
Certains lieux nous obligent à repenser complètement nos offres hôtelières : une cabine en mer, un terminal d’aéroport, ou même un salon d’embarquement peuvent devenir de véritables espaces d’hospitalité.
Mon invitée du jour, Sarah de Werdt, en a fait son terrain de jeu.
Elle a navigué sur les plus beaux navires du monde, participé au lancement du mythique Commandant Charcot au sein de Ponant, et aujourd’hui, elle orchestre l’expérience client sur l’un des lieux les plus complexes de France : l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle.
Entre croisières polaires et halls de départ, elle a su créer du lien là où d’autres ne voient que des flux.
Sarah a participé au lancement du Commandant Charcot, le premier navire de haute exploration polaire hybride électrique propulsé au gaz naturel liquéfié. Ce navire de luxe (123 cabines/suites, 245 passagers maximum) est capable d’atteindre le pôle Nord et dédie plus de 100 m² à la science, en embarquant des chercheurs.
Aujourd’hui, sa mission consiste à transformer l’aéroport, perçu comme une « contrainte qui crée du stress », en un lieu où « la magie du vol commence ». La gestion se fait à une échelle colossale : 30 000 passagers par jour dans le Terminal 1 et 90 000 personnes travaillant sur la plateforme.
La poursuite de l’excellence : du Palace à la croisière
Le parcours de Sarah est un témoignage de sa passion pour l’hôtellerie, un rêve de petite fille entamé dès l’âge de 14 ans. Elle a rapidement posé les bases de son expertise dans les grandes maisons, notamment chez Four Seasons George V à Paris, où elle a découvert le monde du luxe ultime. Là, elle a appris le sens du détail, que « l’impossible est possible » et que le personnel doit être « engagé » pour atteindre ce niveau d’excellence.
Après un passage par l’Australie pour maîtriser l’anglais, où elle a même travaillé deux ans chez Louis Vuitton dans le retail, elle est revenue en France pour l’ouverture du Mandarin Oriental à Paris. Cependant, la pression et le rythme effréné l’ont conduite à un tournant. C’est en regardant un documentaire qu’elle a eu le déclic de se diriger vers l’univers des croisières.
C’est ainsi qu’elle a postulé chez Ponant, un armateur français qu’elle a choisi parce qu’elle se sentait alignée avec ses valeurs de service. Elle n’avait prévu d’y rester que deux ou trois mois, mais y a finalement passé dix ans de sa vie, dont sept en navigation.
Le défi logistique de l’hospitalité polaire
Chez Ponant, Sarah a participé au lancement d’un navire emblématique : le Commandant Charcot. Il s’agit du premier navire de haute exploration polaire hybride électrique propulsé au gaz naturel liquéfié. Ce fleuron, capable d’aller jusqu’au Pôle Nord, n’accueille que 245 passagers dans 123 cabines et suites, offrant des prestations de luxe (suites duplex et panoramiques). De plus, il dédie plus de 100 m² à la science pour embarquer des chercheurs et étudier les régions polaires.
Créer une expérience de luxe sur un navire d’exploration est un challenge constant, notamment en raison des limites logistiques. Contrairement à un hôtel classique, l’équipe est obligée de faire preuve de créativité. Par exemple, le foie gras de Noël doit être pensé et chargé en octobre, car il est impossible de le réapprovisionner dans le Grand Nord.
De plus, l’équipage doit être ultra-organisé pour préserver l’environnement : pour aller en Antarctique, l’entreprise prête les uniformes et les bottes aux passagers pour s’assurer qu’aucune graine ou caillou ne soit transporté, laissant ainsi une terre « le plus vierge possible ».
La vie en mer : un monde à part
La navigation impose des contraintes uniques à l’équipage. Le navire est une « ville dans une ville » en petit format. Le personnel (souvent sur des contrats de 70 heures par semaine) n’a pas d’arrêt maladie et doit gérer la complexité de la vie privée. L’alcool doit être maîtrisé par tous, car le premier rôle de l’équipage est la sécurité en cas d’évacuation.
Sarah insiste sur l’importance de l’humain et du leadership : elle encourageait l’honnêteté de ses équipes plutôt que la dissimulation, préférant être contactée par un collaborateur ayant fait la fête plutôt que par le commandant. L’équipage dispose d’espaces dédiés (Crew gym, Crew bar, etc.), mais l’interaction avec les passagers est constante. Le « graal » pour l’équipe, ce sont les overnights (nuitées) dans un port, qui permettent enfin de manger à terre et de retrouver une vie normale pour quelques heures.
L’aéroport : l’hospitalité à l’ère de l’efficacité
Après son aventure maritime, qui comprenait aussi deux ans sur le The World (le yacht privé le plus grand du monde avec 165 appartements), Sarah a décidé de se poser à terre et est devenue Responsable de l’Hospitalité à Paris-Charles de Gaulle.
Ce nouvel environnement est défini par la complexité et le flux. L’aéroport est une véritable ville : 90 000 personnes y travaillent, et plus de 230 000 passagers y transitent chaque jour (sur l’ensemble de la plateforme).
L’objectif de Sarah est de faire en sorte que l’aéroport ne soit plus perçu comme une « contrainte qui crée du stress », mais comme l’endroit où « la magie du vol commence ». La notion de temps change radicalement par rapport à l’hôtellerie : l’échange avec le client doit être rapide et efficace, car le passager est soumis à un parcours qu’il n’a pas choisi.
Pour maintenir un niveau de qualité à une telle échelle, elle déploie de nouveaux standards et rituels, basés sur le « sourire, un regard, un mot » : sourire à 15 mètres, regarder à 10 mètres, et adresser un mot d’accueil à 5 mètres.
L’avenir : l’IA et l’humain au service des flux
Pour gérer l’énorme volume de passagers et de retours (1400 commentaires Google par mois), Sarah est convaincue que la technologie doit jouer un rôle de soutien.
L’utilisation de systèmes comme les machines Parafes (lecture de passeport automatisée) permet d’optimiser les flux, de faire gagner du temps et de libérer le personnel humain. L’IA et la biométrie sont des pistes à développer pour l’avenir de l’aéroport, car elles permettent de gagner en efficacité. Cependant, Sarah De Werdt reste persuadée que l’humain restera « dur comme fer ». L’efficacité et l’hospitalité (la chaleur humaine) sont les deux valeurs qu’ils cherchent à ancrer.
L’aéroport Charles de Gaulle représente également la première frontière de l’Europe et l’image de la France. L’énorme travail en cours vise à assurer que les passagers soient « en sécurité, heureux et à l’heure ».
Le parcours de Sarah nous enseigne que l’hospitalité est une force adaptable. Qu’il s’agisse de gérer un navire brise-glace ou un terminal aéroportuaire, le secret réside dans le leadership humain, le respect des contraintes logistiques et la passion de celui qui accueille, même s’il doit le faire en quelques secondes.
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