HÔTELLERIE : LES FORTES HAUSSES DE PRIX COMMENCENT À TIRER L’ACTIVITÉ VERS LE BAS
Les hôteliers ont fortement augmenté leurs prix depuis 2022 pour répercuter les hausses de leurs charges d’exploitation. Et déjà, l’activité s’en ressent : à la baisse. Les clients d’hôtels trouvaient déjà les hôtels trop chers. Ces gonflements tarifaires ne vont pas arranger l’image du secteur.
On vient de connaître une inflation qui a grimpé comme jamais depuis 1993 (nota : le record de l’inflation en France a été atteint en 1974, avec 13,65 %), même si l’on revient fin 2023 vers des tendances plus douces, autour de 5 %.
Comme ailleurs, l’hôtellerie (et la restauration), est naturellement en première ligne par une flambée dans ses charges d’exploitation : le poste food & beverage et leur acheminement, l’eau-énergie (triplement des coûts, en moyenne) pour la cuisine, le linge, le chauffage-climatisation, tous leurs achats et sous-traitances, les taxes, etc. De plus, devant les difficultés de la profession à trouver (et à garder) du personnel, les salaires ont été fortement rehaussés depuis au moins 2 ans, y compris le Smic hôtelier. Sans compter que bon nombre d’exploitants (près de 90 % initialement) doivent rebourser leur PGE (Prêt Garanti par l’État pour soutenir les entreprises durant la crise du Covid).
POLITIQUES TARIFAIRES « BARBARES » ?
Alors que l’activité post-Covid des hôtels reprend des couleurs — même si ce n’est pas uniforme au travers des régions —, ces fortes augmentations de charges d’exploitation ont conduit les professionnels à donner un furieux coup de pouce dans leur tarification pour répercuter ces dépenses additionnelles (les faire payer par les clients et sauver / améliorer leurs marges — NDLR).
Les prix moyens chambre des hôtels français auraient été relevés dans des proportions allant de 15 % à 45 % en 2022 et en 2023 par rapport à 2019, selon les gammes et les destinations, soit très au-dessus de l’inflation générale (5,2 % en 2022, selon l’Insee). Du jamais vu ! Même chose pour tous les autres services (petits déjeuners, repas, locations de salles…).
Ce sont surtout les hôteliers dans les grandes villes ainsi que ceux des chaînes intégrées qui ont su profiter de cette crise inflationniste — officiellement pour la survie de leur exploitation — pour prétexter un rattrapage de leur chiffre d’affaires perdu durant la crise sanitaire. Ces pratiques tarifaires (exagérées ?) sont peut-être une des explications aux moins bonnes performantes de remplissage de l’hôtellerie par rapport aux autres hébergements touristique durant l’été 2023.
Ainsi, si l’ensemble des hébergements touristiques a enregistré un gain de 0,6 % des nuitées par rapport à la période estivale 2022 (Insee), l’hôtellerie métropolitaine a subi un recul de -1,4 %, avec 89 millions de nuitées, contre 90,3 M sur la même période de 2022. Rien de catastrophique malgré tout, mais cela fait réfléchir. Quand on majore fortement ses prix, il faut s’attendre mécaniquement à perdre en volume.
Et dans les périodes à venir, la tendance risque d’être la même : des RevPar en progrès uniquement par la hausse des prix au détriment des taux d’occupation. Or, perdre des clients n’assure jamais de les retrouver un jour.
ET LES CLIENTS ?
Jouer sur les tarifs, surtout en les augmentant massivement pour un oui ou pour un non, fait encore une fois prendre le risque de faire fuir la clientèle, pour qui le prix compte désormais plus que tout (excepté dans le luxe), pour la clientèle de loisirs comme pour les voyageurs d’affaires. Les hôteliers seraient-ils tentés d’oublier qu’il existe d’autres formes d’hébergements touristiques ou encore que leurs clients peuvent écourter ou raréfier leurs séjours pour faire des économies ?
Ainsi, le prix est devenu le premier critère de choix d’hôtels, après la localisation, pour 74 % des clients d’hôtels, contre 58 % en 2017. Il remplace également les étoiles pour se faire une idée de la gamme dans laquelle s’inscrivent les établissements hôteliers.
Selon la dernière enquête de Coach Omnium auprès de la clientèle hôtelière, ils sont quand même 44 % des voyageurs français et européens à trouver que les hôtels français sont chers à trop chers. Et 28 % pensent même que les tarifs ont trop augmenté depuis ces dernières années. Et cette considération date d’avant les hausses massives dont nous parlons ici.
Les prix des hôtels font encore parler d’eux à l’occasion des prochains Jeux Olympiques. La polémique enfle avec en région parisienne des tarifs qui sautent à la perche, multipliés par 4 et jusque par 15 (!). Cela se constate en cherchant à réserver des séjours à cette période.
Vus comme des profiteurs, ce péché de gourmandise d’esprits « tiroir-caisse » risque de coûter cher aux hôteliers en termes d’image durable, pour un bénéfice seulement ponctuel. La loi de l’offre et de la demande (on attend entre 15 et 20 millions de visiteurs rien qu’à Paris et sa région) a ses limites et les consommateurs ont de la mémoire, surtout les clients réguliers.
Cela rend la colère des hôteliers franciliens contre le projet de triplement de la taxe de séjour plutôt inaudible, face à des pratiques tarifaires jugées abusives par leurs clients.
Mark Watkins