En rendant hommage à Michel Guérard, le patron des guides Michelin, Gwendal Poullennec, a employé cette formule si juste : “le poète de la gastronomie”. L’oreiller moelleux de mousserons de morilles et truffes, le homard à la cheminée et l’huître au café vert en témoignent. Cet homme érudit, curieux du monde qui l’entourait et qui évolue, n’a jamais hésité à emprunter des chemins inexplorés. “Je me suis toujours moqué des modes et des courants”, disait-il. Son élève Alain Ducasse le reconnaît : “Avec ses amis et complices de la nouvelle cuisine, il a bousculé les habitudes et ouvert de nouvelles perspectives.” Mais c’est avec l’invention de la Cuisine minceur, en défendant le lien entre alimentation et santé, que celui qui rêvait enfant de devenir médecin aura eu le plus grand impact sur ses contemporains. Moins de gras, moins de sucre, plus de végétaux… il a été entendu, mais cela ne lui suffisait pas.
“Tout le monde parle de cuisine santé, mais personne n’en fait. C’est le grand problème. Tant que les cuisiniers ne seront pas nantis de connaissances diététiques et nutritionnelles, il ne se passera rien”, expliquait-il. Son cheval de bataille, c’était l’intégration de ces connaissances dans l’enseignement hôtelier. “Au même titre qu’on demande à un chauffeur de bus pour enfants d’avoir un permis, je ne comprends pas que la connaissance en nutrition et en diététique ne soit pas incluse dans la formation des cuisiniers.” Encore une fois, il a été le premier à le dire haut et fort, y compris aux ministres de l’Éducation nationale. Quand sera-t-il entendu ?
Le poète de la gastronomie avait les pieds sur terre. “J’étais et je reste très heureux d’avoir choisi ce métier”, déclarait ce chef solaire. À 91 ans, il avait encore ce rêve de le voir évoluer. Il était et restera un visionnaire.