Le Conseil d’État vient de rendre, le 8 juillet, une décision défavorable aux loueurs de meublés touristiques (type Airbnb), et demande à Bercy de réduire l’abattement fiscal dont ils bénéficient. Le régime fiscal des locations de courte durée sera donc aligné sur celui de la location non classée classique, comme cela avait été inscrit dans la loi de finances pour 2024.
Les loueurs bénéficieront désormais d’un abattement de 30 % – et non de 50 % pour les meublés non classés et de 71 % pour les meublés classés – ce qui supprime la ‘niche fiscale’ tant décriée par les professionnels de l’hôtellerie.
- Ce qui s’est passé
Le régime fiscal pour les locations meublées de tourisme permettait aux contribuables qui adoptaient le régime fiscal micro-BIC de bénéficier d’un abattement de 71 % pour les meublés classés tourisme (s’ils ne percevaient pas plus de 188 700 € de loyers par an) et de 50 % pour les meublés non classés (dans la limite de 77 700 €), comme c’est le cas pour les locations meublées classiques de longue durée.
La loi de finances 2024 a modifié ce régime, alignant le régime les locations de meublés de tourisme sur celui des locations non meublées, réduisant l’abattement à 30 % et le plafond à 15 000 €. Mais cette décision n’aurait pas dû être adoptée, car elle est issue d’un amendement sénatorial conservé “par erreur” dans le texte de loi alors qu’il aurait dû être supprimé.
Par conséquent, l’administration fiscale a ajouté un commentaire au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) le 14 février dernier, visant à ne pas restreindre la niche fiscale Airbnb. Les organisations professionnelles du secteur s’en étaient offusqué. Un recours devant le Conseil d’État avait été déposé par des sénateurs, qui dénonçaient la violation de la loi de finances.
- Ce que la décision du Conseil d’État annonce
Avec cette décision du 8 juillet, le Conseil d’État vient de leur donner raison en annulant cette tolérance administrative et en imposant ainsi le nouveau régime fiscal dès 2023. Cette décision implique que les contribuables doivent se conformer aux nouvelles règles dès l’année de leur entrée en vigueur. Cependant, le Conseil d’État a souligné que les contribuables pourraient se prévaloir de la tolérance administrative pour la période transitoire, limitant ainsi les effets immédiats de cette annulation.
De toute façon, cette décision intervient après les déclarations de revenus de 2023 et elle n’a pas d’effet rétroactif. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une décision de principe, qui satisfait les organisations professionnelles, comme nous l’a indiqué le Groupement des hôtelleries et restaurations de France (GHR), car elle donne le ton pour le futur. De plus, affime Franck Trouet, son délégué général : “Pour le GHR, cette décision rappelle que nous sommes dans un État de droit et que ce qui est fait par le Parlement ne peut etre défait que par le Parlement et non par Bercy.”
C’est également l’avis de Patrick Hayat, président de l’Association pour un tourisme professionnel (Atop), qui lutte contre la concurrence déloyale que constituent les locations meublées : “Nous nous réjouissons que le Conseil d’Etat nous ait enfin donné raison. En réintroduisant par voie d’instruction fiscale des mesures totalement dérogatoires à la loi, Bercy s’est opposé aux décisions du législateur. De ce fait, tous les efforts exercés par les professionnels de l’hébergement touristique qui se battent depuis des années pour une concurrence plus juste avec les meublés de tourisme ont été battus en brèche. Ces efforts contribuaient non seulement à un rééquilibrage entre les différents types d’hébergement et apportaient une solution rapide à la crise du logement. Malheureusement le mal est fait puisque la campagne de déclaration des revenus 2023 est terminée. Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, ça aura coûté 330 M€ supplémentaires aux finances publiques. Mais cette décision du Conseil d’Etat est un signal fort pour la prochaine déclaration de revenus : on attend que la loi soit mise en vigueur et respectée.”
“Et surtout, insiste Franck Trouet, il s’agit d’une question d’équité fiscale entre tous les acteurs de l’hébergement touristique marchand.”
Publié par
Romy Carrere et Roselyne Douillet