Les politiques tarifaires des hôtels vues par leurs clients
Les prix qui jouent au yo-yo sont devenus une pratique courante chez les hôteliers. Et plus seulement dans les chaînes. Chez 76,5 % des professionnels que Coach Omnium a interrogés, les tarifs bougent, soit saisonnièrement (49,5 % des concernés, contre 87 % en 2011) — mais c’est une habitude prise de longue date —, soit en variation semaine / week-end ou au jour le jour (51,5 % de ceux qui varient leurs prix, contre 10 % en 2011).
Du côté des voyageurs, indépendamment de ces politiques tarifaires, ils sont quand même 44 % à trouver que les hôtels français sont chers à trop chers. Soit par rapport à leurs moyens, soit en lien avec ce que leur impose leur entreprise (clientèle d’affaires), soit face au rapport qualité/offre/prix, soit encore par rapport à ce qu’ils pensent que la prestation vaut réellement. Et 28 % pensent même que les tarifs ont trop augmenté depuis ces dernières années.
Si dans les faits, à établissements comparables, les hôtels de chaînes intégrées sont en moyenne plus chers que les indépendants de près de 20 %, ce n’est pas la perception des clients. Seulement 18 % le pensent, contre 14 % qui voient au contraire les indépendants comme plus onéreux. Et 30 % sont d’avis que leurs prix sont équivalents. Ce qui compte, nous sommes bien d’accord, c’est ce que perçoivent les consommateurs…
LE PRIX, LE PRIX, LE PRIX…
Le prix est même devenu le premier critère de choix d’hôtels en 2022, après la localisation, pour 74 % des clients d’hôtels, contre 58 % en 2017. Il remplace également les étoiles pour se faire une idée de la gamme dans laquelle s’inscrivent les établissements hôteliers.
Parallèlement, 42 % des clients d’hôtels français et européens interviewés par Coach Omnium pensent que les prix hôteliers proposés par les OTAs (Booking, Expedia…) sont moins élevés et plus avantageux que sur les sites des hôteliers. Ce qui est de moins en moins vrai depuis la suppression de la parité tarifaire. Comme quoi enfoncer le clou du « nous sommes moins chers » finit par ancrer profondément ce message.
Le fameux yield management, assisté par ordinateur ou pas, commence à se répandre chez les hôteliers indépendants, après les chaînes intégrées. Essentiellement dans les hôtels urbains, avec des tarifs qui peuvent aller du simple au double, et même du simple au quadruple à Paris, lors de certains événements créant une forte demande ! Et on ne parle des JO 2024 où des hôtels vont multiplier leurs tarifs de chambres par jusqu’à 16 ! Avec Internet et en fonction des prévisions parfois possibles dans la demande (baissière ou haussière), faire bouger ses prix au jour le jour, sans complexe, n’est plus ni un problème, ni un tabou comme beaucoup d’hôteliers le croyaient jusque-là.
C’est bien le casse-tête de la plupart des hôteliers : comment fixer ses prix pour qu’ils ne fassent pas fuir les clients tout en se garantissant des marges suffisantes pour rentabiliser l’affaire. Sans compter l’obligation de répercuter les hausses de charges (énergie, frais de personnel, etc.) liées à l’inflation.
Dans ce sens, on sera étonné que pratiquement aucun hôtelier ne s’intéresse aux réactions des clients pour savoir si sa tarification est bien positionnée ou pas (pas de marketing de la demande). Il est vrai qu’il est compliqué de faire parler la clientèle sur ce point et d’obtenir des réponses sincères.
LES CLIENTS SONT BIEN INFORMÉS
Et justement, face à la pratique du yield management (ou assimilé) qui se retrouve surtout dans les grandes villes et les stations de vacances avec des cotations saisonnières, nous avons voulu savoir comment réagissaient les clients d’hôtels.
Ils sont ainsi 91 % à s’être rendu compte de ces politiques commerciales (3 % ne le savaient pas) : clients d’affaires mais aussi clients de loisirs qui vont moins souvent à l’hôtel.
Pour 61 % des voyageurs, habitués à ce qui se fait dans le monde du voyage et sur Internet, proposer des tarifs hôteliers qui varient, même au jour le jour, est normal. Ils s’y sont accoutumés. C’est la loi de l’offre et de la demande, reconnaissent-ils, parfois avec fatalisme. Forte demande = prix qui montent. Et inversement. 47 % trouvent que c’est habituel.
UN AVIS PLUTÔT NÉGATIF SUR LES PRATIQUES TARIFAIRES
Mais, constater ce phénomène ne signifie pas forcément qu’on l’accepte facilement. 32 % des clients d’hôtels interrogés par Coach Omnium pensent que les variations tarifaires ou les tarifs flexibles sont anormaux, pas acceptables. Que les hôteliers concernés abusent de la situation, le cas échéant. « Payer la même chambre avec des différences de tarifs est incompréhensible, parce qu’exagéré ; cela vous vous dégoûte de l’hôtellerie ou de l’hôtel qui pratique cela », a-t-on pu entendre. Souvent, les voyageurs d’affaires répondent qu’ils n’ont pas le choix de la date et qu’il faut accepter de payer le prix fort, en ne trouvant pas d’autre établissement où se loger.
A l’inverse, 54 % des voyageurs comprennent que les tarifs hôteliers fluctuent — la loi de l’offre et de la demande —. Mais, ce n’est pas pour autant qu’ils les acceptent ou voient cette pratique d’un bon œil. Surtout quand la tarification va du simple au double, voire au triple et jusqu’au quadruple, comme à Paris à certaines périodes chargées (sans parler des JO 2024).
Le malentendu est réel entre clients et hôteliers dans le cas des tarifs moins élevés, mais à la réservation non remboursable s’il faut annuler. Les premiers voient négativement la majoration de 25 € en moyenne pour obtenir une possibilité de remboursement en cas d’annulation ; les seconds pensent qu’ils font un cadeau.
30 % voient ces tarifications qui bougent comme trop contraignantes, « un véritable casse-tête ». « Trop de surprises, souvent désagréables ». Ils sont en somme seulement 13 % pour qui le yield management peut être attractif. On se doute, c’est lorsque les prix chutent.
Parmi les voyageurs qui sont confrontés à des tarifs d’un hôtel qu’ils jugent trop élevés, « seulement » 26 % renoncent au séjour. C’est le cas des personnes qui avaient choisi une destination où tous les hôtels augmentent leurs prix de manière uniformément forte ou par rapport à un hôtel en particulier dans lequel elles auraient aimé séjourner.
Mais, la réaction la plus courante est de renoncer à un hôtel pour un autre, quand c’est possible dans la destination. Ils sont 70 % à le faire, ce qui n’est pas rien. En revanche, aucune personne interrogée ne cherche un autre type d’hébergement moins cher, de type Airbnb, par exemple.
A noter que 27 % des clients d’hôtels disent aller jusqu’à dénoncer les abus tarifaires sur les sites d’avis en ligne. Mauvais pour l’e-réputation des hôtels.
Les tarifs hôteliers sont devenus compliqués, tant pour la clientèle que pour les professionnels. Le yield management — que l’on peut parfois voir comme une « pratique barbare » — a de nombreux avantages pour les hôteliers. Mais, apparemment pas pour leurs clients, qui ne le voient pas de la même manière et n’y trouvent pas leur intérêt.
Pour les hébergeurs, c’est donc un peu jouer avec le feu, quand le public est déjà d’avis que les hôtels sont trop chers.
Mark Watkins
Sources issues des sondages que Coach Omnium réalise régulièrement auprès des clientèles hôtelières françaises et européennes, à compte d’auteur, en face-à-face.