Prenez des chaînes hôtelières intégrées qui ont plus de 100 adresses en France. Cela va jusqu’à 400 ! C’est simple, il y en a 10 en tout. Mais, cela représente tout de même plus de 2.500 hôtels. Consultez les notes d’e-réputation de leurs hôtels, un par un, sur les plateformes de réservations hôtelières. Et voyez le résultat.
Qui aurait dit que bien des grandes chaînes hôtelières intégrées présentes en France auraient des notes d’e-réputation pas si bonnes que l’on aurait pu le croire, voire même lamentables pour certaines ? On tombe de haut ! Les idées reçues sont insistantes.
Force vive de l’hôtellerie, elles représentent près de 3.200 hôtels dans l’Hexagone. Ce n’est que 18 % des hôtels français, mais tout de même 42 % des chambres et près de 52 % de part de marché. Car elles obtiennent au global entre 6 et 10 points (selon les gammes) de taux d’occupation de mieux que les indépendants. Mais surtout, elles ont des capacités moyennes très supérieures — 85 chambres par hôtel contre 26 chez les indépendants — ce qui aide à obtenir de meilleurs remplissages en pouvant travailler avec un mix-clientèle large.
LA FIN D’UNE (RELATIVE) HÉGÉMONIE
Si les chaînes étaient hégémoniques dès les années 1980, il faut dire que leur impact commercial a pris un gros coup de bambou depuis la dernière décennie. L’avènement d’Internet et des puissantes agences de voyages en ligne (OTAs) comme Booking, Expedia…, les a fortement discréditées sur le plan commercial depuis ces dernières années.
L’omniprésence des plateformes en ligne sur le Net, leur méga succès auprès des voyageurs, les budgets stratosphériques en promotion qu’elles dépensent (ce que les chaînes sont incapables de faire), leur dynamisme commercial vitaminé, leur créativité hors norme, leur catalogue incroyablement riche et diversifié d’hôtels, ainsi que leurs garanties aux consommateurs… ont relégué les chaînes au second plan. Les indépendants en ont été favorisés, même s’ils ne le reconnaissent pas toujours.
Sur un autre registre, seulement une poignée de marques bénéficient d’une forte à bonne notoriété auprès des clients d’hôtels (voir notre dossier sur la notoriété des chaînes hôtelières). À l’opposé, plus de 8 enseignes sur 10 sont inconnues ou si peu. Or, ce qui est connu se vend mieux auprès des consommateurs. Cet état de fait n’a pas de quoi rassurer leurs franchisés, qui paient parfois une fortune en redevances et autres commissions, pas toujours justifiées.
NE PAS CONFONDRE NOTORIÉTÉ ET IMAGE
Ça c’est pour l’aspect quantitatif. Être connu ne signifie pas nécessairement que l’on a une bonne image ou que l’on est apprécié par les clients ou le public.
Car pour l’aspect qualitatif, l’entrée fulgurante depuis ces dernières années de l’e-réputation (les avis des voyageurs déposés sur les sites de commentaires en ligne) met au grand jour ce que l’on ignorait jusque-là. On avait auparavant une vue déformée des chaînes que l’on croyait souvent au top de la qualité, montrant leurs biceps à longueur d’années.
Déjà, nos études confirment sans surprise que 9 voyageurs sur 10 préparent leurs voyages et leurs séjours via Internet. Et 7 sur 10, une fois qu’ils ont ciblé un ou des hôtels qui pourraient leur convenir, consultent les avis en ligne des autres voyageurs. Si la note — la porte d’entrée — donne une première indication et si elle est bonne, on lit ensuite un échantillon de commentaires positifs et négatifs disponibles sur l’établissement. Cela aide à se faire une idée. Presque 4 clients d’hôtels sur 5 pensent que rien n’est plus fiable que de lire ce que d’autres consommateurs ont choisi de décrire. Si la note est jugée mauvaise, on passe au suivant et on va chercher plus loin.
LES NOTATIONS
La note affichée est, en principe, le résultat final de différents critères auxquels ont répondu les clients d’hôtels : équipements, propreté, confort, rapport qualité/prix, connexion Wifi gratuite, situation géographique, etc. On n’ose penser qu’il peut y avoir de la triche par les plateformes, mais on ne sait jamais…
Pour autant, il ne faut pas nécessairement se laisser impressionner par les qualificatifs dithyrambiques que les plateformes de réservations en ligne collent à côté des notes. Chez Booking, où l’on note sur 10 : par exemple, 9 c’est « fabuleux » (10 % en moyenne des hôtels ont 9/10 et plus), 8,9 est « superbe », 8,4 est « très bien » et 7,9 est « bien ». Il ne faut pas oublier que leur job est avant tout de faire du commerce — vendre des séjours — et qu’ils ne sont pas là pour casser la « marchandise » que sont les hôtels qu’ils cataloguent. Même si les commentaires des « vrais » clients peuvent atténuer cette fanfaronnade…
En réalité, la note la plus basse sur Booking tourne autour de 6/10 (rarement en-dessous) et celle sur TripAdvisor ou Expedia est de 2/5. Si bien que sur le premier, avoir en note médiane moins de 8/10 est moyen à médiocre et sur les seconds, cela vaut pour moins de 3,5/5. Obtenir au contraire de 8,5 à 8,9/10 est bien et plus de 9 est très satisfaisant. Avec 9,5/10, on applaudit carrément.
Ce n’est donc pas comme à l’école où la notation va de 0 à 10 !
UN TEST SUR LES GRANDES CHAÎNES INTÉGRÉES
Pour ce qui concerne les chaînes intégrées, nous avons analysé les notes d’e-réputation, hôtel par hôtel en France, sur les réseaux les plus importants, pour commencer. Nous ferons un test plus tard sur les autres chaînes plus petites ou avec peu d’hôtels en France, puis sur les chaînes hôtelières volontaires qui n’entrent pas dans ce premier champ de constat.
Cela concerne, encore une fois, seulement 10 réseaux intégrés qui y ont plus de 100 adresses (mais qui représentent 78 % de l’offre des chaînes intégrées), sur une centaine d’enseignes concurrentes présentes dans l’Hexagone.
Pour arriver à une telle dimension, il s’agit de marques déjà anciennes, qui comprennent des établissements neufs et surtout moins récents, avec parfois plusieurs générations de produits. Par dessus le marché, les hôtels installés depuis le plus longtemps ont des centaines d’avis en ligne, ce qui assoit une certaine fiabilité dans leur classement et qui noie les éventuels faux avis (très minoritaires d’après la DGCCRF), déposés par les hôteliers eux-mêmes (positifs) ou par des concurrents jaloux (négatifs)…
UN CONSTAT SURPRENANT
• Les 3 chaînes qui obtiennent le meilleur score général moyen sont au maximum à 8/10 sur Booking, pour l’ensemble de leur réseau respectif de plus de 100 unités. Pour le meilleur, seulement 31 % des hôtels ont des notes inférieures à 8/10 (moyen à médiocre), ce qui n’est pas si mal. La meilleure note dans le réseau est 9/10 (4,5/5 sur TripAdvisor et Expedia). Mais au global, toutes enseignes confondues, à peine …5 établissements ont 9/10 (et pas plus de 9) sur les près de 2.500 hôtels scrutés !
• 7 chaînes sur 10 analysées hôtel par hôtel ont moins de 7,8/10 ; la pire note moyenne observée se situe à 6,6/10. Le parallèle avec TripAdvisor, où l’on note sur 5, est très comparable.
• Dans les réseaux au global les plus négativement critiqués (7 enseignes sur 10), ont trouve entre 46 % et jusqu’à 100 % des hôtels avec une note inférieure à 8/10 (voir graphique).
• Enfin, on remarque, presque sans surprise, que plus les chaînes sont dans le haut de gamme, meilleures (mais une note de 8/10, ce n’est pas génial) sont leurs notations. Les enseignes économiques et surtout super-économiques sont au contraire les plus mal notées. Ce qui rappelle qu’être moins cher s’oublie vite face à une prestation décevante.
COMMENT EXPLIQUER CES SCORES PAS TRÈS ENVIABLES ?
Il peut y avoir plus raisons combinées ou uniques :
1) – La qualité, évidemment. Les clients sont tout simplement déçus par le rapport qualité/prix, voire juste par la prestation reçue, tous critères mélangés.
2) – Le parc hôtelier de ces grands réseaux, souvent en place depuis longtemps, est vieillissant. On le constate, de nombreux hôtels de chaînes n’ont pas fait d’efforts de modernisation de leur offre, sinon parfois à peine par des rénovations cosmétiques cache-misère. Les clients le voient et le disent clairement. Les jeunes chaînes ont au contraire majoritairement des hôtels récents ou neufs, qui font moins l’objet de mécontentement parce que leur offre moderne tient davantage la route, les notions d’accueil et de service étant plus secondaires dans les avis exprimés.
3) – Une incohérence entre l’image et la réalité : quand on s’accorde des séjours dans une chaîne, on s’attend à raison mais finalement à tort, à ce que tout soit nickel, surtout quand l’enseigne est connue (et reconnue). Quand ce n’est pas le cas, les clients ont la dent dure et l’expriment par une sanction majorée dans leurs commentaires et par leurs notations.
4) – Les grands, on aime les détester (ou on déteste les aimer). Parce que souvent le « small is beautiful » plaît souvent, une défiance se crée à l’égard des grandes entreprises, à qui on ne fait pas de cadeau quand cela dérape au niveau de la prestation. Cela se voit dans tous les secteurs d’activité. On s’aperçoit que les clients d’hôtels sont souvent plus conciliants avec les hôteliers indépendants qu’avec les grandes chaînes, où l’accueil est jugé moins bon en général, ce que nous rappellent les sondages que nous réalisons régulièrement auprès des voyageurs. Mais, un bon accueil et un sourire ne peuvent malgré tout pas compenser un produit fatigué et jugé déplorable.
5) – Un décalage entre la promesse et ce que l’on trouve sur place. La promotion, les photos de clients heureux, les messages et les campagnes de communication promettent le meilleur. Mais, ce n’est pas forcément une promesse tenue une fois que l’on arrive dans les hôtels. On s’imaginait bien autre chose. Cela donne une impression de tromperie. Dur de pardonner. Et pour un consommateur avoir le sentiment d’avoir été trompé par un commerçant appelle à une réaction le plus souvent violente, qui s’exprime sur les sites de commentaires en ligne et les réseaux sociaux.
En somme, Internet a changé le monde — c’est un truisme — et il est désormais compliqué de faire passer des vessies pour des lanternes. Tout finit par se savoir et dans ce cas précis, le client est roi.
L’AFFAIRE GOOGLE et les ÉTOILES :
Comme cela a été largement rapporté par les médias, Google qui met en avant des notes et des avis en ligne sur les hôtels, a été obligé d’entamer une transaction avec la DGCCRF en payant 1,1 million d’euros d’amende. Google présente des étoiles sur les hôtels, selon ses propres critères, qui n’ont aucun lien avec celles décernées par Atout France dans le cadre du classement officiel qui, il faut le rappeler, est payé par les hôteliers. D’où un risque évident de confusion pour les consommateurs. Cela avait contrarié des hôteliers qui ont porté plainte.
Il est vrai que l’on s’étonne que Google ait choisi des étoiles alors que s’il avait utilisé un autre symbole, comme le font les OTAs, personne ne lui aurait cherché des noises. Mais, ce qu’il faut retenir est que si les hôteliers avaient moins d’étoiles chez Google que celles inscrites sur leur panonceau, cela peut être compris comme le fait que le classement officiel (malgré ses plus de 200 critères souvent très contestables — NDLR) n’est pas fiable et que seul l’avis des clients — ce que nous pensons — est crédible.
Note au lecteur : nous n’avons pas cité les noms des chaînes concernées, car nous ne voulons nous fâcher avec personne (sourire).
Mark Watkins