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Après plusieurs mois d’adaptation, Google a commencé le 19 janvier à déployer les changements nécessaires pour se conformer aux exigences du DMA (Digital Markets Act) ou législation sur les marchés numériques, pour une mise en place le 07 Mars.
Quelques jours seulement après les premiers changements, nous avons commencé à voir leurs répercussions sur les campagnes des hôtels sur Google Hotel Ads. Trois mois plus tard, les résultats continuent de se dégrader pour les hôtels :
- Les données relatives aux clics, après un peu plus de trois mois de mise en œuvre, montrent une diminution de 30% du volume de trafic sur les marchés de l’UE concernés par l’application du DMA, par rapport à ceux où elle n’a pas été mise en œuvre.
- Dans le graphique ci-dessous, nous pouvons voir le différentiel de clics de Google Hotel Ads entre les régions affectées par le DMA et celles qui ne le sont pas, montrant que le volume de clics chute de 30%.
- Le volume de réservations directes provenant de Google Hotels diminue de 36%, ce qui augmente la dépendance des hôtels par rapport aux intermédiaires, et ce qui porte sérieusement préjudice à leur rentabilité.
Qu’est-ce qui a changé exactement ?
Google s’est essentiellement vu obligé de modifier son schéma de résultats concernant les recherches de voyages (vols et hôtels).
Dans ce cas, nous nous focalisons seulement sur les changements qui ont affecté les hôtels.
AVANT (et actuellement sur les marchés NON-DMA) :
MAINTENANT (appliqué sur les marchés DMA) :
L‘Union européenne a désigné en juillet 2023 six entreprises du numérique en tant que gatekeepers : Amazon, Apple, ByteDance (TikTok), Alphabet (Google), Meta (Facebook) et Microsoft (Windows), du fait de l’importance des 22 plateformes gérées par ces entreprises.
Dans le cas de Google, la désignation en tant que gatekeeper suppose qu’il ne peut pas inclure ses propres services verticaux (Google Maps, Google Flights ou Google Hotel Ads) dans ses pages de résultats de recherche (connues sous le nom de SERP). L’article en question est le 6.5 duDMA qui porte sur le « self preferencing ».
« Le contrôleur d’accès n’accorde pas, en matière de classement ainsi que pour l’indexation et l’exploration qui y sont liées, un traitement plus favorable aux services et produits proposés par le contrôleur d’accès lui-même qu’aux services ou produits similaires d’un tiers. Le contrôleur d’accès applique des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires à ce classement » .
Cela implique que la présentation de l’offre hôtelière aux utilisateurs sur la base des marchés DMA est moins organisée, claire et intuitive.
La taxonomie des résultats sur Google antérieure au DMA était le résultat de décennies de travail de l’entreprise, qui affinait ses résultats pour offrir une expérience de recherche optimisée afin de relier l’offre et la demande d’une manière qui soit idéale pour les deux parties.
Cette expérience de recherche antérieure au DMA permettait aux hôtels qui participaient directement au produit Google Hotel Ads, de présenter leur inventaire (disponibilité et prix des chambres) d’une manière efficace en termes de coûts de distribution et enrichissante pour l’utilisateur, puisqu’elle combinait l’expérience d’autres services, tels que Google Maps. Cette façon de présenter les informations était claire, pertinente et intuitive, et permettait de maximiser les décisions d’achat, telles que les réservations d’hôtel, pour les utilisateurs qui le souhaitaient.
Qu’est-ce qui a été perdu avec la mise en place du DMA?
Du point de vue de l’utilisateur
L’utilisateur ne peut plus :
- Visualiser l’offre des hôtels sur la destination (disponibilité et prix de manière agrégée).
- Cliquer sur le lien de Google Maps qui situe l’hôtel. Ce point génère une frustration particulière.
- Visualiser le « package d’hôtels » (unité de trois hôtels avec disponibilité, prix et avis des utilisateurs) auquel aussi bien les hôtels avec leurs sites internet que les intermédiaires pouvaient participer.
- Modifier facilement, et de façon intégrée à la navigation, les dates de séjour et les éléments de réservation tels que le nombre de voyageurs par chambre (mise à jour depuis le moteur de recherche et non dans la fiche de l’hôtel).
- Visualiser les prix sur calendrier.
- Accéder facilement à l’environnement Google Travel avec des informations plus complètes sur les voyages.
- Lorsque vous cliquez sur « Réserver une chambre », la section Voyages ne s’ouvre pas, mais les résultats du moteur de recherche s’ouvrent.
- Au lieu de cliquer sur le prix, vous devez cliquer sur « Visiter le site ».
- Toutes les interactions avec la fiche modifient les résultats du moteur de recherche (SERP).
Du point de vue de l’hôtel
L’hôtel a perdu la visibilité dans l’expérience de l’utilisateur, ce que nous pouvons démontrer de la manière suivante :
- Baisse de 30% des clics vers son site internet sur les marchés affectés par le DMA.
- Baisse de 36% des réservations directes provenant des campagnes Google Hotel Ads sur les marchés affectés par le DMA.
Source : Mirai. Comparatif de volume de trafic de 3450 hôtels entre les marchés DMA et non DMA entre le 01/01/24 et le 22/04/24.
Bien que nous ne puissions pas nous prononcer sur le sort de ces « clics perdus », étant donné que la demande existante est un « jeu à somme nulle », l’hypothèse la plus plausible est que la différence de clics sur les marchés DMA est captée par les annonceurs qui ont gagné en visibilité et en proéminence dans le nouveau format de résultats, à savoir les intermédiaires tels que les OTA (Booking.com et Expedia, principalement).
Et Booking.com, n’est-ce pas un gatekeeper ?
Dans le contexte décrit, il s’agit de la question clé. La réponse est : « pour l’instant, non ».
Dans le graphique suivant, nous examinons de plus près comment se sont déroulés les faits :
Analysons la séquence :
- Décembre 22 :
– Proposition ferme de mise en place du DMA.
- Mai 23 :
– Proposition d’évaluation des potentiels gatekeepers de la part de l’UE.
- Juillet 23 :
– Auto-exclusion de Booking.com en tant que gatekeeper.
- Septembre 23 :
– Confirmation de la liste des gatekeepers de la part de l’UE (excluant Booking.com).
– Démarrage de la période de 6 mois pour la mise en place de la législation DMA.
- Janvier 24 :
19/01/24 : Google déploie les changements DMA qui affectent Google Hotel Ads sur 90% du trafic sur les marchés DMA.
- Mars 24 :
– 01/03/2024 : Booking notifie l’UE de son potentiel statut de gatekeeper. L’UE dispose de 45 jours ouvrés pour ratifier ou non la notification.
– 07/03/2024 : Google déploie les changements imposés par le DMA sur 100% du trafic.
– 25/03/2024 : après 18 jours de mise en place complète, l’UE ouvre une enquête contre Google et d’autres plateformes pour non-respect de la législation DMA.
- Mai 24 :
– 13/05/2024 : date limite de l’UE pour ratifier ou non le statut de gatekeeper de Booking.com
- Novembre 24 :
– 13/11/2024 : date butoir de l’UE pour notifier a Booking.com les changements à effectuer sur sa plateforme dans le cas où son statut de gatekeeper serait ratifié (six mois après sa ratification, le cas échéant).
Et qu’est-ce que cela signifie pour l’industrie hôtelière ?
Le résultat fondamental de l’application de la DMA pour les hôtels est qu’ils ont perdu leur visibilité sur les marchés affectés par la DMA et ont donc perdu leur capacité à vendre directement, ce qui réduit leur rentabilité et augmente leur dépendance à l’égard des intermédiaires.
L’UE, désireuse de rendre le marché plus équitable et plus équilibré avec DMA, oblige les gatekeepers à s’adapter à la réglementation. Ces changements ont pour conséquence de soumettre les hôtels au péage de l’intermédiation, d’étrangler les ventes directes et de maintenir les utilisateurs et les hôtels captifs de modèles commerciaux moins rentables et moins indépendants.
Si Booking.com est ratifié en tant que gatekeeper, il reste à voir quelles sont les mesures imposées et leur application.
Dans tous les cas, à supposer qu’elles soient restrictives et favorables à l’industrie hôtelière, Booking.com aurait gagné plus d’un an d’avantage concurrentiel en bénéficiant de la visibilité accrue octroyée par les changements imposés par le DMA à partir de janvier 2024.
Qui sort gagnant de tout cela ?
En théorie, l’utilisateur devrait être le grand vainqueur de l’application de la DMA.
Aujourd’hui, l’expérience de l’utilisateur sur la page de résultats de la recherche d’hôtels de Google est moins claire, moins intuitive et nécessite un plus grand nombre de clics, ce qui « pousse » l’utilisateur à acheter par le biais d’intermédiaires un service qui, auparavant, pouvait être acheté directement auprès du producteur avec plus de clarté, de facilité, de compétitivité et d’efficacité pour toutes les parties.
Il ne faut pas oublier que, dans le cas d’une commercialisation propre (site transactionnel permettant la réservation), la meilleure source d’un service/produit est toujours son propre producteur, à condition qu’il commercialise correctement et de manière cohérente.
Les OTA, en particulier Booking.com en raison de sa présence et de sa pertinence en Europe, gagnent encore plus de visibilité et de proéminence dans les résultats de recherche de Google depuis que le DMA a été mis en place.
Il est difficile de déterminer avec précision, mais une partie substantielle, si ce n’est la totalité, des 30% de clics perdus par les hôtels vont aux intermédiaires.
L’UE imposera-t-elle à Booking.com une restriction équivalente ou un changement de pratique ?
Il est difficile d’anticiper ce qui va se produire. Jusqu’à présent, l’UE a interprété ses propres règles de manière asymétrique en excluant Booking.com du premier groupe de gatekeepers désignés.
Si elle ratifie finalement Booking.com en tant que gatekeeper et lui impose une forme de limitation, ce sera à la fin de l’année 2024. Comme nous ne connaissons pas la décision ni sa portée, la seule certitude que nous ayons est que Booking.com aura bénéficié d’un avantage concurrentiel d’au moins onze mois en raison de l’application erratique du DMA par l’UE.
Le reste de l’intermédiation (Expedia et les autres) pourrait perpétuer l’avantage concurrentiel qui découle du statut de non-gatekeeper.
Il convient de noter que la mise en œuvre actuelle du DMA par l’UE favorise les grandes entreprises américaines telles que Booking Holdings ou Expedia, tout en nuisant à l’expérience de l’utilisateur européen, ce qui réduit la rentabilité et la compétitivité de l’écosystème hôtelier, en particulier pour les chaînes et les hôtels indépendants de petite taille.
Mirai est activement impliquée depuis 2022, et travaille directement avec l’UE, Google et l’industrie hôtelière européenne pour s’assurer que la mise en œuvre du DMA soit bénéfique pour l’ensemble de l’écosystème hôtelier européen.