

Maxime Blot et Laure Solelhac, avocate, ancienne DRH dans l’hôtellerie-restauration. Vous avez des questions du droit du travail ? C’est le moment d’y répondre !
Si vous voulez en savoir plus sur le parcours de Laure, j’ai eu la chance de la recevoir il y a quelques mois sur Hospitality Insiders : épisode 108 – Droit du travail hôtelier, avec Laure Solelhac
Décryptage des enjeux RH pour le secteur HCR
L’objectif de cette consultation était de clarifier des points complexes du droit du travail spécifiquement pour les professionnels du HCR, qu’ils soient RH, DRH, gestionnaires de paye ou collaborateurs. De nombreuses questions avaient été envoyées en amont par l’audience.
En voici un récapitulatif des principaux sujets abordés et les éclaircissements apportés par Laure Solelhac :
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Heures supplémentaires et contrat à 169 Heures
Une question fréquente concerne le contrat de travail prévoyant 169 heures par mois (soit 39 heures par semaine). Est-ce que les heures supplémentaires (les 4 heures au-delà des 35 heures légales) sont dues même si le salarié n’effectue pas réellement les 169 heures ? La réponse est oui. En contractualisant un horaire de 169 heures, l’employeur s’engage à fournir du travail et à rémunérer le salarié sur cette base. Les heures supplémentaires sont incluses dans le contrat et doivent être payées, majorées, peu importe si l’activité est faible et que le salarié travaille moins. Une alternative possible est l’annualisation du temps de travail, qui permet de faire varier les heures hebdomadaires en fonction de l’activité, tout en lissant la rémunération sur l’année. Dans un contrat annualisé, les heures supérieures à 169 heures sur l’année pourront être compensées entre les périodes de basse et haute activité.
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Indemnités compensatrices de nourriture (avantages repas)
Ce sujet, spécifique à la convention collective HCR, génère souvent des interrogations. La règle officielle est claire : un salarié a droit à un repas s’il est présent à l’heure du repas (midi ou soir), dans un établissement ouvert à la clientèle. L’employeur peut soit fournir le repas (avantage en nature) soit verser une indemnité compensatrice. Ainsi, un salarié présent de 9h à 17h n’est présent qu’à l’heure du repas du midi, il aura donc droit à un seul repas ou indemnité. Cependant, un usage ancien dans le secteur est encore appliqué par de nombreux établissements. Selon cet usage, le droit au repas dépend des heures travaillées, indépendamment de la présence à l’heure des repas : moins de 5 heures travaillées donne droit à un repas, plus de 5 heures donne droit à deux repas. Laure précise que la règle officielle est celle basée sur la présence aux heures de repas, mais l’usage persiste. Les heures de repas ne sont pas fixées par la loi, mais dépendent de l’ouverture de l’établissement à la clientèle ou des heures de repas du personnel, généralement entre 11h et 14h pour le midi et 18h30 et 21h pour le soir, bien que cela soit du cas par cas.
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Avantages repas et calcul des congés payés
Les indemnités ou avantages repas rentrent-ils dans le calcul du maintien de salaire lors des congés payés ? Oui. Lorsqu’un salarié est en congé payé, il n’est pas présent et ne bénéficie donc pas du repas physique ou de l’indemnité compensatrice sur son bulletin de paye. Cependant, l’indemnité de congé payé, calculée selon l’une des deux méthodes légales (règle du maintien de salaire ou règle du 1/10ème), inclut forcément le montant des avantages repas car ils sont déclarés dans le salaire brut et soumis à cotisations. Le salarié ne perd donc pas indirectement cette partie de sa rémunération pendant ses congés.
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Jours fériés garantis dans le HCR
Autre spécificité de la convention HCR, les jours fériés garantis sont prévus pour assurer qu’un salarié avec l’ancienneté requise bénéficie d’un minimum de jours fériés dans l’année. L’ancienneté requise est d’un an en CDI et 9 mois en CDD saisonnier. Le salarié ayant cette ancienneté a droit à au moins 6 jours fériés garantis par an. Si un jour férié tombe pendant un jour de repos hebdomadaire, il doit être compensé (récupération ou paiement). Attention : Fixer les 6 jours fériés garantis en début d’année est une pratique courante, mais n’est absolument pas une obligation légale selon la convention collective HCR. La seule obligation est de faire un bilan individuel en fin d’année pour vérifier que chaque salarié ayant l’ancienneté a bien bénéficié de ses 6 jours et, si ce n’est pas le cas, de les lui donner ou de les payer. Cette règle s’applique aussi bien aux salariés qu’aux cadres, sauf pour les cadres au forfait jour pour lesquels le calcul des jours travaillés intègre souvent les jours fériés dès le départ.
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Le forfait jour
Le forfait jour est un sujet complexe. Il est possible de conclure un forfait jour y compris pour un CDD saisonnier ou autre CDD, à condition que les critères légaux soient respectés. L’élément essentiel pour la validité d’un forfait jour n’est pas le type de contrat (CDD/CDI) mais le respect des conditions de fond : le salarié doit être au minimum cadre niveau 5 selon la convention HCR, avoir une rémunération minimale, mais surtout disposer d’une vraie autonomie dans l’organisation de son emploi du temps. Laure souligne également que l’avenant numéro 22 bis de la convention HCR qui permet les forfaits jours est incomplet. Il est vivement recommandé de conclure un accord d’entreprise pour sécuriser juridiquement les forfaits jours mis en place, car la convention seule ne protégera pas l’employeur en cas de litige.
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CDD saisonniers : durée minimale
Selon la convention collective HCR, la durée d’un CDD saisonnier est encadrée. Elle doit être d’un mois minimum et neuf mois maximum. Il n’est donc pas possible d’embaucher un CDD saisonnier pour seulement deux semaines. Dans ce cas, il faudrait se tourner vers un autre type de contrat, comme un CDD pour accroissement temporaire d’activité.
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Rupture anticipée d’un CDD après la période d’essai
Le calcul de la période d’essai en CDD est différent de celui en CDI : c’est un jour par semaine de contrat, avec un maximum de deux semaines pour les contrats de moins de 6 mois, et un maximum d’un mois pour les contrats de 6 mois et plus. Après la période d’essai, la rupture d’un CDD est beaucoup plus contrainte que celle d’un CDI. Le Code du travail liste strictement les cinq cas permettant la rupture anticipée. L’insuffisance professionnelle (le salarié « ne fait pas l’affaire », n’est pas au niveau) n’est pas un motif légal de rupture anticipée de CDD. Seule la faute grave peut justifier une rupture à l’initiative de l’employeur hors période d’essai (avec d’autres motifs très rares comme la force majeure ou l’inaptitude constatée par le médecin du travail). Si un employeur rompt un CDD en dehors de ces cas, il s’expose à devoir payer au salarié des dommages et intérêts équivalents au salaire qu’il aurait perçu jusqu’à la fin initialement prévue du contrat. Un conseil crucial donné par Laure : faites signer le CDD avant que le salarié ne commence à travailler. Idéalement en amont, ou au plus tard le jour de l’embauche avant la prise de poste. Si un salarié commence à travailler sans contrat signé, le contrat est réputé être un CDI.
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CDD d’usage (extras)
Le CDD d’usage, communément appelé contrat extra dans le HCR, est censé être réservé aux événements ponctuels et exceptionnels qui sortent de l’activité normale de l’entreprise, comme une réception de mariage. La convention collective HCR fixe une limite maximale de 60 jours par trimestre civil pour un extra. Cependant, cette limite n’est pas une garantie. L’élément déterminant est la justification du caractère ponctuel et exceptionnel de l’embauche. Faire appel à un extra de manière régulière, par exemple tous les samedis soirs pour le « coup de bourre », n’est pas justifié par le Code du travail pour un extra et présente un risque élevé de requalification en CDI à temps partiel. Comme pour les autres CDD, même si le Code du travail prévoit un délai de 48h pour la remise du contrat, il est fortement conseillé de le faire signer avant la prise de poste pour éviter qu’en l’absence de signature, le contrat ne soit considéré comme un CDI.
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Stagiaire mineur au bar
Le principe de base est clair : un stagiaire mineur ne peut pas être affecté au service du bar où de l’alcool est servi. Cependant, une exception existe pour les mineurs de plus de 16 ans qui effectuent un stage ou un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation dans le cadre d’une formation diplômante ou certifiante liée au secteur. Pour pouvoir les affecter au bar (sous encadrement), l’employeur doit obtenir un agrément de la préfecture. La procédure est simple (un formulaire en ligne), mais le délai de traitement est d’environ deux mois, et l’agrément est valable 5 ans. Cette procédure ne s’applique pas aux jeunes embauchés en CDD « classique » qui doivent être majeurs pour travailler au bar.
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Membres du CSE et heures de délégation
Le Comité Social et Économique (CSE) remplace les anciennes instances (Comité d’entreprise, Délégués du personnel) et est composé de salariés élus. Les membres du CSE bénéficient d’heures de délégation pour exercer leur mandat (représenter les salariés, négocier, visiter l’entreprise, etc.). Ces heures sont considérées comme du temps de travail effectif, elles sont payées et peuvent être posées librement par le salarié, l’employeur ne pouvant pas s’y opposer directement. Une suspension du contrat de travail (maladie, accident du travail, congé sans solde, congé sabbatique, etc.) ne suspend jamais le mandat du membre du CSE. Même en congé, le salarié reste membre et conserve son droit à ses heures de délégation. L’employeur a l’obligation de continuer à l’inviter aux réunions du CSE (par courrier recommandé ou email avec accusé de réception s’il n’est pas présent). L’employeur ne peut pas juger de la pertinence de l’utilisation des heures de délégation par le membre du CSE ; il doit les accorder. Contester leur usage nécessite de saisir le tribunal judiciaire. Concernant leur paiement, si les heures de délégation sont prises pendant le temps de travail normal du salarié (par exemple, dans le cadre de ses 35 heures), elles sont payées normalement sans récupération supplémentaire. Si elles sont prises en dehors de son temps de travail habituel, elles deviennent des heures supplémentaires et doivent suivre le régime des heures supplémentaires de l’entreprise (paiement majoré ou récupération sous forme de RCR, Rémunération et Repos Compensateur). Il n’est pas possible de convenir d’un autre système de récupération d’un commun accord avec le membre du CSE si cela ne cadre pas avec les règles sur les heures supplémentaires. Les heures de délégation sont par ailleurs plafonnées par le Code du travail en fonction du mandat et de la taille de l’entreprise.
Cette consultation a mis en lumière des points cruciaux du droit du travail HCR, soulignant la complexité de certaines règles et l’importance d’une application rigoureuse pour éviter les risques juridiques.
Au-delà de cette session, Laure Solelhac propose ses services de conseil juridique aux entreprises du secteur et dispense régulièrement des formations (présentielles ou à distance) approfondies sur la convention collective HCR, mais aussi sur l’embauche de salariés étrangers, le forfait annuel en jours, ou encore les CDD de 4h. Son organisme de formation est certifié Qualiopi. Une offre promotionnelle de 20% est actuellement en cours sur ses formations pour tout achat avant le 30 juin.
Cette session fut un « marathon » réussi, répondant à une série de questions importantes dans un format concis. Restez connecté à Hospitality Insiders pour de futures sessions !