Le bonheur comme levier de performance en hôtellerie, avec Malene Rydahl

Et si la clé d’une hospitalité d’exception résidait dans le bonheur au travail ?

Cette question, posée dès l’introduction de notre échange avec Malene Rydahl, experte franco-danoise, révèle un angle de management souvent sous-estimé mais pourtant fondamental, en particulier dans le secteur exigeant de l’hôtellerie. Forte de son expérience au sein du groupe Hyatt et aujourd’hui conférencière et coach de dirigeants, Malene nous éclaire sur la manière dont l’intégration du bien-être, inspirée notamment du modèle danois, peut transformer les équipes et, par conséquent, l’expérience client.

L’héritage danois : un modèle de bien-être au service de la performance

Le Danemark est régulièrement cité parmi les pays les plus heureux du monde. Cette réalité a suscité la curiosité de Malene Rydahl, elle-même danoise vivant en France. Son premier livre, « Heureux comme un Danois », est né de cette volonté de comprendre les fondements de ce bien-être collectif et sa potentielle application dans le monde professionnel. De cette exploration a émergé une méthode, la méthode MR, axée sur le leadership et la transformation des cultures d’entreprise en plaçant le bien-être au service de la performance. L’objectif ? Favoriser l’engagement, l’innovation et, in fine, des résultats supérieurs.

Dans le contexte de l’hôtellerie, où l’interaction humaine est au cœur du service, le bonheur des équipes devient un levier de performance crucial. Des employés épanouis sont plus susceptibles de créer une expérience client positive et mémorable. Comme le souligne Malene, comment espérer une hospitalité d’exception si les équipes elles-mêmes ne se sentent pas bien ?

L’empathie : plus qu’une qualité, une compétence clé qui s’apprend

Au centre de l’approche de Malene se trouve l’empathie. Loin d’être une simple disposition naturelle, elle la définit comme la capacité à comprendre sans pour autant partager les idées ou les émotions des autres. Elle distingue ainsi l’empathie cognitive (comprendre et accepter les idées d’autrui sans nécessairement y adhérer) de la sympathie. Cette forme d’empathie outillée se révèle être un puissant outil de réduction des tensions et des conflits en entreprise.

Son livre « L’empathie, ça s’apprend » témoigne de sa conviction que cette compétence peut être développée et intégrée dans le monde professionnel. Pour les managers, cela implique un travail de connaissance de soi préalable. Comprendre ses propres valeurs, ses croyances et la manière dont on filtre la réalité est essentiel pour pouvoir réellement se mettre à la place de l’autre sans projeter ses propres schémas de pensée.

Malene propose des conseils actionnables pour cultiver l’empathie, notamment en entreprise. Elle insiste sur l’importance de nuancer ses propos, de rechercher des preuves du contraire face à ses propres jugements et de s’exprimer en donnant son propre « mode d’emploi » sans prétendre détenir la vérité. L’objectif est d’aller vers l’autre dans un but de compréhension véritable, en posant des questions ouvertes et en écoutant activement le point de vue d’autrui.

L’introduction de cours d’empathie à l’école française, inspirée du modèle danois, illustre l’importance d’intégrer ces compétences dès le plus jeune âge. Ces cours, axés sur la reconnaissance et la régulation des émotions, la communication non violente et la compréhension des perspectives d’autrui, montrent leur potentiel pour créer des environnements plus harmonieux et moins sujets au harcèlement. Ces apprentissages sont transposables dans le monde de l’entreprise, contribuant à améliorer la communication, à renforcer la considération et la reconnaissance au sein des équipes.

Un leadership évolutif au service de la sécurité psychologique

La conversation aborde également la nécessité de faire évoluer le leadership. Dans un contexte où le système éducatif français peut parfois engendrer un sentiment de jugement précoce et une valorisation inégale des talents, il est crucial de cultiver un leadership qui favorise la sécurité psychologique. Selon Malene, cette dernière repose sur trois piliers : la connaissance de soi, la compréhension des autres et la confiance.

Investir dans ces domaines permet de réduire les tensions et les conflits, qui peuvent absorber une part considérable du temps des managers (jusqu’à 40% selon Malene). Un leader authentique, conscient de ses propres « ombres » et capable de communiquer son propre mode d’emploi, crée un environnement où les équipes se sentent plus à l’aise pour prendre des initiatives, exprimer leurs idées et admettre leurs erreurs. Cette libération des talents est essentielle pour l’innovation et la performance durable.

Pour les leaders de l’hôtellerie, en particulier les directeurs généraux, ce leadership évolutif prend une dimension particulière. Ils doivent jongler avec les exigences de la clientèle et la motivation de leurs équipes, souvent composées de profils variés et confrontées à des horaires contraignants. Malene insiste sur l’importance de l’authenticité et de la connaissance de soi pour ne pas s’épuiser à jouer un rôle et pour rester disponible à l’écoute des clients et des collaborateurs. En comprenant leurs propres points de colère et en apprenant à réguler leurs émotions, les leaders peuvent éviter les réactions impulsives et maintenir un environnement de travail serein et productif.

Un investissement humain pour une performance durable

Le bonheur au travail n’est pas une utopie, mais un pilier stratégique de la performance dans l’hôtellerie. En s’inspirant du modèle danois, en cultivant l’empathie à tous les niveaux et en adoptant un leadership authentique et inclusif, les entreprises du secteur peuvent créer un cercle vertueux où le bien-être des équipes se traduit par une expérience client exceptionnelle et, in fine, par des résultats économiques positifs. Comme le souligne Malene Rydahl, il est temps de prendre le temps de se connaître et de comprendre les autres pour bâtir un avenir où l’humain est véritablement au cœur de l’hospitalité. L’invitation finale de Malene à cultiver la nuance, le recul et l’ouverture aux autres perspectives résonne comme un appel à l’intelligence collective, essentielle pour naviguer dans un monde en constante évolution.