LES MICE* DANS L’APRÈS-COVID REPRENNENT (évidemment) DES COULEURS
*Meeting, Incentive, Convention, Events
Durant le confinement de 2020, après l’écroulement des MICE pour les raisons sanitaires que l’on connaît, les divinateurs bien inspirés avaient annoncé comme un seul homme que dans le monde d’après « les séminaires et congrès allaient durablement fondre comme beurre au four, que rien ne serait plus comme avant (le Covid) et qu’il fallait oublier les niveaux d’activité que l’on connaissait jusqu’en 2019 ».
D’une part, ils avancèrent que plus personne ne voudrait se retrouver avec d’autres dans une salle de réunions, malgré les précautions sanitaires prises. D’autre part, que la visioconférence devenue systémique remplacerait avantageusement les rencontres en présentiel. Avec, de plus, de belles économies à en tirer et de surcroît un bilan carbone avantagé.
BOULES DE CRISTAL OPAQUES
« Comme d’habitude », devrait-on dire, ces interviewers de boules de cristal se sont trompés. Au contraire, dès la fin 2021 lorsqu’on a pu à nouveau se réunir, les MICE ont bel et bien commencé à reprendre leurs bonnes habitudes. En 2022 et en 2023, la demande est revenue avec la quasi même intensité qu’avant le Covid.
Dans sa dernière étude sur les MICE (réalisée annuellement depuis 1992), 57 % des prestataires du secteur interrogés ont déclaré que le nombre d’évènements accueillis chez eux en 2022 était à la hausse par rapport à 2019 et pour 29 % qu’il était identique — Enquête 2023 sur les MICE par Coach Omnium avec 1001.Salles. À peine 14 % ont constaté un recul de la demande, pas toujours due d’ailleurs à la conjoncture.
Même chose du côté des entreprises commanditaires : 77 % ont dit avoir augmenté ou maintenu le volume de manifestations externes en 2022 par rapport à 2019. Seulement 10 % envisageaient une diminution de leurs réunions externes en 2023.
PAS DE CONCURRENCE DES VISIOCONFÉRENCES
Les visioconférences — devenues auxiliaires et pratiques, mais de facto uniquement pour des réunions de moins de 2 heures (sinon on devient fou !) — n’ont donc pas tué le tourisme d’affaires de groupes comme, là encore, des voyants l’avaient prédit. Logique. Les gens (commerciaux, participants aux séminaires et congrès, clients/fournisseurs…) ont besoin de se rencontrer et de se voir « pour de vrai ». Dans ce sens, les incentives (séminaires de stimulation) ont littéralement explosé dans l’après-Covid. Les entreprises n’étaient que 17 % à en commander en 2017 contre 39 % en 2022 ! La généralisation du télétravail chez les cols blancs leur donne furieusement l’envie de se désisoler quand l’occasion se présente de participer à un séminaire de motivation/stimulation pour retrouver leurs collègues.
Du côté des agences qui organisent des manifestations MICE pour leurs clients, on est unanime, selon les récentes enquêtes de Coach Omnium. Elles n’organisent plus que des congrès en présentiel en 2024 (on s’y prend un an à l’avance), « c’est le retour en force de l’évènementiel ». Si la visioconférence s’est démocratisée grâce aux progrès de la technologie, elle vient souvent en complément des manifestations « palpables ». Ainsi, de plus en plus de lieux, de prestataires et d’agences se sont équipés. Cela permet de prolonger l’événement en enregistrant les cessions pour pouvoir les rediffuser et communiquer dessus. Mais aussi de proposer une solution alternative en cas d’absence d’un intervenant, de grèves des transports…
PETITES TENDANCES NOUVELLES OU CONFIRMÉES DANS LA DEMANDE
Si tout revient globalement comme dans « le monde d’avant », on peut observer quelques nouvelles tendances dans la demande en MICE :
• Si la demande reprend ses droits, il s’agit de faire encore attention aux dépenses. Pour cela, les organisateurs sont tentés de réduire le nombre d’événements, de participants, ainsi que les distances pour se réunir, voire d’augmenter le volume des réunions en interne. Mais, rien ne remplace efficacement les réunions en présentiel hors de l’entreprise.
• Effet post-Covid et Loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021, la dimension RSE / développement durable monte en flèche dans les entreprises, avec des critères additionnels plus ou moins imposés en matière de MICE et plus ou moins drastiques (plutôt moins que plus). Greenwashing ou pas, il s’agit d’une contrainte de plus pour les prestataires.
• L’ajout d’activités périphériques culturelles, ludiques et/ou sportives aux séminaires a du plomb dans l’aile. Les commanditaires ne sont plus que 37 % à les associer à leurs événements contre 76 % en 2006. Les MICE se veulent plus fonctionnels et plus courts, ce qui laisse moins de place aux activités de détente et de cohésion d’équipes.
• Les hôtels remontent dans la demande comme lieux de séminaires : 67 % de la demande. C’est davantage qu’en 2019 — alors à 40 % —, mais cela montait à 91 % en 2005. Pour autant, les participants et organisateurs recherchent plus largement des sites originaux et dépaysants, tels que les châteaux, monuments historiques et autres lieux atypiques. Et ce afin de rendre les séminaires plus attractifs et mémorables.
• Les manifestations les plus communes durent toujours en moyenne de 1 à 2 journées et réunissent en général moins de 50 personnes.
• En France, la demande est surtout domestique. La clientèle internationale est rare — contre toute idée reçue — et se concentre sur quelques rares agglomérations, dont bien sûr en premier Paris.
LE DANGER DES HAUSSES TARIFAIRES
Ce ne sont pas là des bouleversements finalement majeurs. Et certaines de ces nouveautés, pas tant nouvelles que cela, avaient déjà été observées avant le Covid. En revanche, il est désormais à craindre que les prestataires soient tentés d’augmenter massivement leurs prix pour répercuter la forte inflation qu’ils subissent dans leurs charges (énergie, coûts salariaux, consommables, etc.).
Jusque-là, la tendance, devenue habituelle, voulait que les entreprises imposent plus ou moins leur budget aux prestataires, soit en le leur indiquant au moment de la prise de contact (le prestataire, alors, accepte le budget indiqué ou ne l’accepte pas), soit par le biais de mises en concurrence ou de négociations finales. En cela, les services achats des entreprises s’invitent à présent souvent dans le bal.
Mais, cette prédisposition risque d’être mise à mal si les prestataires résistent dans leurs majorations tarifaires. Cela pourrait alors restreindre les volumes de commandes de MICE. Après tout, les entreprises commanditaires de manifestations ont elles aussi à supporter l’inflation.
Mark Watkins