Booking, la célèbre plateforme de réservation, vient de nous annoncer, en ce début décembre 2024, un recalcul des notes des établissements pour début janvier 2025. Cela va modifier en profondeur la manière dont les établissements sont perçus en ligne. La plateforme permet à ses utilisateurs de réserver des vols, des hébergements, des activités, et même de quoi se déplacer ; mais elle leur permet également de déposer un avis une fois la réservation consommée. Ces avis constituent un retour précieux des expériences des clients, de quoi influencer les potentiels nouveaux.
Pour rappel, voici les chiffres clefs du dernier exercice comptable de l’ogre Booking, accrochez vous bien, ça décoiffe, juste pour rappeler que c’est un MEGA.
Voici le mail reçu début décembre annonçant la prochaine mise à jour
Les avis booking
Les avis Booking ont de positif qu’ils sont liés à un acte de réservation et donc assez fiables, dans le sens ils sont véridiques, authentiques. Par contre, cela reste des avis sollicités, nombreux sont les avis « vides », sans commentaires, avec juste une note. De plus les avis sollicités sont toujours « pauvres » en contenu, c’est généralement 3 points positifs et 3 points négatifs. Il n’y a pas d’émotion, d’humain, ça ne fait pas rêver, comme Booking, c’est efficace, mais c’est froid, fonctionnel, sans « saveurs ». Il est à noter que Booking demande des points positifs et négatifs et incite donc les voyageurs à mentionner du négatif, même si tout allait bien, dans la forme de leur collecte.
Booking, des avis qui ne font pas rêver, à l’image de la plateforme
La note de l’établissement, celle affichée en frontal, est calculée par une bête moyenne de l’ensemble des notes publiées par chaque voyageur. Uniquement sur les 36 derniers mois (3 dernières années), les avis ne sont conservés, affichés, que sur cette période. Booking a changé cette période pendant la période du covid, avant les avis n’étaient gardés que 2 ans. Le note d’un avis est calculée par la note globale de cet avis. Les sous-notes n’influencent pas la note globale. Le voyageur doit donner une note globale et éventuellement des sous-notes. On peut donc se retrouver dans une situation incohérente d’avoir une note globale (la seule qui compte dans la moyenne) mauvaise et des sous notes très positives, car l’utilisateur n’a pas compris ou autre.
Si l’on calcule la moyenne avec les sous notes, ce n’est pas 1 sur 10 que Jérôme à déposé, mais 6/10
Cette note n’est pas seulement un indicateur, c’est un levier stratégique essentiel. Un établissement avec une note de 9 ou plus bénéficie d’une très grande visibilité sur la plateforme, apparaissant souvent en haut des recherches et attirant davantage l’attention des voyageurs. Les enjeux sont donc cruciaux : une note élevée influence directement la décision des clients et fait une réelle différence dans vos performances commerciales. Nous avons des établissements qui développent de véritables stratégies pour avoir 9 et plus sur Booking, leur survie en dépendant (bon, j’m’enflamme un peu, mais quand même, quand je vois ce qu’ils font, je perplexifie).
Je ne vais pas revenir sur l’importance des avis en phase de réservation, ils sont consultés par plus de 90% des consommateurs, ils sont 79% à leur faire confiance et 74% à affirmer qu’ils sont influencés pas ces avis. C’est fascinant la force des avis sur les performances d’un établissement. On ajoutera, à My Hotel Reputation, que ce n’est pas tant l’avis qui compte, on en contrôle par ce que les voyageurs racontent, mais plus la réponse, que l’on contrôle. Une statistique de 2018 affirme que les établissements qui répondent génèrent 35% de CA en plus que ceux qui ne répondent pas.
En quoi consiste ce nouvel algorithme ?
La note des établissements continue d’être calculée sur les commentaires des trois dernières années. Ce qui change, c’est une pondération accrue des avis récents dans le calcul de la note moyenne. Désormais, chaque nouvel avis pèsera plus que ceux déjà existants, dont le poids diminuera progressivement avec le temps. Booking affirme que ce rééquilibrage vise à refléter plus fidèlement la qualité actuelle d’un établissement et à valoriser les efforts faits pour satisfaire les clients – merci, Booking. Les notes par catégorie, telles que celle associée à l’emplacement et aux équipements, seront également soumises à la nouvelle méthode de calcul. Cela ressemble beaucoup à la méthode déjà utilisée par TripAdvisor, où les avis récents comptent plus, sans grande révolution. Mais ces notes par catégories n’interviennent toujours pas dans la moyenne globale des établissements.
Mais ce n’est pas tout. En plus de la fraîcheur des avis, Booking met également en avant la pertinence comme facteur clé. Ce terme, cependant, reste flou, Booking se garde bien de définir ce qu’est la pertinence. Autant la fraîcheur est assez simple à comprendre, même si on en connaît la pondération au fil du temps, autant la pertinence est complexe.
Un avis pertinent est-il simplement un commentaire détaillé ? Celui qui reçoit le plus de mentions « utiles » de la part d’autres utilisateurs ? Rien n’indique non plus si des critères comme la nationalité ou les habitudes des voyageurs influencent cette pertinence ni si celle-ci varie selon le profil du lecteur. Un voyageur allemand voit-il la même pertinence qu’un voyageur italien ? Il semble que non, cela voudrait dire qu’on aurait une note moyenne globale différente selon ces critères de segmentation, la pertinence influençant la note globale.
J’aurais évidemment préféré que Booking s’attaque à l’article 4.2 des conditions générales d’utilisation, notamment pour prendre ses responsabilités de récolteur, modérateur, diffuseur des avis…
De plus, le recalcul n’échappe pas à quelques paradoxes. Par exemple, il n’est pas précisé si un avis ancien, mais considéré comme pertinent (par exemple un commentaire détaillé de deux ans) aura plus de poids qu’un avis récent, mais peu développé. On ne sait pas non plus si les sous-notes (emplacement, équipements, propreté) influencent la pertinence, ou si seule la note globale est elle prise en compte ? Le manque de transparence sur ces pondérations laisse de nombreuses interrogations ouvertes. Mais cela ne nous étonne pas venant de Booking, la transparence n’étant pas dans leurs valeurs.
Ce recalcule est un souffle nouveau pour les établissements, car il actualise davantage leur image en reflétant la réalité de l’expérience des clients. Le but est de « récompenser les efforts des établissements », en mettant en avant la satisfaction des clients face aux nouveautés, travaux, et/ou améliorations des structures. Évidemment, une note plus fiable et actuelle aide à attirer des clients, mais cela ne répond pas à certaines inquiétudes des établissements.
Booking cherche, comme d’habitude, à ce que vous chouchoutiez les clients (j’ai failli dire ses clients) venant pas son intermédiaire. Vous devrez vous surpasser jour après jour, car les avis récents influencent plus la moyenne.
Il est à noter que cela fait des années que la fraîcheur influence la note globale sur Google et Tripadvisor, mais eux, à la différence de Booking, gardent les avis ad libitum.
Une tentative de rassurer les établissements saisonniers
Une grande partie des explications de cette mise à jour semble être axée sur les établissements saisonniers, qui reçoivent la majorité de leurs avis pendant la haute saison. Pour ces derniers, les avis négatifs récoltés en basse saison auront un impact limité sur leur note moyenne. Cette pondération spécifique devrait éviter de pénaliser les établissements lorsque certains services ou équipements sont temporairement indisponibles. Cependant, il reste primordial que ces informations soient clairement indiquées sur leur fiche – tout le monde sait, bien sûr, que les clients lisent les fiches en détail…
Cela dit, l’explication donnée reste assez confuse. Booking affirme que ces avis négatifs en basse saison seront « contrebalancés » par les nombreux avis positifs collectés en haute saison. Une logique qui semble inversée : si l’on parle de la basse saison, il est difficile d’anticiper l’impact des avis futurs.
Comment transformer cette évolution en opportunité ?
Il est déjà possible d’observer un aperçu de votre nouvelle note dans l’extranet. Si vous n’y avez pas encore accès, vous recevrez bientôt un mail dès qu’elle sera visible sur la page de votre établissement.
La simulation de votre nouvelle moyenne est disponible dans votre extranet
Vous avez encore une opportunité d’améliorer cette note avant sa publication officielle. Chaque nouveau commentaire que vous recevez a désormais un impact significatif sur votre moyenne : avec la pondération accrue des avis récents, chaque retour positif devient un atout pour renforcer votre position sur Booking. Plus votre note est haute, plus vous serez visible, et plus vous attirerez de réservations.
Qu’aurait pu faire Booking ?
Il y a tellement d’autres éléments à prendre en compte pour rendre le calcul d’une moyenne plus proche de la qualité, plus proche de l’expérience vécue, plus proche de ce que l’établissement offre ou se préoccupe de la satisfaction client.
La note moyenne pourrait aussi être pondérée par
- la taille de l’avis. Un avis sans commentaire pèserait pour 0,80, avis standard pour 1 et avis avec plus de 500 caractères pèserait pour 1,2. La volonté de partager montrer l’implication (ou la désinvolture totale) de l’établissement
- Le nombre de votes « cet avis est utile » est effectivement un bon indicateur
- les avis des voyageurs étrangers pourraient peser moins, on favoriserait les avis des locaux, ils connaissent le niveau, les standards de l’hôtellerie dans leur pays. Un voyageur étranger est toujours un peu plus « tolérant », il n’est pas chez lui, c’est peut-être comme ça qu’on fait ce pays visité.
- La présence de réponse. Le fait que la direction réponde (et peut-être la taille de la réponse et le vote de « cette réponse est utile ») pourrait aussi influencer positivement le calcul de la note moyenne, ça démontre une certaine préoccupation de la part de l’établissement.
- le délai entre la fin du séjour de la date de dépôt de l’avis est aussi un indicateur de motivation à partager et pourrait avoir une, faible, influence sur l’algorithme de calcul de la moyenne.
- les sous notes ou leur présence montre un avis plus « qualitatif » et donc pourrait avoir un rôle pondérateur
- Le profil du rédacteur devrait influencer. En fonction de son historique, des avis déjà déposés, de si c’est un M. Grognon, etc… a pourrait ajouter de la qualité dans le traitement de l’avis.
- Le prix payé par rapport au prix moyen de l’établissement sur la période et/ou sur n-1. Un client qui a accès à un tarif très avantageux et qui se plaint devrait moins compter (c’est souvent des chasseurs de primes ou des voyageurs qui ne peuvent pas se payer habituellement ce standing et donc arrivent avec des attentes disproportionnées).
- l’anticipation, si c’est une resa réalisée très en amont, ça peut être interprété comme une volonté de séjourner dans cet établissement et donc il y a peut être une relation particulière. Dans l’autre sens, une resa de dernière minute… je n’insiste pas.
- l’état du marché au moment de la réservation. Si la destination était saturée au moment de la resa (peu de dispo) alors le choix a peut-être été par défaut et le voyageur n’est pas dans un hôtel de sa gamme et donc il pourrait être plus facilement mécontent, Booking devrait pouvoir pondérer cela.
- si il y a un salon, un évènement ou alors si les prix sur le territoire se sont envolés, Booking pourrait pondérer le calcul de la moyenne. Même si à mon sens ce n’est pas justifié, il faut assumer le Yield abusif et se prendre une tôle parce que le 1 étoile crado était à 324€ me semble un juste retour du marché.
- On pourrait aussi ajouter le nombre d’interactions ente l’hôtel et l’hôte en amont, s’il y a eu des demandes particulières, si c’est un noshow, si ça a été réservé depuis un smartphone, la politique d’annulation, les conditions de résa, les genuis, etc.
Bref, Booking annonce qu’il améliore le calcule de la note en pondérant avec la fraîcheur et la pertinence, alors que les autres le font depuis longtemps…. Mais c’est sans parler de tout ce qu’il pourrait faire (et que peut-être il fait, encore une fois, il n’y a rien de transparent chez Booking). Je reste quand même un peu sur ma faim.
C’est peut-être une technique pour ne plus remettre les avis à zéro en cas de grosses rénovations ou de changement de propriétaire/enseigne, Booking pourrait désormais dire que les nouveaux avis pèsent plus et que donc il n’est plus nécessaire de supprimer les anciens.
La vidéo de présentation de Booking, c’est elle qui donne le plus d’information
Conclusion
Booking propose ici une évolution plus qu’une révolution : donner davantage de poids aux avis récents et pertinents est une bonne chose pour refléter l’actualité des établissements. Cependant, le flou autour des critères de pertinence ou de pondération limite la transparence. Il y avait tant à faire pour aller vraiment chercher de la « pertinence » (dans le calcul).
Ce n’est pas une révolution, les autres plateformes pondèrent les avis selon leur fraîcheur depuis longtemps.
Booking souhaite que l’on soit encore meilleur avec les clients passant par la plateforme, la fraîcheur rajouter une pression, il tire encore la couverture à lui.
merci d’avoir lu jusqu’ici, c’est terminé, vous pouvez reprendre une activité normale
Article écrit par Thomas Yung
Dans le TGV retour de Bourgogne, un vendredi soir, entre 19h et 22h
Avec Kacem Wapalek dans les oreilles (lien spotify)