TOURISME : FAUT-IL FAIRE AVEC LES INFLUENCEURS ?

Certes, nous sommes tous des influenceurs en donnant nos avis en ligne sur des prestations, des achats ou des expériences de consommation. Avant, c’était le bouche-à-oreille avec un auditoire très limité et donc un impact quasi nul. À présent, c’est devenu l’e-réputation que 3/4 des clients potentiels consultent avant de faire leur choix, rien qu’en hôtellerie-restauration.
Mais là, quand on parle d’influenceurs, il s’agit de gens qui ont choisi d’en faire leur occupation à temps partiel ou à plein temps, et de se faire rémunérer sous une forme ou une autre. En échange de quoi, ils disent du bien d’une marque, d’une offre ou d’un opérateur. Cela se passe sous la forme de reportages, de vidéos, de photos et de commentaires parfois sirupeux et à la gloire de… leurs commanditaires.
On estime à la (grosse) louche que sur environ 12 millions d’influenceurs de toutes spécialités dans le monde, ils seraient près de 2,4 millions actifs dans le voyage/tourisme.
DONNER AU MOINS DES COUPS DE POUCE…
Peuvent-ils être utiles pour faire la promotion de destinations touristiques, d’hôtels, de chaînes hôtelières, de lieux de mariages et de séminaires ? Cela reste à voir.
Déjà du côté des réseaux sociaux, bien que de nombreux hôteliers et chaînes font des efforts pour y être présents — 86 % — en y animant plus ou moins consciencieusement et régulièrement une page, les clients d’hôtels sont peu nombreux — 1/5e, et encore seulement 3 % le font souvent — à se rendre sur les réseaux sociaux à la recherche d’hôtels pour leurs voyages (études par Coach Omnium). Mais, les influenceurs peuvent donner cependant un coup de pouce…
Autant adulés que critiqués, les influenceurs véhiculent de nombreux fantasmes sur leur métier. Souvent autodidactes et devenus par passion ou par opportunité des pros de la communication et des réseaux sociaux, ils proposent leurs services aux marques qui souhaitent faire la promotion de leurs produits sur les plateformes telles que TikTok, Instagram, YouTube ou encore Snapchat.
Que ce soit dans les secteurs de la mode, de la beauté, de la tech, du luxe ou encore du voyage, ils mettent leur notoriété à profit et créent un lien de confiance avec leur communauté. Mais, si leur quotidien en fait rêver plus d’un, peu nombreux sont ceux à pouvoir en vivre — voir plus loin.
Parmi eux, on trouve des degrés d’importance, sortes de grades : les macro-influenceurs (entre 100.000 et 500.000 followers), les middle influenceurs (entre 15.000 et 100.000 followers), les micro-influenceurs (entre 5.000 et 15.000 followers) et les nano-influenceurs (entre 1.000 et 5.000 followers). Mais, la quantité seule ne compte pas ; il faut regarder quelle est la typologie et le profil de ces publics de « suiveurs ». Mais aussi la bonne image et la crédibilité de l’influenceur/influenceuse.
QUELLES PRESTATIONS ET OFFRES DANS LE TOURISME INTÉRESSENT LE PLUS LES INFLUENCEURS ?
Dans le tourisme, les influenceurs sont particulièrement sensibles à certaines prestations et offres qui leur permettent à la fois de créer du contenu attractif et de vivre quelque chose d’authentique qu’ils pourront partager avec leur communauté, voire l’aggrandir.
Voici les catégories d’offres qui suscitent le plus d’intérêt :
• OFFRES UNIQUES, QUI SORTENT DU LOT :
- Hébergements insolites (cabanes dans les arbres, bulles transparentes, lodges écoresponsables, tiny houses, etc.)
- Curiosités locales authentiques : ateliers artisanaux, dégustations chez un producteur, pêche avec un habitant, visite guidée par un local.
- Activités originales et « instagrammables » : montgolfière, paddle au lever du soleil, bivouac dans le désert, etc.
Ces attractions génèrent du contenu visuel fort et de l’émotion, deux leviers essentiels sur les réseaux. Autant se dire qu’un hôtel économique dans une « zone indu » ou une destination vilaine où il n’y a rien à faire ne vont intéresser personne.
• SÉJOURS HAUT DE GAMME/LUXE ET COCOONING
Les influenceurs lifestyle, voyages ou bien-être apprécient évidemment :
- Les hôtels avec spa, piscines à débordement, vues panoramiques, service personnalisé.
- Les séjours détente (massages, soins, retraites bien-être, yoga, détox digitale).
- Les établissements « design » ou « boutique hôtel » au fort potentiel visuel ou encore les bateaux de croisières.
L’objectif recherché est de faire rêver leur audience et valoriser l’art de vivre local. Donc le camping façon Bidochon et les hôtels low cost de chaînes : never mind !
• OFFRES GASTRONOMIQUES ET ŒNOTOURISTIQUES
- Tables étoilées, dîners privés, découvertes culinaires locales (cours de cuisine, marchés, food tours).
- Visites de caves et dégustations de vins, bières artisanales ou produits régionaux.
Pour les adeptes de la mise en avant du terroir et du savoir-faire local.
• VOYAGES ÉCO-RESPONSABLES
Les influenceurs sensibles à la durabilité privilégient :
- Hébergements labellisés et dans une démarche environnementale — sincère — (Clef Verte, Écolabel européen, etc.)
- Activités à faible impact environnemental (randonnées, vélo, observation de la faune).
Leur image repose sur des valeurs fortes (respect, authenticité, nature).
• ÉVÉNEMENTS EXCLUSIFS ET SÉJOURS SUR INVITATION
- Avant-premières, festivals, inaugurations d’hôtels ou de restaurants haut de gamme/luxe.
- Voyages de presse ou “influence trips” en petits groupes.
Avantage pour eux : accès privilégié, rencontres, contenu exclusif. Avantage pour la marque : visibilité immédiate et storytelling maîtrisé.
• OFFRES VISUELLEMENT ATTRACTIVES
Enfin, l’esthétique joue un rôle clé. Les influenceurs aiment :
- Lieux photogéniques (vue mer/montagne, architecture pittoresque, ambiance cosy).
- Décors soigneusement pensés (petit-déjeuner en terrasse, décor floral, lumières naturelles).
But : produire du contenu viral sur Instagram, TikTok ou YouTube.
LES AVANTAGES DE TRAVAILLER AVEC LES INFLUENCEURS dans le tourisme, les MICE et l’hôtellerie
1) Visibilité rapide et ciblée
- Les influenceurs disposent d’une communauté déjà engagée : en un seul post, votre hôtel ou offre séminaires/mariages peut toucher des milliers de personnes.
- Cela permet de cibler/toucher un segment précis : voyageurs haut de gamme, couples romantiques, télétravailleurs, organisateurs d’événements, etc.
- Les contenus (photos, stories, vidéos) ont souvent une meilleure portée organique que les publicités payantes.
Exemple : un hôtel nature peut collaborer avec une micro-influenceuse spécialisée dans le slow travel et toucher une clientèle affinité 100 % compatible.
2) Crédibilité et recommandation authentique
- Les abonnés font davantage confiance aux avis personnels qu’à la publicité classique.
- Un influenceur peut donner une valeur émotionnelle à votre établissement par un joli storytelling et des images : ambiance, accueil, cadre, gastronomie…
- Dans le segment séminaire et MICE, une recommandation sincère peut crédibiliser la qualité de votre prestation auprès d’organisateurs exigeants.
3) Production de contenus de qualité
- Les influenceurs créent des photos et vidéos professionnelles exploitables pour vos propres réseaux, votre site Internet ou vos supports commerciaux.
- C’est un investissement rentable comparé à une agence de production ou de publicité, tout en bénéficiant de leur diffusion.
Bon plan : négocier les droits d’usage des contenus dans le contrat de collaboration.
4) Visibilité internationale
- Certains influenceurs (notamment anglophones ou multilingues) permettent de toucher une clientèle étrangère, sans passer par des campagnes coûteuses à l’étranger.
- Intéressant pour les hôtels indépendants qui souhaitent diversifier leur clientèle.
5) Effet de réseau et bouche-à-oreille
- Un bon partenariat peut générer d’autres collaborations : blogs de voyage, articles médias, recommandations d’agences.
- Certains influenceurs B2B (notamment dans le MICE) sont prescripteurs auprès d’entreprises ou d’agences événementielles.
LES INCONVÉNIENTS ET RISQUES
1) Coûts parfois élevés
- Les influenceurs reconnus demandent des rémunérations importantes (jusqu’à plusieurs milliers d’euros pour un post).
- …Et le retour sur investissement n’est pas toujours mesurable immédiatement, ni garanti.
- Certains hôtels offrent des séjours gratuits, mais cela reste un coût (chambres, repas, services, déplacement).
- Dans le tourisme, les influenceurs voudront forcément se rendre sur place tous frais payés, ce qui risque de faire grimper fortement l’addition.
2) Manque de transparence sur l’audience réelle
- Certains influenceurs gonflent artificiellement leur communauté (abonnés achetés, faux taux d’engagement… bien que cela soit prohibé par les réseaux sociaux). Lire plus loin.
- La quantité ne remplace pas la qualité. Il faut que les followers soient dans la cible de ce qui est promotionné. Le risque est de payer pour une audience non qualifiée ou inactive. Il est donc crucial d’exiger les statistiques réelles (reach, engagement, provenance des abonnés).
3) Perte de contrôle sur le message
- Une fois sur place, l’influenceur reste libre de ton : il peut être critique, exagérément flagorneur (donc pas crédible) ou encore publier un contenu qui ne correspond pas à votre image. D’où l’importance d’un brief précis, mais sans brider la créativité.
4) Effet à court terme
- Une publication génère souvent un pic ponctuel de visibilité, mais peu d’effet durable sans stratégie suivie (relances, retours d’expériences, emailing). Pour des résultats pérennes, il faut penser collaboration en longue durée ou par séries de contenus, et pas juste en « one shot » à partir duquel on n’obtiendra pratiquement rien.
5) Risque d’inadéquation
- Tous les influenceurs ne conviennent pas à toutes les marques. Loin de là. Un hôtel de charme familial ne tirera aucun bénéfice d’un influenceur lifestyle centré sur les soirées, sur une approche « people » ou sur le luxe tapageur. La cohérence entre votre positionnement et son univers est essentielle.
- Il peut y avoir un décalage entre le contenu qu’apporte l’influenceur et les avis en ligne des vrais clients. Une appréciation dithyrambique du premier peut heurter la réalité et faire prendre le risque de discréditer la marque ou l’établissement.
DES REVENUS TRÈS ALÉATOIRESLa rémunération d’un influenceur varie en fonction de la taille de sa communauté et du secteur dans lequel il s’est spécialisé (tourisme, cosmétiques, luxe, mode…), certaines branches étant plus généreuses et demandeuses que d’autres. Il est donc difficile de donner une fourchette de revenus. Mais, selon l’étude Reech 2022 sur le marketing d’influence, seulement 15 % des créateurs de contenu vivent de leur métier (voir graphique). De quoi vite descendre de son petit nuage… Pour autant, rien n’étant gratuit, les rétributions se font souvent sous la forme de cadeaux ou encore de voyages-séjours payés, de quoi motiver et ce, net d’impôts pour l’influenceur. Enfin, au moins à leurs débuts, les influenceurs font souvent ça par envie/besoin de reconnaissance qui passe par une recherche de notoriété. D’où leurs communications tous azimuts, avec parfois de vraies codes et styles reconnaissables. |

Gonfler le volume de ses « suiveurs » est illégal et furieusement banni par les plateformes et réseaux sociaux. Mais, cela n’empêche pas toujours des petits malins de tricher. Pour quoi faire ? Se faire grenouille plus grosse que le bœuf. Autrement dit, faire croire que l’on est important avec une immense communauté prête à suivre et à acheter.
1) Est-ce que c’est courant ?
Des études et rapports montrent que l’achat de faux followers existe et n’est pas marginal : certaines enquêtes estiment qu’une part significative d’influenceurs a eu recours à de l’« artificial growth » (achat de followers ou recours à des services d’engagement). Par exemple, une étude citée par Forbes indiquait qu’environ 1 influenceur sur 4 avait acheté des followers (enquête de 2022). Des rapports sectoriels signalent des proportions plus élevées de comptes présentant des signes d’audience artificielle, surtout chez les gros comptes.
On peut acquérir pour quelques euros des régiments de « suiveurs » via de nombreuses officines situées dans des Pays d’Europe de l’Est, en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud notamment.
2) Pourquoi certains influenceurs le font ?
- Pour paraître plus « crédible » auprès des marques et décrocher des contrats/sponsoring plus lucratifs.
- Pour « décranter » dans les algorithmes (illusion d’autorité).
- Parce que la pression de croissance rapide pousse certains à chercher une solution courtermiste.
3) Les risques & conséquences (pour l’influenceur et pour la marque)
- Taux d’engagement artificiellement bas : les sponsors regardant l’engagement verront vite le décalage.
- Perte de crédibilité auprès de l’audience et de partenaires si découvert.
- Sanctions des plateformes : suppression de followers, shadowban, voire suspension.
- Mauvais ROI pour la marque : impressions sans conversions.
- Risques contractuels / réputationnels si une marque est associée à de la fraude (les plateformes et outils spécialisés aident à détecter et à signaler ces fraudes).

Outils & méthodes courants (utilisés par agences et plateformes d’influencer marketing) :
- Analyse du taux d’engagement (likes + commentaires / followers). Des taux anormalement bas par rapport à la taille du compte sont un signal d’alerte.
- Analyse de la croissance des followers : pics soudains et inexpliqués = suspect.
- Qualité des commentaires : commentaires génériques/spam ou beaucoup de commentaires en langues incohérentes.
- Répartition géographique de l’audience : incongruités entre niche attendue et pays majoritaire des abonnés (on va soudain voir que 90 % des followers sont localisés en Inde ou ailleurs ; pour un influenceur français, c’est louche).
- Vérification des profils followers : comptes sans photo, sans publications ou avec des noms étranges.
- Outils spécialisés (HypeAuditor, Modash, HypeAuditor/Influencity, etc.) qui détectent patterns de bot, achats d’audience et engagements inauthentiques. L’usage d’IA/ML pour repérer ces schémas est de plus en plus courant.
5) Signes rapides à regarder quand on veut évaluer un influenceur (checklist)
- Engagement rate cohérent (micro-influenceurs : souvent 3 – 8 % ; les grosses audiences peuvent avoir moins).
- Historique de croissance : pas de sauts énormes en 24 – 48h.
- Proportion like/commentaires raisonnable par post.
- Qualité des commentaires (vrais échanges).
- Audience géographique et démographique alignée avec la niche.
- Demande au créateur des statistiques de l’outil natif (insights) + accès à un rapport d’audience ; si refus : prudence.
- Si possible, vérifier via un outil tiers (HypeAuditor, Modash, etc.).
6) Que peuvent faire les marques (prévention contractuelle et bonnes pratiques)
- Exiger des KPIs vérifiables (reach / impressions / taux de clics / ventes trackées).
- Clause d’audit dans le contrat : droit de vérifier l’audience via un outil tiers.
- Paiement lié à la performance (part variable sur résultats mesurables) plutôt que paiement forfaitaire uniquement basé sur le nombre de followers.
- Travailler avec plateformes/places de marché réputées qui filtrent la fraude.
- Prioriser micro/nano-influenceurs (souvent meilleure authenticité et engagement) plutôt que se focaliser sur le seul nombre d’abonnés.
7) Éthique & réalité : tous ne sont pas forcément coupables
Important : tout le monde n’achète pas délibérément des faux followers. Beaucoup de comptes peuvent être victimes d’achats de bots ou d’infections de faux abonnés (crawl bots, fermes de comptes). D’où l’intérêt d’analyser les données et de ne pas sauter aux conclusions sans examen.
Mark Watkins

• VOYAGES ÉCO-RESPONSABLES