Serait-il temps de révolutionner notre façon de diriger ? Quel est le sens de l’évolution des attentes des employés et de la quête de détermination grandissante de la jeune génération pour les personnes chargées de diriger et motiver les groupes de travail.
Les modèles de leadership d’aujourd’hui ont besoin d’être éclairés par des valeurs, systèmes et critères nouveaux pour réinventer le véritable fondement des piliers du succès : le capital humain. En écho à l’article du Dr Stefano Borzillo, Reinventing leadership styles in the Hospitality Industry, cette rubrique se concentre sur les moyens de développer des compétences douces en leadership permettant d’inspirer une mobilisation, une loyauté et une productivité accrues et d’améliorer les performances globales de l’entreprise. En fin de compte, cet article démontre que disposer de l’ensemble de compétences approprié au niveau de la direction produit une culture d’entreprise centrée sur l’humain.
“La culture mange de la stratégie au petit déjeuner” |
Valeurs humaines et culture d’entreprise positive
La culture, la culture, la culture !
Il y a quelques décennies, les entreprises hôtelières ont commencé à adopter un slogan du monde de l’immobilier : l’emplacement, l’emplacement, l’emplacement ! S’installer au bon endroit était considéré comme l’un des principaux facteurs de réussite d’une entreprise hôtelière. Aujourd’hui, j’aimerais réinventer le slogan en le transformant tout simplement en “la culture, la culture, la culture !”
Pourquoi ?
Parce que modifier les attitudes à l’égard de l’attractivité de notre industrie et de ses styles de leadership incitera une nouvelle génération de travailleurs à rejoindre ce secteur et à y rester. L’avantage concurrentiel réside dans la communication et la mise en œuvre d’une culture de travail axée sur les employés.
Le paysage post-Covid dans lequel nous nous trouvons est peuplé de nouvelles attentes d’employés qui réclament, à juste titre, une approche plus centrée sur l’humain. Comme le déclarait le Dr Borzillo “Il est temps d’étendre la raison d’être des organisations liées à l’hospitalité au-delà des simples critères financiers”, puisque les modèles de leadership traditionnels, centrés uniquement sur les marges bénéficiaires au détriment de l’investissement dans le capital humain, ne seront pas en mesure d’attirer et de fidéliser un bassin de talents axé sur la longévité, la productivité et le succès. Développer des modèles de leadership centrés sur des employés qui promeuvent les valeurs humaines et une culture d’entreprise positive est le premier échelon à gravir pour réinventer les nouveaux paradigmes dont l’hospitalité a tant besoin.
Une culture qui reflète l’évolution des attentes des employés
On pourrait soutenir que la culture et les modèles de leadership traditionnels d’après-guerre n’avaient jamais été menacés avant la survenue de la pandémie de Covid et sa remise en question d’un système hiérarchisé obsolète. En revanche, les exigences de travail modernes reflètent le besoin de valeurs humaines fondamentales et, de plus, la numérisation omniprésente de notre société n’a fait que renforcer le besoin de focalisation sur l’humain, d’interactions authentiques et d’un sentiment d’appartenance.
La dynamique de l’entreprise a changé et, aujourd’hui, je constate que les attentes des employés comprennent désormais :
- des horaires de travail décents avec une possible flexibilité,
- des programmes de formation et de perfectionnement des employés,
- un travail axé sur les objectifs avec des parcours de carrière clairs,
- une place pour la voix, l’appropriation et la créativité des employés,
- l’ouverture à de nouvelles façons de penser et de fonctionner,
- des modèles de leadership humain et empathique,
- une culture d’entreprise solidaire et inclusive.
Construire une culture d’entreprise forte est le fondement sur lequel ces attentes peuvent évoluer ; par conséquent, cela implique bien plus qu’un rapport de responsabilité sociale d’entreprise avec objectif publicitaire. La culture doit être alignée et communiquée clairement entre les dirigeants, les employés et les consommateurs finaux – en bref, toutes les parties prenantes. Mais plus important encore, elle doit être construite en gardant à l’esprit une certaine méthodologie qui garantit la crédibilité, la faisabilité et la mesurabilité. Pour moi, les questions importantes qui doivent être posées sont les suivantes :
- Comment se crée l’identité culturelle? (Quels principes souhaiteriez-vous instaurer pour régir votre culture d’entreprise ? Il peut s’agir de croissance, d’autonomisation, d’inclusion et de diversité des employés, etc.)
- Comment former vos dirigeants aux compétences humaines afin de montrer l’exemple et de diffuser la culture d’entreprise souhaitée ?
- Comment mesurez-vous le succès de votre culture d’entreprise ? (Définir le succès, développer des outils pour mesurer l’écart et le gain et partager les résultats.)
Les avantages de la création d’une culture d’entreprise forte devraient être les moteurs de ce changement de paradigme. L’engagement des employés, stimulé par un plan de croissance, un état d’esprit d’innovation, des horaires équitables, de l’autonomisation et de la transparence – c’est ainsi qu’aujourd’hui les entreprises se différencient sur le marché et se positionnent comme des lieux de travail attrayants et avant-gardistes où les talents veulent rester et s’épanouir.
La culture centrée sur les employés a un impact sur les résultats, en créant un cercle vertueux où les travailleurs engagés produisent de meilleurs résultats, entraînant ainsi la satisfaction des clients et une plus grande productivité des entreprises. Pour citer Simon Sinek dont la popularité ne s’est jamais démentie,
“Des employés heureux font des clients heureux.Et des clients heureux font des actionnaires heureux –dans cet ordre” |
Smart compétences en leadership
Une culture organisationnelle forte repose en grande partie sur les dirigeants qui comprennent l’importance de prêcher par l’exemple : les dirigeants émotionnellement intelligents doivent adapter leur style de leadership à chacun de leurs employés, sous la forme d’un dialogue co-créé en fonction de leurs différentes personnalités, compétences et aspirations. Comme l’explique le Dr Borzillo, cet espace de sécurité psychologique permet à chaque employé d’adhérer aux valeurs et aux objectifs de l’entreprise, devenant ainsi des acteurs engagés, loyaux et créatifs du changement dans un environnement de travail favorable. Cela nécessite un état d’esprit spécifiquement agile et souple qui privilégie des qualités telles que l’humilité, l’écoute active, l’empathie et l’adaptabilité, permettant aux employés de pouvoir “être eux-mêmes” sur le lieu de travail.
Ces “compétences intelligentes” sont aussi essentielles au succès des résultats commerciaux que de savoir gérer un compte de résultat ou conclure un accord lucratif. Étant donné que le capital humain (c’est-à-dire les personnes) est une variable profondément complexe, il est important que les dirigeants soient formés à la communication efficace, à l’intelligence émotionnelle et aux incitations motivationnelles pour tirer le meilleur parti des équipes.
“Il s’agit de développer des compétences en leadership et une sensibilité centrée sur l’humain, au-delà d’une focalisation pure sur les connaissances commerciales. L’acquisition de ces compétences aidera les dirigeants à conduire le changement, à s’adapter en permanence, à constituer des équipes, à être agiles, à promouvoir une culture organisationnelle positive et à naviguer dans un avenir incertain. L’idée de collectivité est appelée à devenir un facteur essentiel de succès. Votre façon de partager le succès et votre agilité, en ces temps de plus en plus incertains, dépendent de la qualité de vos relations avec vos équipes.” Dr Achim Schmitt, professeur titulaire et doyen de la Graduate School de l’EHL.
Compétences assimilables ayant fait leurs preuves
Des études récentes soulignent que l’élaboration de compétences douces est devenue une priorité absolue pour les chefs d’entreprise en 2023. Des recherches menées aux États-Unis dans 22 secteurs industriels ont révélé que les compétences douces étaient les qualifications les plus recherchées pour 91 % des emplois de direction. Selon une enquête, 76 % des employés pensent qu’une organisation empathique suscite une motivation accrue des employés. Forbes affirme que l’élaboration de compétences douces est essentielle pour pérenniser une carrière, énumérant ainsi la durabilité, la résilience et la productivité pour expliquer leur place prépondérante, plus encore que les compétences techniques, dans l’environnement de travail d’aujourd’hui.
Ces qualités “intelligentes” sont profondément assimilables, praticables et hautement transférables dans tous les types d’industrie qui reposent sur un échange de services à la clientèle (santé, banque, immobilier, luxe pour n’en citer que quelques-uns). En fait, une culture d’entreprise motivée investit dans les compétences en leadership de ses employés et construit une stratégie fondée sur les compétences, alignée sur ses objectifs commerciaux, où les opportunités de croissance sont identifiées et encouragées.
La Graduate School de l’EHL accueille des chefs d’entreprise issus d’une multitude de secteurs industriels non seulement pour transmettre les compétences de l’IE associées à l’excellence hôtelière, mais surtout de nouvelles attitudes vis-à-vis des approches centrées sur les employés telles que le leadership de service (selon lequel les dirigeants “doivent incarner les valeurs de l’organisation et donner l’exemple pour faire émerger les comportements qui donneront vie à la culture organisationnelle de manière réelle et profonde”, selon le Dr Borzillo, le leadership transformationnel et les compétences humaines. Bien que ces approches soient pratiquées tous les jours, dans chaque interaction, les dirigeants peuvent s’entraîner à les mettre en œuvre spécifiquement lors d’événements de plus grande importance tels que des entretiens d’embauche ou des conversations formelles d’évaluation du rendement.
L’avenir est humain
À une époque où la question de la domination de l’IA s’accompagne de divers avantages et inconvénients ambigus, je pense que c’est en exploitant ces compétences humaines intelligentes que nous pourrons créer des carrières à l’épreuve de l’IA. Se soucier véritablement du personnel est le nouveau prérequis indispensable pour les managers d’aujourd’hui qui pratiquent un leadership centré sur l’humain. S’appuyer uniquement sur les technologies numériques pour créer un avantage concurrentiel n’est pas la formule magique du succès commercial futur. La connexion numérique est indéniablement un outil capital, mais – à cause d’elle et non malgré elle – la connexion humaine règne finalement, puisque l’humain reste le plus grand capital d’une entreprise.