La plateforme mondiale a beau avoir été l’un des premiers sponsors des derniers JO organisés dans la capitale, ses élus ne semblent disposés à ne lui accorder ni répit ni souplesse dans leurs futures délibérations. S’attendant au pire, Airbnb vient de brandir un rapport d’Oxford Economics sensé démontrer que “les mesures en place n’ont eu aucun impact positif sur le marché du logement” …
Les élus n’aiment pas avoir tort … et c’est une règle que devrait retenir Airbnb qui s’apprête à leur démontrer que les mesures prises (contre la location saisonnière) auraient finalement été sans effet sur l’offre de logements permanents sur la capitale. Munie de son étude confiée à Oxford Economics, Airbnb espère se faire entendre par une majorité croissante d’élus opposés à la “prolifération des locations meublées” selon les plus radicaux d’entre eux.
Ces derniers jours, donc, la tension est montée d’un cran entre les deux camps. Dans ses dernières déclarations, du 8 décembre dernier, la plateforme affirme que “le Conseil de Paris s’apprête à voter, une nouvelle fois, des mesures draconiennes s’attaquant aux locations de courte durée (… et) appelle les élus parisiens à revoir leur politique en la matière“.
Loyers et prix au mètre carré en augmentation
Pour motiver les élus les plus remontés contre la location saisonnière, la plateforme vient de brandir un rapport de la Oxford Economics qui remet en question l’efficacité même des mesures prises en matière de protection du logement permanent (et donc, à la défaveur des locations saisonnières).
Selon ce rapport, les mesures strictes mises en place depuis huit ans n’ont pas eu l’effet escompté sur la crise du logement à Paris. Et de lister:
- Les loyers auraient augmenté de 21% en six ans,
- Les prix de l’immobilier auraient progressé de 15% sur la même période,
- En revanche, toujours selon ce rapport, la réglementation municipale aurait contribué à, elle seule, à une hausse de 77% du prix des nuitées hôtelières … et aurait donc transformé Paris en une destination principalement accessible aux touristes fortunés et à la clientèle d’affaires …
Ce dernier constat serait le même que dans d’autres grandes villes où les locations saisonnières ont été “bannies”, selon Airbnb (voir ci-dessous, son post sur NYC). Et l’on voit bien que, depuis une semaine, le slogan-maison “les interdictions ne sont pas la solution” fleurit dans quasiment toutes les grandes villes où Airbnb subit la pression maximale de la part des élus.
À New-York, par exemple, la désormais célèbre Loi 18 (voir ci-dessous) a déjà contribué à raider 92% des annonces de locations meublées dans la ville qui ne dort jamais; ce qui tombe plutôt bien …
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Ce que dit – aussi – le rapport: Selon Oxford Economics, interdire les locations saisonnières ne résoudrait pas le problème du logement permanent à lui seul. Et de citer l’exemple de la vacance des logements qui serait, selon les experts, le principal facteur de pénurie de logements dans la capitale. Le rapport précise, en effet, que plus de 7% de l’offre totale d’hébergements à Paris est constituée de logements vacants (soit, environ 125 000 logements) et que les meublés de tourisme, à l’inverse, ne représenteraient que 0,03% du parc immobilier parisien. Selon le rapport, les locations meublées ne seraient donc pas le levier le plus efficace pour rétablir une offre massive de logements durables. D’ailleurs, selon l’étude, réserver l’ensemble des meublés touristiques au logement long terme aurait un impact minime (0,1%) sur les prix de l’immobilier parisien.
Les hôteliers exultent !
Ces prix à la nuitée qui progressent aussi vite, sinon plus, que l’inflation ne font pas que des malheureux et les hôteliers n’hésitent d’ailleurs pas à rebondir sur les données publiées par Airbnb pour justifier leur combat permanent contre les locations meublées. Selon eux, cette économie a sabré celle des établissements hôteliers qui, pour tenir le choc, avaient dû baisser leurs prix à des niveaux qui n’auraient pas été tenables dans la durée. La remontée des prix, selon eux, n’est donc qu’une correction d’un biais économique introduit par l’essor des locations meublées et non le contraire…
La confrontation des arguments des différentes parties (Airbnb et les propriétaires, les élus locaux et les hôteliers) ne fait donc que (re)commencer dans une environnement qui risque de se tendre de manière croissante avec l’arrivée de nouveaux groupes de pression.
Par exemple, à NYC, des associations défendant les droits des personnes en situation de handicap, soutenues par Airbnb et des organisations telles que Restore Homeowners Autonomy & Rights (RHOAR), ont réagi en mettant en lumière plusieurs effets similaires à ceux constatés à Paris, dans l’étude Oxford Economics: persistance du manque de logements longue durée, hausse continue des loyers et baisse des revenus touristiques dans certains quartiers. À Brooklyn, par exemple, la perte se chiffrerait à 1,6 Milliards $ de revenus touristiques et 17.500 emplois permanents … Sur l’île de Manathan, la perte serait proche des 900 Millions $ de revenus annuels.
Selon ces groupes de pressions, comme à Paris, la loi n’aurait pas atteint ses objectifs initiaux et aurait eu des répercussions négatives imprévues sur l’économie locale et le marché immobilier. Il faut dire que, dans certains pays, les actions de ces groupes de pression commencent aussi à porter leurs fruits …
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L’exemple portugais
Si Airbnb s’active un peu partout où la réglementation a connu un sérieux coup de vis, c’est que la pression des groupes locaux (notamment, de propriétaire) peut, dans certains cas, porter des fruits … comme au Portugal.
Dans ce pays, l’ALEP (Associação do Alojamento Local em Portugal) a multiplié les actions de sensibilisation et obtenu des élus l’annulation d’une série de restrictions qui portaient sur les locations saisonnières.
L’argument principal a porté sur le fait que l’économie des STR (Short Term Rental) n’était pas insignifiante pour le pays avec près de 110.000 emplois créés ou maitenus et près 8 Milliards € de revenus annuels et près de 110.000 emplois créés ou maitenus dont une partie serait ré-investie dans la rénovation urbaine (selon les déclarations de 62% des propriétaires concernés).
Dans un certain nombre de régions touristiques, l’association a bâti des coalitions avec des élus municipaux, des offices de tourisme et des groupes de propriétaires pour convaincre les élus locaux d’assouplir leurs règlementations contraignantes en leur suggérant des actions mieux ciblées et en prenant soin de ne pas les froisser en s’opposant de but en blanc à leurs décisions…
Une des mesures obtenues est que les autorisations d’exploiter soient dévolues aux exécutifs locaux avec la création de quotas selon les besoins des territoires à ne pas dépasser. De les rendre permanentes au lieu de devoir les renouveler tous les 5 ans, avec le risque de les perdre pour une raison ou une autre. Ou encore, que les licences d’exploiter soient transférées au nouveau propriétaire lors de la cession du bien immobilier.
Dans d’autres territoires européens où les réglementations se sont tendues, des groupes de pression du même style se sont constitués pour militer en faveur d’un retour à des règles plus souples. Ou pour attaquer plus frontalement ces décisions… À Barcelone, par exemple, l’association européenne des propriétaires de maisons de vacances (EHHA) vient de déposer plainte auprès de la Commission européenne en soutenant que ces interdictions contreviennent au principe de la libre circulation des services à l’échelle de l’Europe.== Ou encore, qu’elles sont en contradiction avec le principe, plus fondateur encore, du droit de la propriété. C’est, notamment, le cas à Paris avec les actions menées par Scale France qui a pris le lead des actions juridiques et politiques. Cette structure créée par Marie Pistinier et Gail Boisclair a pris le porte-parolat des professionnels de la location courte durée gérant au moins une vingtaine de logements.
À Paris, l’intiative d’Airbnb veut s’inscrire dans une dynamique plus consensuelle et moins “agressive”: sous la férule de ses experts et soutiens, il est proposé, par exemple, que les propriétaires aient la possibilité de louer leur résidences principales 120 jours ou encore de simplifier la sous-location occasionnelle avec l’accord préalable du propriétaire.
Quant aux résidences secondaires, l’idée serait de remplacer le système de compensation actuel (entre logements permanents, bureaux, locaux commerciaux, et logements saisonniers) par des quotas ciblés (quartier par quartier, par exemple, ou type de logement par type de logement). L’idée concerne la permission de la location occasionnelle des pieds-à-terre ou des commerces vacants hors des quartiers touristiques.
Enfin, pour inciter à la longue durée, l’une des préconisations est de baisser la taxe foncière pour les propriétaires optant pour la location longue durée (ce qui n’est pas, vous l’avouerez, à l’ordre du jour des élus, tous bords confondus) ou encore d’instaurer une prime pour la location à l’année des résidences secondaires, promouvoir les baux mobilité et les baux mixtes …
Le débat risque donc de s’animer dans les prochains mois entre groupes de pression et élus locaux mais, sans jouer les devins, le sujet est tellement piquant dans les grandes villes qu’à l’approche des prochaines municipales, comme celles de 2026 à Paris, leur chance d’aboutir à des compromis (forcément considérés comme des reculades par les élus) sont aussi minces qu’une cloison dans une chambre de bonnes à Paris …