S’il est un secteur qui peine à se lancer dans le Revenue Management, c’est bien la restauration. Pourtant, à première vue, les restaurants semblent parfaitement éligibles à cette pratique qui s’est largement déployée dans l’industrie du loisir (transport, hébergement, billetterie…). Qu’en est-il ? Quels sont les freins ? Le secteur est-il moins éligible qu’il n’y parait ? Quels seraient les leviers à déployer ? Dans un marché en souffrance, impacté de plein fouet par la hausse des coûts, le sujet du Yield peut rapidement devenir critique.
D’ailleurs, le RM c’est un peu de la cuisine. Son vocabulaire peut largement être emprunté à celui de la restauration, ce qui va faciliter les éléments de langage.
La restauration, un secteur rempli de potentiel
D’abord, tous les ingrédients sont là : stock limité, demande fluctuante et saisonnalisée, processus de réservation, variété d’offres. Les facteurs d’éligibilité à la pratique du Yield ne manquent pas. Mais il y a malgré tout quelques cheveux sur la soupe : la part de réservation reste relativement faible (comme sur les parkings, les salons de coiffure ou certaines enceintes sportives) et la pratique du pricing dynamique limitée (on ne va pas vendre plus cher le dernier suprême de poulet).
A contrario, le cadre général qu’offre la restauration permet d’envisager des leviers supplémentaires inconcevables dans d’autres industries. Par exemple la capacité modulaire des tables pour éviter les sièges vides, ou la capacité à jouer sur l’amplitude horaire. Ces leviers n’existent quasiment pas dans l’aérien et peu dans l’hôtellerie, mise à part les chambres communicantes ou les rideaux mobiles sur le Moyen Courrier.
Tous ces éléments de contexte sectoriel rendent possible la pratique du RM dans la restauration, avec une déclinaison des leviers Yield finalement assez proches de ce que l’on connaît par ailleurs. Raison pour laquelle un certain nombre d’opérateurs ont déjà recours à cette pratique et que des confrères comme Revenue Management Solution ou Flynt se sont déjà emparés du sujet pour leur offrir des solutions.
Parmi les leviers, au menu ou à la carte, nous pouvons citer :
- D’abord bien-sûr, le travail de fond sur le positionnement tarifaire suite à l’analyse du spill/spoilage : un restaurant régulièrement complet et en refus de clients doit augmenter ses prix, c’est du yield de base. De la même manière qu’une multiplication d’offres spéciales de dernière minute pour remplir est signe d’un positionnement initial trop élevé. C’est le fond de sauce ;
- La facturation des no-shows qui tend à se développer. On prend une empreinte bancaire et on facture le malotru lorsqu’il n’honore pas sa réservation ;
- L’incitation à la réservation avec des remises Early Booking ou Happy Hour à certaines heures et certains jours de semaine. Cela permet d’anticiper l’optimisation des plans de table, notamment quand les convives sont de nombre impair ;
- Les menus thématiques type Noël, Saint Valentin… et même l’absence de menu sur des jours spécifiques ;
- L’optimisation du mix produit, avec des produits packagés (les menus Dégustations par exemple, pour sécuriser le panier moyen) ;
- La politique d’Add-on, avec le café ou le digestif, jamais inclus dans les menus et à forte marge.
La sauce commence à prendre…
- L’optimisation du mix Distribution, grâce à des prévisions d’occupation permettant de définir les bons quotas et les bonnes offres à donner aux acteurs commissionnés (type TheFork) ;
- L’optimisation du mix table (avec le « nous sommes complets » pour les clients seuls ou à deux lorsqu’il ne reste que des tables de 4) ;
- La multiplication des revenus annexes (offre traiteur, bons cadeaux, click & collect…) ;
- Les mises en avant qui permettent, après analyse de contribution, de donner des consignes en salle pour promouvoir les produits / menus à forte marge ;
- La valorisation des emplacements, comme sur les campings. Le restaurant panoramique Sphère en haut de la TV Tower de Berlin, fait payer plus cher le menu à côté des fenêtres là où les vues sont les plus dégagées ;
- Et, cerise sur le gâteau, des offres de fidélisation (proposées par exemple par Airtag ou Avomark) ;
En bref, une liste non exhaustive de leviers qui confère un beau terrain de jeu pour un Revenue Manager. Lui aussi d’ailleurs, est un chef. Il doit composer avec ses ingrédients, tester ses recettes tarifaires, les écrire et les reproduire si elles sont bonnes. Et disposer d’un bon matériel et de bons outils. Nous faisons quasiment le même métier…
Et l’un comme l’autre, chacun à notre façon, nous mettons du beurre dans les épinards…