LES FRANÇAIS QUI NE PARTENT PAS EN VACANCES D’ÉTÉ : TOUS DES PAUVRES ? BEN NON.
Des vacances chez soi peut être un choix pour certains
La farandole des statistiques défile avant et pendant les vacances pour nous dire combien de Français partiront ou ne partiront pas en vacances d’été (même chose en hiver), avec des intentions, des hésitations ou des assurances de départs.
Concernant 2025, voici une petite sélection. Le mieux que l’on puisse dire est que les sondeurs ne sont pas d’accord entre eux (comme d’hab !) :
- D’après l’enquête Ipsos pour Europ Assistance, 18 % des Français avaient déclaré qu’ils ne partiront pas en vacances cet été (IpsosEurop Assistance).
- Une étude du Crédit Agricole (Sofinscope, avril 2025) indiquait que 55 % des Français comptaient partir, ce qui implique que 45 % ne partiraient pas (CA Personal Finance Mobility).
- Selon un sondage Elabe (juillet 2025), 63 % des Français avaient l’intention de partir, donc environ 37 % ne partiraient pas, tandis que 10 % ne savaient pas encore (ELABE).
- Enfin, d’autres sources évoquent un taux autour de 40 % de Français à ne pas partir cet été, mais il s’agit souvent de synthèses moins spécifiques ou plus générales (Le Monde.frObservatoire des inégalitésFranceinfo).
DES ANALYSES SIMPLISTES !
Du côté de ceux qui analysent ce phénomène et qui reprennent le chiffre des 40 % de Français qui ne partent pas en vacances d’été, leurs résumés se réduisent à expliquer en chœur ces non-départs par la pauvreté, la précarité et le manque de moyens financiers.
Un raccourci tout ce qu’il y a de plus gratuit !
Principaux profils des non-vacanciers (été 2025) avec des données statistiques à prendre avec quelques réserves compte tenu du manque de fiabilité de beaucoup de sondages :
1) – Raisons financières, foyers modestes et ménages précaires
• En 2025, selon Cofidis, 52 % des non-voyageurs citent le manque de moyens comme principal frein, soit une hausse de 16 points par rapport à 2024. Il ne s’agit pas forcément de « miséreux » au sens premier, mais également de personnes qui font des arbitrages budgétaires par rapport à leur charge de famille, emprunts, dépenses exceptionnelles, etc. Il faut dire que de plus en plus de vacanciers trouvent que les vacances coûtent trop cher, entre l’essence, les péages, le train, les hébergements, les sorties, les loisirs et la restauration.
• À noter qu’en 2023, 15,4 % de la population de France métropolitaine vivant en logement ordinaire (et non étudiante) se situait sous le seuil de pauvreté monétaire.
2) – Seniors et retraités
• Les seniors (65 ans et plus) figurent parmi les catégories les plus concernées par des non-départs en vacances de juillet-août. Les motivations sont diverses : moins d’engagement familial (la fin de la dépendance aux vacances scolaires, les enfants étant adultes — si beaucoup prennent leurs petits-enfants, c’est souvent chez eux), soucis de santé ou de mobilité, budget limité (petite retraite), peur de la foule, canicule.
• Près de la moitié préfère des départs en vacances en avant ou en arrière-saison, quand il y a moins de monde et que les prix redeviennent plus attractifs (raisonnables ?).
3) – Professions sociales moins aisées
• Bien que les données les plus récentes ne distinguent pas explicitement ces catégories, un article de 2023 révèle que l’on trouve parmi les non-partants estivaux : 63 % des ouvriers, 57 % des artisans/commerçants, 53 % des retraités, 48 % des employés, contre 21 % des cadres. Là encore, il ne s’agit pas forcément de personnes qui n’ont pas les moyens, mais beaucoup travaillent (ou ne peuvent arrêter de travailler pour des motifs professionnels) ou ont d’autres raisons de ne pas voyager.
• On peut citer également les agriculteurs, éleveurs, maraîchers, indépendants, etc. La liste est longue.
4) – Les « marginaux »
• Ce sont les personnes qui n’aiment pas partir en vacances (eh oui, ça existe !), qui détestent quand il y a trop de monde (en parlant de surtourisme), qui préfèrent le cas échéant prendre de nombreux week-ends dans l’année (s’ils en ont les moyens) et ceux qui partent, mais évitent comme une taupe face à une racine d’arbre les périodes de vacances scolaires. Pour eux, ne pas partir en vacances comme les autres n’est pas une tare mais un choix délibéré et libérateur.
• Enfin, rester chez soi peut être un lieu de vacances bien sympa, surtout si l’on vit dans une maison et à la campagne.
6) – Les travailleurs du tourisme !
• Personne n’en parle, mais pour recevoir et servir les vacanciers, il faut bien du personnel sur les axes routiers, dans les gares et aéroports et les lieux de vacances. Et pourtant aucun de nos « experts » ne parle d’eux !
• Selon l’Insee, on compte jusqu’à 800.000 postes occupés simultanément par des saisonniers durant le pic estival dans les secteurs du tourisme, des loisirs, des hébergements et de la restauration, auxquels ajouter près de 1,4 million de salariés et non-salariés à l’année. Ceux-là, partiront (…ou pas) en vacances plus tard, au-delà de la saison d’été.
• On trouve les sauveteurs en mer, les surveillants des plages, les hôtes/hôtesses des offices de tourisme, les serveurs, les cuisiniers, les personnels des musées et monuments historiques, ceux des hébergements (hôtels, résidences, villages vacances, campings…), ceux des parcs d’attraction et de loisirs, etc.
EN RÉSUMÉ :
Si de 18 % à 45 % des Français (on appréciera l’écart…) ne partent pas en vacances en été, ce ne sont pas autant de pauvres ou de personnes en situation précaire comme on veut bien l’annoncer en insinuant que tout va mal en France pour les Français. Près de deux tiers des personnes en non-départs en vacances estivales ont d’autres raisons de tout ordre.
Mark Watkins
