Les deux Règlements européens Digital Service Act et Digital Market Act vont prochainement être publiés pour entrer en vigueur dans les États Membres, dont la France au plus tard au 1er janvier 2024.
Pour Mélissa Morandi, Co-Présidente de la Commission Europe et Numérique « Le GNI travaille depuis plus de 10 ans sur la moralisation et la responsabilisation des plateformes numériques. Ces deux textes européens sont une avancée règlementaire forte que nous attendions depuis longtemps. Nous allons pouvoir nous appuyer dessus pour continuer nos actions et mettre fin aux dérives de certains acteurs envers nos établissements.
Pour Fabienne Ardouin, Co-Présidente de la Commission Europe et Numérique en charge du Numérique « Grâce aux informations de consommation qu’ils génèrent sur les plateformes, les établissements vont disposer d’une réelle opportunité pour améliorer leurs ventes en direct. Ce nouvel accès aux données doit permettre d’affiner leurs stratégies de vente pour être plus efficaces face aux offres des plateformes. » »
Voici en quoi cette nouvelle réglementation des plateformes numériques va faire bouger les lignes dans le secteur HCR.
Le Digital Service Act
Ce Règlement européen s’applique à tous les intermédiaires en ligne fournissant des services en Europe. Les obligations dépendront cependant du type de service et du volume d’utilisateurs de ces plateformes afin de contraindre plus fortement celles qui ont un impact plus important parmi les consommateurs européens.
Ce Règlement prévoit notamment plus de responsabilités de la part des plateformes. Dans le secteur HCR, cela impliquera donc :
- Les plateformes numériques doivent collecter toutes les informations des services proposés par les établissements pour les afficher correctement aux consommateurs.
> Les informations précontractuelles telles que les Conditions Générales de Vente doivent être visibles et lisibles sur toutes les plateformes, par exemple sur La Fourchette ou TripAdvisor qui n’ont jusqu’à présent pas systématisé cette information.
> Cela oblige également les plateformes (Google, TripAdvisor…) à indiquer le bon classement des hôtels français.
> Cela permet également de mieux repérer les « fournisseurs de services illégaux », par exemple les loueurs de meublés ou les restaurants clandestins sur les plateformes de l’économie dite collaborative. - Les conditions d’utilisation des plateformes doivent garantir les droits fondamentaux, notamment la liberté d’expression et la protection des données.
> Les signalements, notamment d’avis diffamatoires ou injurieux, doivent être traités de manière non arbitraire et non discriminatoire et dans le respect des droits fondamentaux. Ce point sera notamment soulevé lors des médiations du GNI avec Tripadvisor. - Les plateformes doivent désigner un point de contact ou un représentant légal pour toute question relative au fonctionnement de la plateforme.
> Le GNI espère donc pouvoir contacter certaines plateformes jusque-là injoignables telles Agoda. - Renforcement de l’obligation apparue dans le Règlement P2B obligeant les plateformes à proposer un mécanisme de médiation et de règlement des litiges.
Les très grandes plateformes, qui sont présentes dans le secteur HCR, ont des obligations complémentaires autour de la gestion des risques, notamment via des audits externes, ou de la coopération avec les États membres, par exemple en leur donnant accès aux algorithmes de recommandation.
> Ce principe de surveillance publique accrue des plateformes en ligne permet notamment à l’État français d’avoir les moyens d’action pour donner suite aux différentes alertes envoyées par le GNI.
En cas de non-respect de ces nouvelles obligations, les sanctions applicables peuvent aller jusqu’à 6% du chiffre d’affaires mondial.
Le Digital Market Act
Ce Règlement européen s’adresse à ce que l’Union européenne appelle les « contrôleurs d’accès » (« gatekeepers »), à savoir une très grande plateforme en ligne « qui occupe :
• Une position économique forte, a une incidence significative sur le marché intérieur et est active dans plusieurs pays de l’UE ;
• Une position d’intermédiation forte, ce qui signifie qu’elle relie une base d’utilisateurs importante à un grand nombre d’entreprises ;
• (Ou est sur le point d’occuper) une position solide et durable sur le marché, ce qui signifie qu’elle est stable dans le temps ; on présume que c’est le cas si la société a rempli les deux critères ci-dessus au cours de chacun des trois derniers exercices. »
Dans le secteur HCR, les plateformes qui auraient pu être concernées, hormis Google, seraient Booking.com et probablement Airbnb. Les autres plateformes ne sont pas (au jour de la publication de l’article) concernées par ce texte.
De nouvelles règles s’imposent à ces acteurs incontournables du marché :
- Permettre l’accès aux données générées grâce aux établissements via la plateforme.
> Cela permet donc, à condition d’avoir un outil dédié, d’analyser le trafic, la typologie de clientèle, les éléments favorables à la conversion pour définir une offre adaptée et indépendante de la plateforme. - Permettre l’accès aux données générées grâce aux publicités des établissements sur la plateforme.
> Les établissements peuvent ainsi analyser leur ROI sur ce type de publicité, non plus uniquement sur le plan financier, mais également sur le plan des données collectées. - Permettre aux établissements de promouvoir leurs offres et conclure des contrats en dehors de la plateforme.
> Cela aurait pu permettre de confirmer les décisions judiciaires françaises sur l’interdiction des clauses de parités tarifaires et de condition avec Booking.com.
> Cela aurait pu confirmer également l’article 133 de la Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui permet aux hôteliers de fixer leurs prix indépendamment de ceux proposés sur les plateformes numériques de distribution hôtelière.
Booking.com ne s’est pas déclaré comme concerné par le DMA auprès de la commission européenne avant la date limite du 3 juillet 2023. Néanmoins la plateforme le justifie en expliquant que la crise Covid-19 a fait baisser ses chiffres, mais elle ne nie pas la probabilité que ceux-ci atteignent les seuils prévus par le texte européen d’ici la fin de l’année 2023.
Conclusion
Ces deux textes viennent comme prévu compléter le Règlement Platform to Business entré en vigueur le 12 juillet 2020 qui avait amorcé une première phase dans la responsabilisation des plateformes numériques.
Pour aller plus loin :
Législation sur les services numériques : garantir un environnement en ligne sûr et responsable
Législation sur les marchés numériques : garantir des marchés numériques équitables et ouverts