Un chef passionné par la cuisine, la nature, les produits, qui rend hommage aux chefs qui l’ont formé et aux équipes qui travaillent chaque jour à ses côtés. Victor Leboucher est de ceux qui savent rester modestes et reconnaissants. À la tête du restaurant Marnage, à Barneville-Carteret (Manche), il propose depuis un an, une cuisine gastronomique précise, généreuse et inventive, où met à l’honneur les produits de sa Normandie natale.
À 33 ans, de retour dans sa région, le cuisinier prend la mesure de ce que les chefs lui ont apporté, car rien dans son parcours n’était écrit d’avance. Après sa formation à Agneaux (Manche), et un apprentissage au restaurant Le Cap, de Renaud Desfours, il poursuit sa carrière chez le chef Yannick Lamy qui l’envoie en Haute-Loire, dans le restaurant 3 étoiles Michelin de Jacques et Régis Marcon.
La révélation du métier
Il a 18 ans. Et là, c’est la révélation : “Avant d’arriver chez les Marcon, je ne connaissais rien à la cuisine, assure Victor Leboucher. C’est eux qui m’ont fait devenir cuisinier, qui m’ont fait aimer la cuisine. Si je n’étais pas passé chez eux, je ne serais certainement pas chef aujourd’hui”. Sans compter l’esprit d’équipe qui règne à Saint-Bonnet-Le-Froid : “Régis Marcon nous donnait beaucoup, il arrivait à créer une cohésion entre tous, nous emmenait à la cueillette des herbes et des champignons. J’ai appris à le faire à mon tour et à aimer ça. C’est un supplément aujourd’hui dans ma vie de cuisinier.”
S’ensuit une expérience chez Mickaël Arnoult, ancien second d’Emmanuel Renaut (Flocons de Sel) aux Morainières à Jongieux. Il en ramène le goût de la maîtrise des plats, de la précision du dressage, des belles assiettes “qui [lui] mettaient des étoiles dans les yeux”. Puis, il passe quatre ans dans la famille Meilleur, à La Bouitte, alors 3 étoiles Michelin. “Ils font partie de ces personnes qui nous font découvrir des aspects de nous-mêmes que l’on n’imaginait pas”, s’étonne encore Victor Leboucher.
Une cuisine locavore
En 2022, le chef confie son envie de rentrer en Normandie à son premier employeur, Renaud Desfours, alors que ce dernier souhaite reprendre l’hôtel La Marine, en difficulté financière. Les étoiles s’alignent : “Je lui ai expliqué mon envie de retrouver mon terroir, et de ramener dans ma région l’expérience et le savoir-faire acquis pendant toutes ces années. Car on trouve tous les produits ici, dans le Cotentin.” Il propose chaque soir sa version gastronomique en six flots (services) de ce ‘terroir iodé’ , par exemple : Araignée de mer, mayonnaise de poirées émusulsion celeri au poivre de Tasmanie (cultivé à quelques km de là), Bar, petits pois, crème fraîche et caviar ou encore Lapin, foie gras et tartelette de fois et girolles sautées.
Depuis un an aux commandes de Marnage (terme désignant l’amplitude entre la marée haute et la marée basse), il tente “de gravir les échelons” : “D’ici à cinq ans, cette maison peut devenir extraordinaire”, assure-t-il. Le chef enrichit son réseau de producteurs locaux pour proposer la cuisine la plus locavore possible, et utilise l’intégralité des produits lorsque cela est possible. Sa passion pour la cueillette le conduit toujours dans les sous-bois, et désormais sur les bords de mer. Il cultive dans son potager les fleurs comestibles qui décorent ses plats.
Sept personnes travaillent avec lui dans les cuisines de Marnage. “Il y a une vraie émulation dans l’équipe. Je remercie régulièrement les cuisiniers, je leur dis qu’ils comptent et que sans eux, je ne pourrais pas proposer cette cuisine”, reconnaît Victor Leboucher. Une manière aussi de rendre ce qu’il a reçu au fil de ces années.