Il y a quelques semaines, lors d’un voyage d’affaires à Majorque, je me suis retrouvé dans un café avec l’intention de commander un espresso au lait pour le petit-déjeuner. Cependant, cette tâche s’est révélée plus complexe que prévu. Le menu était entièrement en allemand, et lorsque j’ai demandé de l’aide à la serveuse, elle n’a pas non plus réussi à me comprendre. Cette expérience m’a poussé à me questionner : Est-ce la bonne stratégie ?
Le modèle « business as usual » est-il vraiment rentable ?
L’Espagne est renommée pour être l’une des destinations touristiques les plus prisées au monde. Selon Turespaña, elle se classe au troisième rang mondial en termes de nombre de touristes annuels, juste après la France et les États-Unis. Bien que l’objectif principal du secteur soit d’attirer des touristes et de maximiser la rentabilité des entreprises, il est crucial de comprendre et de gérer la façon dont cette croissance se réalise.
Traditionnellement, le volume de visiteurs a été vu comme la principale méthode pour remplir les établissements et générer des revenus, une approche ancrée depuis le boom touristique des années 60. Ce modèle, bien que financièrement fructueux, est difficile à abandonner aujourd’hui. Toutefois, cela soulève une question essentielle : à quel coût ?
Le principal objectif d’une entreprise est simple : générer des profits. Cependant, après des années de dépendance à une même stratégie, certaines destinations se sont transformées sans s’en apercevoir, rendant toute reconversion beaucoup plus complexe. Dans une quête incessante de records, les destinations ont cherché à surpasser les chiffres de visiteurs, d’arrivées et de lits occupés, année après année, jusqu’à atteindre des seuils critiques souvent signalés par les résidents eux-mêmes. En Espagne, toutes les villes ne reçoivent pas le même type de tourisme, et dans certaines régions, le volume et la qualité des visiteurs peuvent impacter leur rentabilité.
La forte demande a poussé à l’adaptation des services traditionnels vers des solutions davantage axées sur la durabilité économique et sociale de chaque localité. Après la pandémie, avec l’amélioration de la situation, la demande touristique a augmenté de manière exponentielle, surpassant les niveaux d’avant 2020. Pourtant, il est essentiel de reconnaître que cette demande pourrait devenir ingérable, remettant ainsi en question le modèle basé sur le volume. Cela nous contraint à accueillir les touristes avec plus de prudence, en choisissant les options les plus rentables et les mesures de soutien nécessaires pour une gestion durable.
Sommes-nous contraints de changer ?
Maintenir un équilibre entre le développement en tant que destination touristique et la durabilité est une tâche complexe. Aujourd’hui, de nombreuses nouvelles destinations émergent et réussissent à se faire connaître en se démarquant, tout en évitant la surpopulation.
1) Les touristes à la recherche de destination plus paisible
Il semble que les touristes recherchent de plus en plus des destinations moins surchargées, où ils peuvent coexister harmonieusement avec les autres visiteurs et les habitants locaux. Qu’observons-nous ici ? Ces destinations émergentes disposent d’opportunités pour une gestion optimale, leur permettant de définir le type de tourisme qu’elles souhaitent attirer, en évitant les erreurs qui ont conduit à la surpopulation ailleurs. Les habitudes des voyageurs ont évolué, et il est possible de s’adapter à ces changements tout en assurant une rentabilité durable.
Les destinations déjà touchées par la surpopulation doivent parcourir un chemin plus ardu pour réussir leur transformation. Selon Juan Antonio Amengual, président de l’AMT Sol y Playa et maire de Calviá, des localités comme la sienne, ainsi que Salou ou Torremolinos, en sont des exemples frappants. Fortes de leur vaste expérience accumulée au fil des ans, ces villes doivent viser une amélioration continue pour diversifier leur offre.
Rosana Morillo, ancienne secrétaire d’État au Tourisme, souligne que « Les zones touristiques matures nécessitent des investissements considérables, tant publics que privés, pour se transformer, et cela ne se fait pas à court terme. »
2) Les fonds Next Generation
Le Plan de Modernisation et de Compétitivité du secteur touristique (2021-2023) disposait d’une enveloppe de 3,4 milliards d’euros provenant des fonds Next Generation, principalement destinés aux établissements de bord de mer en raison de leur fort volume de touristes. Cette aide a fait l’objet de plusieurs critiques de la part de personnalités du secteur comme Juan Molas, président du Conseil d’Administration et du Bureau du Tourisme, ou Rafael Estalella, secrétaire général de la Confédération Espagnole des Hôtels et Hébergements Touristiques (CEHAT). Ils ont affirmé que l’investissement était insuffisant, car ce sont les petites entreprises, majoritairement représentées dans ce secteur, qui en ont le plus besoin. Ils signalent que bien que toute aide soit la bienvenue, une grande opportunité d’amélioration pourrait être perdue.
Tous s’accordent sur la nécessité d’un plan global qui inclut chaque acteur du secteur touristique et investisse dans des éléments réellement prioritaires. Comme nous l’avons mentionné, chaque destination est différente avec une demande spécifique. Il est donc essentiel de l’analyser et de définir quel type de tourisme on souhaite attirer avant de moderniser et de repositionner. Il faut avoir une vision claire des objectifs à atteindre pour garantir la durabilité sociale, économique et environnementale de chaque lieu.
L’investissement privé est un élément clé de ce projet, comme l’illustre le cas de Magaluf. Juan Antonio Amengual, président de Calvià, explique que c’est Meliá qui a initié ce changement, et d’autres grandes entreprises ont suivi, démontrant que la coopération entre l’administration et le secteur privé peut transformer une destination.
Les entreprises sont implantées dans des destinations, et les destinations ont besoin des entreprises. Ainsi, le maintien équilibré des deux garantira une expérience positive pour les touristes.
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Écrit par Roser Ruiz
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