En général, l’été sonne le temps des vacances pour tous; politiques inclus. Tous ? Sauf les élus qui veulent encadrer l’univers des meublés, accuusés – pour certains – de faire obstacle au logement permanent et, pour d’autres, de créer une concurrence déloyale de plus en plus forte avec les hébergeurs professionnels que sont les hôtels, les maisons d’hôtes, les campings, etc … Pour les élus et les syndicats, réunis cette semaine, c’est un “tsunami silencieux” qui se prépare …
L’été sera chaud … pour les loueurs de meublés. Car, a priori, la pression ne sera pas relâchée pour que, dès la rentrée, des dispositions plus restrictives soient discutées et votées afin d’encadrer leur propagation. Car, selon les termes des élus et des professionnels qui prennent de plus en plus position sur le sujet, il y a urgence !
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Pas contre les meublés … s’ils sont sujets aux mêmes “contraintes”
“Nous ne sommes pas contre les locations touristiques de courte durée …” a affirmé, la semaine dernière Véronique Siegel, la présidente de l’Umih Hôtellerie, le principal syndicat hôtelier de France. Entourée de ses homologues locaux et du maire de La Rochelle (un entrepreneur mondialement reconnu qui ne prône pourtant pas le contrôle aboslu de l’économie), la représentante nationale a précisé que les membres de son syndicat veulent “juste que les règles soient les mêmes pour tous”.
Et de préciser que, dans l’univers des locations de meublés, tous les opérateurs ne se ressemblent pas. Selon elle, et les élus qui l’entouraient ce mercredi à La Rochelle: “Nous faisons face aujourd’hui à de véritables sociétés qui exercent le métier d’hôtelier sans en avoir les contraintes”. En clair, une part croissante soit de propriétaires multi-sites (souvent des profils de “gros” investisseurs locatifs), soit des entreprises de gestion de meublés (aussi appelés Rental Property Managers ou Conciergeries) qui sont, également, dans la cible des syndicats d’agents immobiliers.
Pour parvenir à une meilleure équité, le syndicat hôtelier propose que “tous les meublés soient enregistrés et que les propriétaires aient les mêmes obligations que nous notamment en ce qui concerne les normes incendies, qu’il y ait un rééquilibrage fiscal et que les maires puissent avoir la main sur la régulation, par exemple pour limiter les nuitées”. Bref, une série de propositions qui rejoint celles formulées par les 4 députés à l’origine de la proposition transpartisane de loi sur la régulation des meublés touristiques (voir notre article).
L’un des points importants, notamment, est de donner le pouvoir aux maires de fixer le “volume” maximal de nuitées qu’un propriétaire pourrait proposer à la location (toutes plateformes de distribution et toute vente directe incluses) sur une année, en particulier. Cet axe satisfait élus et syndicats professionnels qui voient là un arme efficace pour mieux réguler le marché. Mais, pas sûr que l’Europe y consente dans l’esprit de liberté qui confère à chacun le droit d’user de son patrimoine comme il l’entend … De ce point de vue, les oppositions (de propriétaires) commencent à poindre et à diffuser cette “petite musique” à l’échelle européenne … avec le soutien (discret, pour l’heure) des plateformes de distribution.
Un cadre légal discuté à la rentrée
“La tournée d’été des élus et syndicats” ne risque donc pas de s’essouffler dans la mesure où les professionnels veulent obtenir – dès cette rentrée – une discussion parlementaire concrète et définitive sur le sujet.
Ces derniers s’accordent à revendiquer la mise en délibération d’au moins 7 revendications:
- La suppression de la niche fiscale dont bénéficient les locations saisonnières de meublés touristiques de courte durée en supprimant, notamment, les abattements fiscaux,
- Une réforme de la fiscalité portant sur les résidences secondaires afin de favoriser la mise de biens sur le marché de la location longue durée et de lutter contre la spéculation immobilière,
- L’interdiction de la location de passoires thermiques via les plateformes touristiques. Lors de la conférence de presse de ce mercredi, élus et syndicats se sont même accordés sur le fait *”d’imposer le DPE (Diagnostic de Performance Energétique) à tout bâtiment, sans oublier ceux qui sont destinés à la location saisonnière,
- Mettre en œuvre un “agrément meublé de courte durée” pour l’ensemble des locations saisonnières proposées sur une plateforme numérique. L’agrément, délivré par un organisme extérieur, permettrait notamment de certifier l’existence et la conformité du logement à un usage locatif de courte durée. Dans la même veine, les élus estiment que les maires, pour optimiser leurs contrôles, devront pouvoir obtenir les numéros d’identification des meublés et les changements d’usage et, qu’en matière de plan local d’urbanisme, il leur soit possible d’attribuer un usage précis à un terrain … et donc, d’en exclure une activité en particulier, comme la location saisonnière.
- Réduire à 90 le nombre de nuitées autorisées pour la location de sa résidence principale, au lieu de 120 nuitées actuellement, et étendre cette interdiction aux résidences secondaires,
- Et, dans cette optique, d’accroître l’autonomie de régulation pour les collectivités en leur donnant “les moyens d’exiger les documents nécessaires pour vérifier les demandes de changement d’usage ou être libérées de la contrainte de prouver l’usage d’habitation de tous les immeubles à la date de 1970 lors d’un contrôle”,
- Enfin, la proposition de loi vise à “renforcer la lutte contre les pratiques frauduleuses pour favoriser l’accès au logement et lutter contre l’augmentation des prix en zones tendues. Les baux mobilités illégaux, les congés pour vente abusifs, les fausses déclarations sur les typologies des résidences et sur l’activité des locations touristiques participent à la crise du logement”,
Plus de pouvoir aux “locaux”
Pour illustrer la nécessité de donner plus de latitude aux élus des destinations où la location saisonnière perturbe plus l’écosystème immobilier qu’ailleurs, les représentants de l’UMIH et les députés à l’origine de la proposition avaient réunis les maires de La Rochelle et de Saint-Malo qui ont déjà pris des mesures originales en la matière.
La Rochelle a, par exemple, tenté des solutions de compensation entre l’ouverture de meublés supplémentaires: dans cette ville, les locations touristiques auraient augmenté de 150 % (6000 hébergements à ce jour sur la totalité de l’agglomération). Depuis le 1er juin de cette année, une nouvelle réglementation locale n’autorise la location de meublés de tourisme qu’aux logements de plus de 35 m², et dans la limite d’un logement par propriétaire, que l’on soit une personne physique ou morale. Une nouveauté saluée par les syndicats professionnels dès lors qu’il s’agit de la première agglomération à étendre ces mesures à des personnes “morales”, c’est-à-dire, des sociétés; justement, celles qui progressent le plus sur ce marché.
Cependant, ==les propriétaires de biens situés dans les zones “tendues” pourront bénéficier d’un système de compensation qui les autorise, par exemple, à acheter un local (bureau, garage…) sur La Rochelle et de le transformer en habitation destinée à la location de longue durée. En échange, le propriétaire pourra dédier un logement uniquement à la location touristique. Le Pays basque et Les Sables d’Olonne ont pris des mesures du même tonneau et proposent, aussi, des manœuvres compensatoires ou des quotas.
À Saint-Malo, le dispositif “anti-locations-saisonnières” s’appuie sur une mécanique de quotas. Selon le quartier, la ville n’autorise qu’un faible pourcentage de biens pouvant accueillir des touristes sur des séjours de courte durée (de 6,5% des biens à 12,50 selon les quartiers, voir ci-dessous).
Dans les deux cas, La Rochelle et Saint Malo, des propriétaires ou des promoteurs ont attaqué en justice les réglements et des décisions importantes sont encore en attente. L’avenir dira donc si les municipalités ont le droit – en l’absence de loi précise – de prendre ce genre de mesures conservatoires; mais la tendance (avec un texte définitif à l’automne) pourrait leur donner raison.
Une seule voix
Pour les syndicats et les élus présents, sans régulation du phénomène, les professionnels et les collectivités se trouvent confrontés à un “tsunami silencieux” a conclu Julien Bayou, député ELLV, et l’un des signataires de la proposition de loi transpartisane.
Face à ce phénomène qui prend une ampleur exponentielle, les élus affirment obtenir de l’Assemblée que la loi soit présentée et votée à l’automne prochain. Compte tenu du soutien manifeste des élus locaux, elle ne devrait pas rencontrer, par ailleurs, d’obstacle majeur auprès du Sénat.
A priori, donc, l’été 2024 risque de se préparer dans un contexte de plus forte restriction pour les locations de courte durée …