Les prix qui font le yo-yo (comme en ce moment, sur Paris, à l’approche des JO) interpellent de nombreux voyageurs qui ont compris qu’il leur faut jongler entre différents sites, différentes dates … voire même en réservant une fois, avant d’annuler, puis de re-réserver lorsque les mêmes prix ont baissé … Bref, si les prix dynamiques n’ont presque pas de secrets pour eux, leur perception peut varier d’un pays à l’autre tandis qu’en France près d’un français sur deux les juges fair du point de vue de la relation commerciale …
Selon la dernière étude YouGov conduite dans plus de 17 pays émetteurs de voyageurs, la pratique des prix dynamiques dans laquelle excellent les hôtels est jugée unfair – inéquitable, en bon français – par 46% des voyageurs.En France, ce côté inéquitable est carrément sanctionné par 55% des voyageurs hexagonaux (soit 9 points de plus) !
Pour les français (certes, nous sommes toujours aussi râleurs …), les prix qui changent tout le temps constituraient donc un “enfer” pour faire leur (bon) choix d’hôtel: paient-ils le bon prix ? doivent-ils changer de moment de réserver ? ne découvriront-ils pas, une fois arrivés sur place, que d’autres clients ont payé moins cher ?
Cependant, à lire cette étude mondiale, les français ont une dent encore plus dure vis-à-vis des prix volatiles pratiqués dans les trains; certainement, le sentiment que “leur compagnie nationale” ne devrait pas se comporter vis-à-vis d’eux comme s’ils lui étaient des clients (et des contributeurs) inconnus… Si les prix dynamiques sont jugés unfair” par 55% des français dans l’hotellerie, ils sont quand même 59% à juger plus durement leur existence dans l’univers du TGV, des intercités et des autres OuiGo.
Dans l’univers de l’aérien, en revanche, la tolérance serait plus de mise même si 56% des français les juges “déplacés”.
Si les compagnies aériennes bénéficient d’une plus grande tolérance, c’est surtout parce que ce sont elles qui, dans les années 70, ont inventé le principe du yield management (soit la science d’adapter en temps réel le bon prix aux bons clients au bon moment): ==les voyageurs sont donc “biberonnés” aux prix dynamiques des compagnies aériennes depuis plus de 50 ans maintenant …
Dans l’univers de l’hébergement, l’adoption de cette méthode redoutable (et vitale !) pour optimiser les revenus et les remplissages des hébergeurs n’est arrivée que plus tard (dans les années 80 puisque, auparavant, on ne raisonnait souvent qu’en basse, moyenne et haute saison)et, force est de constater, que cette culture s’est intensifiée sous l’effet de la concurrence amplifiée par l’émergence des OTAs: depuis quelques années, en effet, difficile de rester concurrentiel sur Booking ou Airbnb sans adapter ses tarifs journaliers en fonction de son taux de remplissage, de la demande des clients ou encore du positionnement de ses concurrents locaux.
Dans les autres pays scrutés par YouGov, les niveaux de perception des prix dynamiques – dans leur dimension “équitable” ou non – peuvent varier dans des écarts considérables par rapport à la France ou à d’autres pays occidentaux comme l’Espagne, l’Allemagne ou l’Angleterre. En Asie, par exemple, les voyageurs considèrent que la pratique chez les hôteliers est équitable pour 63% à 65% d’entre eux entre Hong-Kong et Singapour … tandis que les canadiens, les anglais, les espagnols et les français se situent à un niveau au moins inférieur de 10 points ! De quoi considérer que nous serions irréversiblement intolérants à cette pratique désormais courante ?.. En réalité, ce n’est pas tant le concept qui est critiqué (et jugé inéquitable) mais plutôt son application pratique …
Faut-il calmer le jeu ?
La pratique des prix dynamiques (ou du yield) est désormais irréversible dans l’univers du tourisme car elle est vitale pour bien des acteurs que ce soit dans l’univers du train, de l’avion … et de l’hébergement au sens très large du terme puisque des loueurs de meublés indépendants s’y sont aussi largement mis ces derniers mois. Et pour cause !
Dans nos pays rompus au tourisme depuis (quasiment) des siècles, la concurrence bat son plein et c’est aussi, dans nos pays, qu’ont émergé les premiers les principaux OTAs de la planète. Dès lors, la concurrence joue à plein régime et les hébergeurs n’ont pas beaucoup d’autres leviers pour gagner la guerre du REVPAR (Revenu Par Chambre) et donc, de la rentabilité.
Après avoir travaillé sa visibilité (sur Google, les OTAs, son propre site et les réseaux sociaux), puis sa e-reputation (qui influence près de 8 réservations sur 10), les prix reste tout de même le levier final le plus décisif. Aussi, lorsque l’on a – non sans mal – maîtrisé les deux premiers paramètres (visibilité et e-reputation), une stratégie tarifaire trop figée (basse, moyenne, haute ou des prix qui ne varient pas) peut “plomber” les volumes de réservation car les voyageurs n’y trouvent pas leur compte.
La tarification dynamique ne consiste pas juste à baisser ou monter ses prix en fonction de l’offre et de la demande: elle consiste à adapter une gamme en fonction de plusieurs profils de voyageurs (familles, couples, affaires, etc) qui ne réservent pas tous de la même manière, au même moment et selon les mêmes critères de décision. Ne pas proposer de tarification dynamique (et/ou personnalisée à ces profils) reviendrait donc à considérer que vous ne devez attirer qu’un seul profil de voyageurs; ce qui est littéralement faux. Dans le cas où un hébergeur s’obstinerait dans cette voie, la sanction économique n’en serait que plus immédiate car les voyageurs – même s’ils trouvent la pratique quelquefois excessive – considèrent encore plus “irritant” de ne pas se voir proposer un choix plus large de prix et d’options de réservation; ce que l’on appelle aussi l’agilité tarifaire.
Bref, jamais comme dans le voyage en ligne, cette notion n’a eu autant de prégnance (le monde des biens “physiques” vendus en ligne est moins familier de cette pratique et se contente de soldes, de ventes privées et de black fridays … Cependant, même si le consommateur ne trouve réellement son compte dans aucune des pratiques (la “figée” ou la “dynamique”), il est évident que les “jeunes pays touristiques” donnent une tendance de ce qui va l’emporter et qui finit par être toléré au titre des avantages économiques (apparents ou réels) qu’ils en tirent; c’est-à-dire, la tarification dynamique.