Une affaire jugée le 13 mars dernier par la Cour de cassation est pour nous l’occasion de mettre en lumière 2 notions souvent méconnues et confondues : le repos compensateur de remplacement et surtout le contingent d’heures supplémentaires.
— Le repos compensateur de remplacement et le contingent d’heures supplémentaires dans les HCR
- Le repos compensateur de remplacement en bref :
La Convention collective nationale des HCR permet de remplacer, en tout ou partie, le paiement des heures supplémentaires et de leurs majorations par un repos compensateur de remplacement (RCR), selon les modalités suivantes :
— 110 % de la 36ème à la 39ème heure supplémentaire ;
— 120 % de la 40ème à la 43ème heure supplémentaire ;
— 150 % au-delà de la 44ème heure supplémentaire.
Les heures supplémentaires dont le paiement est intégralement remplacé par un repos compensateur (taux horaire de base + majoration correspondante) ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires.
Ce repos compensateur ne doit pas être confondu avec la contrepartie obligatoire en repos prévue au titre du dépassement du contingent d’heures supplémentaires.
- Le contingent d’heures supplémentaires
Le code du travail encadre le nombre d’heures supplémentaires pouvant être accomplies par chaque salarié dans un contingent.
Dans la branche HCR, ce contingent annuel est fixé à :
— 360 heures par an pour les établissements permanents ;
— 90 heures par trimestre civil pour les établissements saisonniers.
Les heures supplémentaires accomplies au-delà de ce contingent donnent lieu à une contrepartie obligatoire en repos.
En plus des majorations prévues en contrepartie des heures supplémentaires, les salariés ont donc droit à une contrepartie obligatoire en repos (COR) pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel. Il s’agit là d’une disposition d’ordre public à laquelle il ne peut pas être dérogé.
Cette COR est égale à :
— 50 % pour les entreprises de 20 salariés au plus ;
— 100 % dans les entreprises de plus de 20 salariés.
Le droit à la COR est considéré ouvert dès lors que la durée de ce repos atteint 7 heures et doit être prise dans un délai maximum de 2 mois suivant l’ouverture du droit.
Les salariés doivent être informés du nombre d’heures de repos acquis au titre de la COR par un document annexé au bulletin de paie. Dès que ce nombre atteint 7 heures, ce document comporte une mention notifiant l’ouverture du droit à repos et l’obligation de le prendre dans un délai maximum de 2 mois après son ouverture.
Le repos peut être pris par journée entière ou par demi-journée à la convenance du salarié.
Le salarié formule sa demande de prise de contrepartie obligatoire en repos au moins une semaine à l’avance, en précisant la date et la durée du repos.
Dans les 7 jours suivant la réception de la demande, l’employeur informe l’intéressé de son accord ou, après consultation du comité social et économique, des raisons relevant du fonctionnement de l’entreprise qui motivent un report éventuel.
En cas de report, l’employeur propose au salarié une autre date mais ce report ne peut excéder 2 mois.
Dans le cas où le salarié ne demande pas la prise du repos dans les délais requis, il faut distinguer deux situations :
- L’employeur a bien informé le salarié de son droit à repos : si le salarié ne formule pas de demande de prise du repos dans le délai de 2 mois à compter de l’ouverture du droit, il ne perd pas ce dernier. L’employeur doit lui demander de le prendre dans un délai maximum d’1 an. Cette disposition est d’ordre public, en conséquence elle doit s’appliquer également en cas d’accord collectif.
- L’employeur n’a pas informé le salarié de son droit à repos : le fait que le salarié n’ait pas demandé à prendre son repos faute d’avoir été informé peut engager la responsabilité civile et pénale de l’employeur.
— La précision apportée par la décision du 13 mars 2024
Les heures supplémentaires dont le paiement est intégralement remplacé par un repos compensateur ne s’imputent donc pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires. Toutefois, la Cour de cassation précise que ce principe s’applique, à condition que le salarié ait bien pu prendre ce repos compensateur.
Dans cette affaire, un salarié a été licencié à la suite du placement de son entreprise en redressement judiciaire et n’a pas pu bénéficier de tous ses repos compensateurs de remplacement (RCR).
La question tranchée par la Cour de cassation était la suivante : les heures supplémentaires du salarié, qui ouvraient droit à un RCR, devaient-elles ou non s’imputer sur le contingent annuel d’heures supplémentaires dans la mesure où le salarié n’avait pas pu bénéficier de ce RCR ?
Elle précise que seules les heures supplémentaires qui ont effectivement été intégralement compensées par la prise d’un repos compensateur équivalent ne s’imputent pas sur le contingent d’heures supplémentaires.
Or, le salarié n’avait pas été mis en mesure de bénéficier d’un RCR équivalent aux 4 premières heures supplémentaires accomplies et ces heures devaient donc être intégrées au contingent annuel d’heures supplémentaires applicable.
Source : Cass. Soc. 13 mars 2024, n° 22-11708