
Et si l’hôtellerie du futur ne se construisait plus sur terre… mais sur l’eau ?
Depuis des années, une autre forme d’hospitalité émerge : celle des palaces flottants, où l’art de recevoir rencontre l’art de naviguer.
Derrière ces expériences d’exception, il y a des hommes et des femmes capables d’appliquer les codes du luxe dans les conditions les plus exigeantes : le mouvement, les éléments, la mer tout simplement.
Parmi eux, Florent Kuhry, Vice-Président Yacht Hospitality pour Orient Express Sailing Yachts, le futur voilier hybride le plus grand du monde.
Passé par l’école hôtelière à Strasbourg, voilà des années que Florent a pris la mer.
Aujourd’hui, il abandonne son mat pour prendre la parole à mon antenne.
Accrochez-vous pour découvrir l’histoire de la marque mythique, de 1883 aux palaces flottants d’aujourd’hui, et plongez dans les coulisses de l’Orient Express Corinthian :
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Un luxe sans compromis : Avec seulement 54 suites (75 m² en moyenne), une gastronomie signée Yannick Alléno (17 étoiles) et l’expertise en boisson de MOF comme Xavier Tuiza, découvrez comment ces « marins hôteliers » appliquent les codes du Palace en pleine mer.
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Innovation et écologie : Comprenez pourquoi le Corinthian, le plus gros objet flottant capable d’avancer par la force du vent, vise à émettre le moins de CO2 possible grâce au slow travel et à la propulsion vélique.
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L’expérience unique : Plus qu’une croisière, c’est un mode de voyage où l’on se déplace sans défaire ses valises, offrant une proximité rare avec l’équipage, comparable à un resort isolé.
Florent nous invite à franchir le cap et à naviguer vers une expérience hors du commun, à bord du luxe du futur !
1. La genèse : du wagon-lit à l’hôtel flottant
L’histoire de l’Orient-Express est aussi riche que longue. La marque voit le jour en 1883, créée par le Belge George Negmacker qui ramène en Europe le concept des voitures-lits américaines, fondant ainsi la Compagnie Internationale des Wagons-Lits (CIWL). La ligne la plus célèbre fut celle reliant Paris à Istanbul, donnant son nom au train légendaire.
Cependant, l’arrivée de l’avion et l’évolution des modes de voyage mirent un terme aux grandes lignes dans les années 1970. La SNCF racheta la compagnie pour la préserver au patrimoine national.
Ce n’est que des décennies plus tard que le groupe Accor, sous l’impulsion de Sébastien Bazin, rachète la marque Orient-Express. Le groupe a d’abord entrepris de faire revivre l’héritage ferroviaire (avec la rénovation de 32 voitures historiques retrouvées entre la Pologne et la Biélorussie). Il a également étendu la marque à l’hôtellerie terrestre, visant à recréer une continuité de voyage (avec l’ouverture d’hôtels comme La Minerva à Rome et bientôt le Palazo Don Giovanelli à Venise).
Le tournant maritime : L’arrivée des hôteliers terrestres sur les mers est une tendance récente. Des groupes comme Ritz-Carlton, Four Seasons, et Aman ont décidé de construire leurs propres navires pour garder leurs clients dans leur écosystème. Accor a saisi cette opportunité en se rapprochant des Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire.
Il est à noter que même si Accor détient la marque Orient-Express, LVMH (via la marque Belmont) exploite certains trains historiques comme le Venice Simplon-Orient Express, et est également partenaire actionnaire financier dans le projet Orient-Express voilier.
2. L’Orient-Express Corinthian : un géant des mers
Le projet de voilier, nommé Silences (pour les mers tranquilles) et opéré par Orient Express Sailing Yachts, est le fruit d’une dizaine d’années d’études. La construction physique est rapide : la découpe de la première tôle du navire, le Corinthian, a eu lieu en mars 2024, pour une livraison prévue en avril 2026. Un second modèle identique sera livré en avril 2027.
Des dimensions impressionnantes :
- Le voilier mesurera 220 mètres de long et 25 mètres de large.
- Il sera propulsé par des mâts de 70 mètres de haut, donnant au navire une hauteur totale d’environ 100 mètres.
- Ce sera le plus gros objet flottant du monde (après un iceberg) capable d’avancer par la seule force du vent.
L’hôtellerie Palace à bord : Conçu pour être un navire de petite capacité, il vise un marché de niche.
- Il disposera de 54 suites, avec une surface moyenne très confortable de 75 m².
- La restauration est chapeautée par le Chef Yannick Alléno, le chef le plus étoilé du monde (17 étoiles), gérant les trois restaurants et l’intégralité du room service à bord.
- Le programme de boissons (B) est développé par Xavier Thuizat (Meilleur Ouvrier de France en Somellerie), qui gère le vin, le thé, le café, et le saké. La mixologie et l’offre sans alcool (un point crucial, car une personne sur six ne consomme plus d’alcool) sont développées avec un autre MOF, Maxime Earth.
- Les services incluent un Spa Guerlain, avec un salon barbier, un salon de coiffure, et une zone humide complète (sauna, hammam). Une marina se déploie à l’arrière pour les activités nautiques.
3. L’expérience client et les contraintes du marin hôtelier
L’expérience Orient-Express en mer s’inscrit dans l’ADN du slow travel. Elle offre un mode de voyage qui plaît énormément : se déplacer sans avoir à faire et défaire sa valise.
- Capacité et proximité : Le navire accueillera une centaine de clients. Ce faible nombre favorise une proximité unique avec l’équipage, créant une atmosphère comparable à un resort isolé.
- Itinéraires : Le Corinthian naviguera principalement en Méditerranée durant l’été (2026) et dans les Caraïbes durant l’hiver. Les voyages durent en moyenne une semaine (sept nuitées), avec des formats plus courts de trois nuitées testés avec succès.
- Tarifs : Les tarifs débutent à 4 500 € la nuitée. Un voyage de sept jours coûte environ 30 000 € pour une suite standard. La restauration et la majorité des boissons sont incluses (seules les cartes de vins et spiritueux très rares sont payantes).
La vie en mer : Pour le personnel, la navigation impose des contraintes que l’hôtellerie terrestre ignore. L’équipage ne rentre pas à la maison tous les soirs, les rotations durent de cinq à six mois. Surtout, l’hôtel se déplace, et le personnel doit « faire avec les moyens du bord » en logistique.
Les membres d’équipage sont des « marins hôteliers ». Au-delà de leurs fonctions hôtelières (réception, cuisine), chacun a un second rôle de sécurité (pompier, guide d’évacuation) et suit des formations continues. Gérer le roulis est un défi; le navire est équipé de stabilisateurs et d’un système de ballastage (remplir des cuves d’eau pour redresser le navire).
4. Navigation et écologie : vers une sobriété maritime
La question environnementale est au cœur du projet. L’objectif d’Orient Express est de devenir le navire émettant le moins de CO2 pour aller d’un point A à un point B.
- Le slow travel comme vertu : La réduction de la vitesse est un levier écologique majeur. Le navire naviguera à environ 10 nœuds (contre 12 à 15 nœuds, car chaque gain de vitesse entraîne une explosion exponentielle de la consommation).
- Propulsion hybride : Le navire utilise la propulsion vélique (par voile). Bien que l’on n’estime l’utilisation des voiles qu’à 20 à 25 % du temps, cette utilisation est optimisée par un système qui analyse 10 à 15 ans de données météorologiques pour adapter les itinéraires.
- Énergie secondaire : Puisque les voiles ne peuvent pas alimenter les fours ni les ascenseurs, la seconde source d’énergie est le gaz naturel liquéfié (GNL). Bien qu’aucune énergie ne soit parfaitement vertueuse, le GNL est l’option la plus performante actuellement pour émettre moins de carbone qu’un carburant traditionnel.
En prenant cette direction, Orient-Express s’inscrit dans une tendance de fond pour une navigation plus vertueuse, où le système de voile solide développé par les Chantiers de l’Atlantique est déjà en cours de démocratisation, notamment sur des navires de transport de marchandises.
Comme le dit si bien la citation favorite de Florent : « Il y a trois sortes d’hommes. Il y a les vivants, les morts et ceux qui vont en mer. ». L’Orient-Express est prêt à écrire ce nouveau chapitre en pleine mer.
Notes et références
Le bonus de l’épisode
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