Repères : Loyer de renouvellement – L’exemple de l’évolution notable des facteurs locaux de commercialité
Dans quel cas un loyer commercial peut-il faire l’objet d’un déplafonnement ? Explications…
Le législateur protège le locataire d’une hausse trop brutale de loyer lors du renouvellement de bail en imposant un plafonnement dont la règle a été introduite par le décret n°72-561 en date du 3 juillet 1972. Ce plafonnement correspond au loyer indicé à la variation ILC ou ILAT (indice trimestriel des loyers commerciaux ou indice trimestriel des loyers des activités tertiaires).
Toutefois, certains motifs précis permettent au bailleur de déplafonner le loyer. Cette interrogation subvient généralement à l’issue du bail ou lors de sa tacite reconduction, entre la 9ᵉ et 12ᵉ année.
Selon l’article L145-33 du Code de commerce, ce déplafonnement doit correspondre à la valeur locative de marché qui se détermine par les éléments fondamentaux suivants :
- les caractéristiques du local considéré,
- la destination des lieux,
- les obligations respectives des parties,
- les facteurs locaux de commercialité,
- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
L’analyse de ces éléments pouvant être technique et complexe, il est pertinent de faire appel à un expert immobilier, et ce, afin de prévenir de potentiels litiges entre les parties. En effet, ces dernières entrainent fréquemment des procédures judiciaires en matière de loyers commerciaux.
Pour exemple, d’après un arrêt rendu le 1er juin 2022 (cass. 3ème civile, 21-12.894), la Cour de cassation a précisé que malgré le fait que le bail dont il était question « n’avait pas atteint la durée minimum de douze ans permettant un déplafonnement, l’évolution favorable des facteurs locaux de commercialité pouvait toutefois engendrer un déplafonnement justifié ».
Ainsi, la Cour a jugé que le local commercial avait fait l’objet d’une modification notable de l’un des éléments déterminant de la valeur locative, à savoir les facteurs locaux de commercialité, ayant une incidence favorable sur l’activité et le chiffre d’affaires du locataire.
Selon l’article R145-6 du Code de commerce, ces derniers dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire.
Focus sur la Haute-Savoie
Exemples concrets qui pourraient entrainer une modification des facteurs locaux de commercialité :
- La création d’une ZAC (ex : ZAC du Pré Billy à Annecy et Etoile Annemasse-Genève) ;
- Développement du réseau ferroviaire (ex : Léman Express) ;
- Piétonisation d’une rue (ex : extension de la zone piétonne du centre historique d’Annecy).
Ces exemples sont nombreux en Haute-Savoie. En effet, la situation frontalière du département avec la Suisse et l’Italie, sa notoriété touristique avec de nombreuses stations de ski ainsi que la présence d’industries notamment en Vallée de l’Arve impulsent un développement économique et démographique certain. Ce dynamisme engendre nécessairement de potentielles modifications des facteurs de commercialité.
Pour que l’évolution soit qualifiée de notable, il doit exister un lien de causalité manifeste entre la modification relevée et son impact sur le commerce exploité.
L’appréciation des caractères de la modification est soumise au pouvoir souverain des juges du fond.
A l’instar des juridictions, l’une des missions de l’expert immobilier est de déterminer, à travers une étude au cas par cas des facteurs locaux de commercialité notamment, la valeur locative de renouvellement.
L’évolution notable des facteurs locaux de commercialité ne constitue pas l’unique motif de déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail. Il existe par ailleurs d’autres motifs d’exclusion à la règle du plafonnement, listés ci-dessous :
- La durée du bail initial ou renouvelé est supérieure à 9 ans
- Le bail initial s’est poursuivi tacitement au-delà de 12 ans
- La nature du local
Certains biens faisant l’objet de baux commerciaux sont, par nature, exclus de la règle du plafonnement des loyers. Il s’agit des terrains nus, des locaux à usage exclusif de bureaux et des locaux monovalents (ex : cinémas, hôtels, cliniques…). - La déspécialisation partielle ou totale du bail
Quand le locataire a changé ou ajouté une activité valorisant le chiffre d’affaires du locataire. - Une modification notable des éléments déterminants de la valeur locative (autres que des facteurs locaux de commercialité développés ci-avant)
- Des caractéristiques du local considéré (selon l’article R145-3 du Code de commerce), soit les suivantes :
1° De sa situation dans l’immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ;
4° De l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire. - La destination des lieux (selon l’article R145-5 du Code de commerce)
Il s’agit de celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal. - Les obligations respectives des parties (selon extrait de l’article R145-8 du Code de commerce)
Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative.
A l’inverse, les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Ainsi, le législateur prévoit des cas bien spécifiques dans lesquels il est possible de déplafonner le loyer lors de son renouvellement, comme le rappelle la jurisprudence constante de la Cour de cassation, notamment dans l’arrêt évoqué ci-avant.
Enfin, depuis 2016, le déplafonnement est davantage encadré puisque afin de tempérer l’augmentation du loyer, la loi Pinel prévoit que les baux signés après septembre 2014 et faisant l’objet d’une modification notable des éléments de la valeur locative ne pourront faire l’objet d’une variation annuelle supérieure à 10 % par rapport au loyer de l’année antérieure.
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Co-écrit avec Emma MICHEL Experte immobilier junior