Un regard stratégique sur ce que le milieu hospitalier peut tirer comme enseignements d’un corps de métier qui leur est proche : le monde de l’hôtellerie. Bien que leur raison d’être soit différente, ces deux secteurs partagent potentiellement les mêmes facteurs de réussite. S’agissant de développer un plus grand sens de la satisfaction du patient, de nombreux enseignements peuvent être tirés en analysant les pratiques du secteur hôtelier.
Les parallèles entre hôpitaux et hôtellerie
À première vue, les secteurs hospitaliers et hôteliers semblent être deux mondes à part. Cependant, à y regarder de plus près de nombreux parallèles apparaissent entre les deux – et ces derniers ne se cantonnent pas à la racine latine commune des mots hôpital et hôtellerie. La mission centrale d’un hôpital consiste en une offre complète de soins médicaux pour les patients. Les hôpitaux ont pour fonction de s’assurer que les gens maladies recouvrent la santé. La mission centrale d’un hôtel est d’offrir un hébergement sûr, confortable et accueillant à la clientèle. Les hôtels ont pour fonction de s’assurer que des gens fatigués et affamés trouvent le gîte, le couvert, et se sentent bienvenus.
Quel est le fil qui relie ces deux missions ? Dans les deux cas, l’objectif est que les gens se sentent mieux après qu’avant leur séjour. On pourrait également dire que leur point commun réside dans le fait que les deux s’emploient à prendre soin des personnes qu’ils accueillent et à veiller à leur bien-être. Chacun de ces établissements privilégie le fait d’offrir un environnement sûr, confortable et d’accompagnement à leur public respectif — patients pour un hôpital et clients pour un hôtel.
L’effet de halo de l’hospitalité sur la satisfaction des patients
De nombreux hôpitaux se basent logiquement sur la qualité des soins médicaux comme indicateur clé de performance. Cependant, dans un contexte où les patients sont de plus en plus perçus comme des «consommateurs de services de soin et de santé», la satisfaction de la patientèle devient un critère de plus en plus important. Dans ce contexte, les hôpitaux sont face à un paradoxe.
Les services de santé ont une logique d’accueil et de fonctionnement interne qui n’est pas sans ressembler à celle des hôtels. La partie de fonctionnement englobe de nombreux aspects des soins médicaux (interventions chirurgicales par exemple, traitements, choix des médicaments, etc.) qui soit échappent au patient, soit il est difficile pour le non-initié d’en apprécier la véritable qualité.
Paradoxalement, la qualité de ce qui va concerner l’accueil, lié à la chambre ainsi qu’à la qualité des repas et boissons, est directement observable et assez facile à appréhender pour tout patient. La conséquence de cette situation est ce que la recherche a défini comme un « effet de halo ». Les patients se focalisent sur les éléments immédiatement visibles et faciles à évaluer (c’est-à-dire les chambres et la nourriture) au détriment de ceux qui sont plus difficiles à observer et/ou appréhender (c’est-à-dire les soins médicaux). Leur jugement quant aux choses qu’ils peuvent voir, prend alors le pas sur l’appréciation qu’ils ont des éléments moins directement visibles.
Dans la pratique, ce que cela signifie est que le côté “hospitalité” d’un séjour à l’hôpital peut peser de façon disproportionnée sur la satisfaction des patients après leur hospitalisation. De ce fait, des hôpitaux excellents du point de vue de la prise en charge médicale, mais peu regardants de la qualité des chambres et des repas servis, risquent fort de se retrouver en plus mauvaise place, en termes de satisfaction des patients quant à leur prise en charge, que d’autres dont les soins médicaux ne sont pas aussi excellents mais qui misent beaucoup sur les conditions d’accueil.
Personne ne souhaiterait en venir à la conclusion que les hôpitaux devraient moins se concentrer sur la qualité des soins médicaux. Néanmoins, dans la mesure où la satisfaction des patients quant à leur prise en charge, est un facteur de succès important et souhaitable pour un hôpital, les responsables ne devraient pas négliger la dimension d’hospitalité des activités d’un hôpital.
De la satisfaction du personnel à la satisfaction de la patientèle – application de la chaîne de profit des services
On peut également établir un parallèle entre les secteurs des soins de santé et de l’hôtellerie concernant le champ des ressources humaines. Ces deux branches dépendent d’un apport régulier de personnel pour des fonctions de service, souvent perçues comme assez peu attractives. Que ce soit des postes de serveur pour l’hôtellerie ou d’infirmières pour le secteur de la santé, les dénominateurs communs de ces métiers sont des horaires de travail contraignants, des services longs, des tâches physiques et la nécessité de faire preuve de patience et d’empathie envers des clients/patients qui peuvent être imprévisibles, exigeants et irascibles. Et pour couronner le tout, les indemnités et avantages liés à ces emplois sont souvent relativement peu attractifs.
Un enseignement clé venu de l’hôtellerie – ou, pour ce point précis, du secteur des services de façon générale – est que le bien-être des employés et la satisfaction des usagers sont intimement liés. Le fameux « modèle de chaîne de profit des services » explique certains de ces liens clés. Il suggère que la qualité des prestations internes, dont la conception de l’espace de travail, les contours de l’emploi, de même que les récompenses et la reconnaissance, entre autres choses, participent à la satisfaction des employés, qui à son tour entraîne valorisation des services et satisfaction du client.
Appliqué au domaine des soins de santé, ce modèle suggère que lorsque les conditions de travail du personnel essentiel de première ligne, comme les infirmières ou le personnel d’entretien sont améliorées, cela doit se traduire par une meilleure satisfaction des patients quant à la façon dont ils ont été pris en charge. Inversement, des conditions de travail limites auront un impact négatif sur la satisfaction des patients.
Dans chaque hôtel et chaque hôpital, il y aura toujours un certain nombre de professionnels intrinsèquement motivés par la dimension humaine d’échange, qu’il y a à servir et prendre soin d’autrui. Néanmoins, il serait insensé de ne compter que sur ce seul élément. Offrir le bon environnement de travail au personnel, compte pour beaucoup dans le fait d’améliorer la satisfaction des patients.
Gagner en visibilité et en crédibilité grâce à des agréments et des certifications
Sur un marché de plus en plus concurrentiel, communiquer est un instrument important pour gagner en visibilité et en crédibilité. Nous suggérons que les agréments sont probablement pour les hôpitaux un champ sous-exploité pour affiner leur profil. Depuis longtemps, l’hôtellerie utilise le système des étoiles pour indiquer la qualité et les commodités d’un établissement. Plus récemment, le secteur étend sa portée et recherche de plus en plus de certifications liées à la sécurité (le label Safehotel par exemple) ou à des normes environnementales (avec des agréments comme Green Globe, Leadership in Energy and Environmental Design – LEED, ou encore le label Green Key).
Dans le secteur des soins de santé, les agréments et les certifications peuvent être un instrument de communication utile, concernant les normes de soin ou autres réalisations, destiné soit à des organismes publics, à des investisseurs privés, soit aux patients eux-mêmes. Avec un intérêt grandissant pour ce que l’on appelle la « silver economy » (c’est-à-dire, des clients, usagers, ou patients plus âgés) ces instruments de communication vont probablement prendre plus d’importance à l’avenir.
Conclusion
Les hôtels et les hôpitaux partagent plus de défis et de facteurs de succès possibles que l’on ne pourrait imaginer. Les deux doivent tendre à satisfaire aux besoins de ceux dont ils sont au service, avec un standard élevé de prestations, en insistant sur l’importance d’en faire une expérience positive. Dans les deux cas, le soin du détail, l’empathie et la volonté d’offrir un service d’excellence sont essentiels. De ce point de vue, les hôpitaux ont des enseignements à recevoir du secteur de l’hôtellerie. Et, qui sait, peut-être les enseignements pourraient-ils être réciproques ? Comme le disait le légendaire Horst Schultze du Ritz-Carlton :
Servir signifie prendre soin. L’hôtellerie court parfois le risque d’oublier ce mantra. Or les hôpitaux ont certainement des choses à nous apprendre sur “comment prendre soin”.