire graphique). À Strasbourg, certains établissements flirtent avec 95 % de taux d’occupation ce mois-là !
Et ces fréquentations sont largement alimentées par une clientèle étrangère : presque 1 nuitée hôtelière sur 2, dont en premiers, sans surprise, les Allemands et les Suisses voisins. La durée moyenne de séjours des « non-résidents » est de 1,8 jour contre 1,7 pour la clientèle française.
Avec des taux d’occupation qui s’envolent en décembre, évidemment les prix des hôtels font joyeusement de même. C’est bien simple — on n’en sera pas étonné —, à Strasbourg, ils doublent en moyenne par rapport au reste de l’année à partir des 3 étoiles.
UN PARC HÔTELIER QUI TIRE VERS LE HAUT DE GAMME (administratif)
Du côté du parc hôtelier, on compte 538 hôtels en Alsace en 2025, contre 567 en 2019 (avant le Covid), soit -29 adresses (-5 %). Focalisé sur Colmar, c’est la même quantité d’établissements depuis 6 ans, alors qu’à Strasbourg (sans sa périphérie), l’offre a augmenté de 6 unités (+7,6 %), mais avec 15,6 % de chambres en plus (voir tableau) car les hôtels sont plus grands.
Dans la Capitale alsacienne, 43 % des hôtels se classent en haut de gamme à luxe (aucun avec la distinction palace), contre 35 % en 2019. C’est 18 % sur le plan national. Ici comme ailleurs, on ouvre des 4 étoiles (ou on reclasse des 3 étoiles en 4) comme s’il en pleuvait !
L’objectif ou l’espoir des investisseurs et hôteliers pour monter en gamme, même artificiellement, a été de pouvoir rehausser la tarification. Raté ! Le problème est qu’en dehors du mois de décembre, globalement, ces établissements ne vendent pas à leur juste-prix eu égard à leur gamme. Ce qui signifie qu’il n’y a pas de clientèle à l’année en suffisance pour payer ce que les hôteliers aimeraient ou devraient encaisser.
Par effet domino, les hôtels haut de gamme « cassant » leurs tarifs, les catégories en-dessous font également dégringoler les leurs. Bref, trop de 4 étoiles nuit à l’ensemble du parc hôtelier dans toutes les gammes. C’est un phénomène que l’on retrouve dans beaucoup d’autres grandes villes françaises et qui pose un grave problème pour la rentabilité de l’hôtellerie et en corollaire pour la qualité de service qui s’érode par manque de moyens.
DES HABITANTS MÉCONTENTS
Si les professionnels du tourisme sont pour le moins ravis des retombées économiques des marchés de Noël en Alsace, c’est de moins en moins le cas du voisinage. Rien qu’à Strasbourg, des associations se sont créées, avec moult pétitions à l’appui, pour dénoncer les difficultés dans le quotidien des riverains sur les 4 semaines d’activité (+ les temps de montage/démontage), liées à ces festivités : nuisances, bruit, monde, gênes sur la circulation et le stationnement, zones de fouilles et de contrôles, etc. Beaucoup trouvent que l’événement a pris trop d’ampleur en grossissant considérablement dans la ville et que l’on s’éloigne de l’authenticité d’origine.
Mark Watkins
Sources Insee, CCI Alsace et Coach Omnium.


