Il est des pratiques qui étonneront toujours ! Par exemple, celle qui motive un hébergeur qui se distribue sur un OTA à autoriser ce dernier à vendre des prix “libres”; c’est-à-dire, en général, inférieurs à ceux pratiqués par l’hôtel “en direct”. Une récente étude vient de démontrer que ces hébergeurs réussissent à payer des coûts d’acquisition de clients nettement supérieurs … pour des raisons que la raison ignore …
Oui, un hôtelier peut accepter qu’un OTA vende ses chambres à un prix inférieur à celui qu’il affiche lui-même sur son propre site ! Pour d’autres – 14%, très exactement, selon l’étude de l’Hotrec en 2023 – ils ne savent même pas si les OTAs pratiquent des prix inférieurs ou supérieurs à ceux qu’ils proposent sur leur propre site.
En fait, il existe plusieurs raisons pour lesquelles un OTA peut proposer des chambres à un prix inférieur que l’hébergeur lui-même:
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En premier lieu, l’OTA peut décider de “réduire” ses commissions: en réalité, il facture toujours la même commission à l’hôtelier, mais il décide d’en partager le bénéfice avec le voyageur en rognant sur cette commission pour lui proposer un prix plus bas. Exemple: l’hôtel fournit un prix de 100€ à l’OTA. L’OTA lui facture 15€ de commission, mais il affiche non pas un prix de 100€ au client mais de 90€; ce qui signifie que l’OTA a “rétrocédé” une partie de sa commission au voyageur pour l’attirer sur un prix plus bas. Ainsi, même si cette pratique diminue leur profit par réservation, cela leur permet d’attirer plus de clients et d’augmenter leur volume de réservations à des moments ou sur des destinations prioritaires de leur stratégie.
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L’autre explication repose sur le fait que certains OTAs achètent des chambres en gros (notamment à des bed banks) à des tarifs réduits, ce qui leur permet de les revendre à un prix inférieur tout en conservant une marge. Nous avons expliqué ce phénomène lorsque nous résumions ce qu’était qu’un broker ou un bed bank auquel il vous arrive, parfois, de soumettre vos hébergements.
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Certains OTAs peuvent aussi exercer une pression sur les hébergeurs pour obtenir des tarifs préférentiels en échange d’une meilleure visibilité sur leur plateforme et ce sont ces tarifs qui viennent directement concurrencer ceux que vous diffusez “en direct” sur votre site et vos réseaux sociaux; ce qui, admettons-le, vous décrédibilise immédiatement aux yeux du voyageur.
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L’autre biais repose sur les programmes de fidélité et les remises cachées que les OTAs développent pour offrir des tarifs réduits à certains clients; ce qui permet à certains de contourner ainsi la fameuse “parité tarifaire” (qui n’est, nous le rappelons qu’à sens unique; donc, c’est leur droit).
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Enfin, il peut y avoir des raisons plus techniques comme un dysfonctionnement de vos contrôles sur l’activation de vos canaux de distribution, des erreurs de synchronisation de vos tarifs … ce qui n’est, fort heureusement, que temporaire. Cependant, n’oublions pas que les OTAs disposent aussi de technologies sophistiquées pour ajuster leurs prix en temps réel en fonction de la demande et de la concurrence, ce que tous les hébergeurs ne peuvent pas forcément faire s’ils sont mal équipés.
Comme le démontrent les études successives menées en Europe (notamment, par l’Hotrec), même si ces situations sont connues des hébergeurs, ces derniers nagent en plein dilemme: d’un côté, ils bénéficient de la visibilité offerte par les OTAs, mais de l’autre, ils perdent le contrôle sur leurs tarifs et leurs marges. Et sauf à y regarder de près (voir plus loin), ils ne réagissent presque jamais à temps (et dans les bonnes formes) pour atténuer les effets de ces distorsions tarifaires …
Pourtant, des études régulières viennent mettre de l’eau dans le moulin de celles et ceux qui sont convaincus d’agir avant qu’il ne soit trop tard. C’est le cas de la dernière analyse de SHR, une plateforme américaine dédiée aux technologies de développement des revenus hôteliers.
Plus la disparité profite à l’OTA, plus le second “effet KissKool” est important !
Lorsqu’un OTA arrive à proposer à des prix inférieurs aux autres, en général, il aime bien le faire savoir à ses clients ! Et pour cela, il n’hésite pas à acheter des liens publicitaires en masse sur Google afin de truster les premières places et pouvoir dire : “Hey les amis, c’est chez moi que vous trouverez le moins cher !”. Après tout, il est fort probable que vous l’ayez même autorisé à cela (proposer moins cher) …
Ce que l’étude démontre – après avoir analysé plus de 27 millions d’impressions sur Google – c’est que plus vous permettez à un OTA de communiquer sur les prix plus bas que vous lui permettez, plus cela vous coûtera cher en publicité pour faire connaître vos propres prix !
En clair, notamment aux US où les hôteliers sont plus combatifs sur la réservation directe tout en travaillant avec les OTAs, ces derniers n’hésitent pas à contrer les publicités des OTAs (sur leur propre hôtel) en achetant eux-mêmes des liens publicitaires pour ramener du trafic sur leur propre site et donc, continuer à recevoir des réservations directes.
Sauf que l’étude a démontré que, plus vous aurez autorisé les OTAs à pratiquer des prix inférieurs aux vôtres, plus reprendre la main sur les liens publicitaires pour ramener du client sur votre site vous coûtera cher ! Cette situation semble parfaitement logique et l’intuition n’est pas nouvelle; c’est juste le calcul précis qui apporte un éclairage plus cru sur les conséquences de cette “stratégie” de distribution quelque peu gothique:
- quand un hôtel laisse un OTA pratiquer des tarifs inférieurs et qu’il veut acheter, lui aussi, des liens publicitaires, ce dernier a payé 3 000 euros supplémentaires pour chaque tranche de 10 000 clics, par rapport aux hôtels qui imposent aux OTAs un tarif au moins équivalent au leur,
- D’ailleurs, quand c’est le cas (parité parfaite avec les OTA), l’étude démontre que ce surcoût existe toujours mais à un niveau moindre, soit 2 300 € supplémentaires pour 10 000 clics en raison de l’augmentation du CPC (coût par clic) due à la concurrence des OTA,
- enfin, quand le tarif le plus bas se situe sur le site officiel et que cela permet à l’hôtelier d’afficher que les “meilleurs prix garantis” sont toujours chez lui, lorsqu’il investit en lien sponsorisé, son CPC moyen n’est que de 0,64 eux. Et comme ils utilisent aussi le lien direct de réservation proposé par Google, ces derniers s’assurent en moyenne, un taux de conversion standard de 4,75 % ce qui leur permet d’arriver à un coût d’acquisition client des plus faibles.
En résumé, la relation aux OTAs est toujours une affaire d’équilibre. Travailler avec un ou plusieurs d’entre eux est vital pour 100% des hébergeurs et leur puissance ne va cesser de s’amplifier. Cela signifie, comme le démontre cette étude, qu’il faut bâtir une relation solide et pertinente qui ne laisse pas la porte ouverte à toutes les péripéties contre quelques retours financiers de court terme qui, dans le cas de cette étude, peuvent devenir des handicaps financiers de plus long terme dont il vous sera très difficile de vous départir.