On le sait, les commissions payées aux OTAs sont devenues, en quelques années, le 2ème poste de charges des principales familles d’hébergeurs – à commencer par les hôteliers et les maisons d’hôtes. C’est aussi celui, après les charges de personnel, qui connaît la plus forte croissance annuelle. Et ce poste continuera d’augmenter car les commissions sont condamnées à augmenter …
Les analystes financiers adorent disséquer les modèles économiques des entreprises et de certaines industries. Avec la reprise des voyages, les valeurs boursières de Booking, Expedia, Airbnb (pour les principaux) sont regardées à la loupe. Les démonstrations de 27 analystes américains permettent, par exemple, de prédire une croissance de 50% de la valeur boursière de Bookings Holdings et donc, une forte recommandation à l’achat.
Si l’on devait résumer les conclusions de ces spécialistes, on pourrait affirmer que ces mastodontes de la distribution de voyages sont, en réalité, de super agences de marketing digital qui savent transformer 3,6$ d’investissements publicitaires en 3,1$ de bénéfices !
En résumé, ces géants savent transformer la publicité achetée en commissions facturées et, comme Google (et, plus largement, les réseaux sociaux) n’ont pas l’intention de réduire les coûts d’accès à leurs écrans, la probabilité que les commissions ne cessent d’augmenter n’en est plus qu’élevée …
Jusqu’à 36% des revenus de Booking
On le sait depuis que le digital compte aussi fortement dans le business du voyage et du tourisme, pour obtenir des réservations, il vous faut réunir deux ingrédients majeurs:
- du trafic, de l’audience, bref des clients potentiels,
- avoir de l’offre et un moteur de réservation capable de convertir ce “trafic” en acheteurs,
Sans ces deux leviers, oubliez toute ambition dans le domaine ! Si, grâce à leurs efforts de digitalisation, les professionnels disposent de plus en plus du second levier (un site, un moteur de réservation et les offres qui vont avec), il est plus difficile d’avoir du trafic, en volume et en qualité (de vrais acheteurs potentiels).
Même si tout le monde espère que son site soit (ou reste) classé en première position des résultats de recherche Google (et donc, du trafic gratuit), cela ne marche plus aussi bien depuis fort longtemps :
- il se crée, par exemple, 88.000 nouveaux sites par an, rien qu’en France: dans ces conditions, sortir ou maintenir la tête hors-de-l’eau relève de la gageure,
- les règles de réfèrencement et les “modes” liées à l’expérience-client sur les sites et les moteurs de réservation évoluant en permanence, il est difficile de rester à la page et donc, d’être toujours aussi performant avec son propre site …
C’est, en partie, ce qui explique le formidable succès des OTAs : ils savent “faire du trafic” et convertir un maximum de visiteurs en clients et deviennent de facto, une sorte de pis-aller pour des professionnels du tourisme en mal de performances digitales … Payer une commission s’apparente donc, souvent, à payer pour un service que l’on ne fait plus soi-même ou que l’on a du mal à tenir soi-même sur la durée …
Il est donc plus-que-fort-probable que le coût des commissions à payer aux OTAs continue d’augmenter fortement dans les prochaines années. Ce qui est donc, aussi, l’avis des analystes financiers de BTIG (voir plus loin).
En cause, deux facteurs :
- les hébergeurs, en dépit de leurs efforts de digitalisation, restent encore trop dépendants des OTAs ne serait-ce que parce qu’ils accomplissent une digitalisation a minima,
- les OTAs investissent de plus en plus en marketing digital (leur premier poste de charges) et répercutent donc cette croissance de dépenses sur la valeur de leurs commissions. Le marketing digital étant leur principal levier de génération de revenus et leur concurrence s’aiguisant de plus en plus chaque année, la probabilité que ce poste de charge ne cesse d’augmenter encore est plus que très élevée …
C’est ce qui ressort de la récente analyse boursière du trader BTIG, rendue publique la semaine dernière: il y apparait que Booking a dépensé, ces 12 derniers mois, 6 Milliards $ en marketing digital, soit 35% de ses revenus globaux !
Selon les analystes, cette somme astronomique ne serait pourtant à l’origine que de 15% de ses réservations si l’on s’en tenait à un simple rapport investissement publicitaire-trafic du site-conversion des réservations. Pour autant, de telles dépenses sont incontournables pour l’OTA qui ne pourra jamais prendre le risque (sauf ce qui s’est passé durant le covid) de réduire la voilure de ce côté-là.
Car en réalité, Booking affiche d’autres chiffres astronomiques : 50% de son trafic serait fait “en direct”; ce qui signifie que les internautes ne passeraient même pas par la case Google et taperaient directement booking.com dans leur navigateur au moment de chercher un hôtel. Pour autant, cette performance n’est pas aussi “naturelle” que cela: elle résulte, en fait, de tous les investissements (payants) accomplis par Booking dans les années passées (achats de mots clés, de liens sponsorisés, etc).
Cette performance serait donc à mettre aussi sur le compte des efforts marketing investis ces dernières années et qui, le trafic payant aidant, ont acheminé des centaines de millions d’internautes sur ses pages au point de les fidéliser à la marque sans que ces derniers n’aient plus besoin de passer par un moteur de recherche. D’ailleurs, selon le cabinet BTIG, le trafic “organique”; c’est-à-dire, provenant après une recherche sur Google ne péserait que 20% du trafic de Booking. Contre 50% pour l’accès direct (sans passer par Google) et 15% pour l’accès via des liens sponsorisés (pour rappel).
La leçon de cette analyse est que, dans l’univers du tourisme (et notamment, lorsque l’on veut faire des ventes), l’investissement est roi (et payant !). Ce qui signifie, en partant à l’envers (c’est-à-dire, depuis la réservation):
- disposer d’un site efficace (sur tous les supports) et “vendeur”; c’est-à-dire, équipé d’un moteur de réservation qui convertisse,
- multiplier les acquisitions de visiteurs avec des campagnes marketing (digitales) bien pensées : achats de mots clés, bannières, campagnes sponsorisées sur les réseaux sociaux, etc
Ces deux (principaux) leviers sont les plus générateurs de résultats; le reste, relève de l’anecdote.
Du côté d’Expedia, le principal rival de Booking, la part de revenus consacré au marketing digital a été de 47% du total de son chiffre d’affaires en 2022 ! En gros, lorsque vous payez 20% de commission à Expedia, la moitié sert à payer du marketing digital et, principalement, des mots clés à Google. Une autre façon de voir les choses serait de dire que si les OTAs n’existaient pas, vous devriez au moins dépenser l’équivalent de 10% de votre revenu en achat de mots-clés pour exister, financer des gestionnaires de campagne, mesurer leur impact, etc … d’où, aussi, la popularité des OTAs chez certains propriétaires qui estiment payer à la fois pour une aide à la vente mais, surtout, pour une aide à la visibilité et au marketing (sans avoir à rémunérer du personnel pour cela, des agences ou encore sans y penser trop de temps personnel).
Cependant, dans cet univers des OTAs où l’on parle à coups de milliards de dollars, le cas Airbnb reste à part. À la différence de ses deux principaux compétiteurs (voir plus haut), la plateforme californienne ne dépenserait que 18% de ses revenus en marketing ! Elle se priverait, par ailleurs, d’acheter le moindre mot-clé sur Google…
Cette “performance” découlerait de ses choix initiaux : investir sur sa marque, sa notoriété (en utilisant les médias traditionnels comme la télé ou les réseaux sociaux) et faire entrer sa marque dans le langage commun : “Tiens, si on se faisait un Airbnb cet été ?“.
La conséquence ? Les internautes filent en direct sur Airbnb sans passer par Google ou sans aller comparer sur un site concurrent (lequel ?) et permettent donc à Airbnb de s’épargner en campagnes digitales trop onéreuses.
Attention, cependant, d’après les analystes de BTIG, ce n’est pas parce que Airbnb dépense peu en marketing que ses performances financières sont meilleures que ses concurrurents. D’après BTIG:
- Booking dépense 36% de ses revenus en marketing mais réalise 31,3% de bénéfices (EBITDA),
- Airbnb dépense 18% de ses revenus en marketing mais réalise 23,2% de bénéfices, soit 10 points de moins que Booking
- Enfin, Expedia dépense 47% de ses revenus en marketing, mais réalise seulement 11,9% de bénéfices (les hébergements, très lucratifs pour ses concurrents, ne représentent que 76% de son activité)
Ces situations démontrent que, à l’avenir et la concurrence aidant, les OTAs (quelque soit leur modèle) vont continuer d’actionner leur principal levier de croissance qu’est le marketing digital et cela va forcément continuer de peser sur leurs marges. Il est aussi fort probable que Google et les réseaux sociaux augmentent forcément le coût d’accès à leurs liens sponsorisés en raison de la reprise économique et de la limitation de leurs espaces publicitaires; ce qui aura une conséquence immédiate sur le coût des commissions facturées aux pros du tourisme qui vont, forcément, augmenter.
Le marketing digital est donc l’arme privilégiée des OTAs pour acquérir du trafic et donc, des réservations … et, ainsi, facturer des commissions aux hébergeurs qui n’ont pas cette force de frappe ou tout simplement l’envie (ni le temps) de gérer eux-mêmes leurs campagnes marketing. Payer une commission aux OTAs reviendrait donc à leur déléguer une partie de ce nécessaire travail de visibilité digitale … La question est de savoir si ce prix est juste, équilibré et si, en tant qu’hébergeur, vous ne disposez pas d’armes plus économiques pour cela. Et donc, réduire cette charge qui pèse si lourd sur vos comptes.
Car, au-delà des performances respectables des OTAs (leur modèle économique et leurs performances sont avérées), l’intérêt de toute entreprise touristique est de se créer sa plus grande part de ressources directes pour au moins deux raisons:
- payer moins de commissions qui “plombent” forcément vos bénéfices,
- limiter la dépendance aux OTAs qui peuvent vous placer, malgré eux, en situation délicate le jour où vous ne pourrez plus supporter un poids aussi lourd de commissions (en général, cela commence quand on dépend au moins de 40% des OTAs). En effet, si vous n’avez pas créé de sources alternatives de réservations (notamment, de sources directes), c’est potentiellement de 40 à 60% de vos revenus que vous pouvez perdre du jour au lendemain … autant dire, un arrêt de mort immédiat.
La leçon à retenir est que, grand (un OTA) ou petit (un opérateur indépendant de terrain), l’investissement digital (au sens large du terme) est un investissement vital ! Savoir vous équiper du minimum vital (un site et un moteur de réservation qui font le job), adopter les bons reflexes digitaux quotidiens par uen formation permanente ou encore, faire appel à des coaches pour opitmiser vos résultats … toutes ces méthodes sont votre kit de survie et de renouveau pour les prochains mois et les prochaines années. Ce sont surtout des “actifs” majeurs de votre entreprise et de sa croissance. L’analyse boursière des OTAs le démontre parfaitement !
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Le saviez-vous ? Airbnb a sauvé ses “miches” grâce à une campagne marketing et à la vente de céréales ! L’un des attraits des dirigeants d’Airbnb pour le marketing “traditionnel” remonte à très loin (2008, lors de la campagne présidentielle qui vit émerger Barack Obama). L’entreprise, qui venait de se lancer et qui n’avait plus un sou, se refit une santé financière en louant des appartements sur Denver (Colorado) lors de la convention démocrate qui allait désigner Obama pour l’opposer au républicain John McCain. Ayant épuisé tout ce qu’elle pouvait de logements à louer, l’idée lui est venu de faire emballer des céréales dans des emballages à l’effigie des deux rivaux. Carton assuré dans les medias et popularité immédiate pour l’idée venant du cofondateur Brian Chesky ! Quelques mois plus tard, c’est grâce à cette idée (qui lui valut sa survie) que les fondateurs d’Airbnb ont obtenu le soutien du prestigieux YCombinator qui contribua à son décollage immédiat dans l’univers du business ! On comprend mieux, dès lors, l’attachement des fondateurs de la plateforme à la communication “traditionnelle” et à la valeur de marque.