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Quelles suites les hôteliers peuvent-ils donner aux condamnations de Booking.com par des autorités de la concurrence en Europe ? En France et en Espagne, des centaines d’hôteliers se mobilisent contre les pratiques jugées abusives de l’OTA via des actions collectives nationales. TOM s’est entretenu avec Me Barennes, Avocat Associé, chez Geradin Partners, pour en savoir plus sur l’objet de cette action conduite en France et ses potentielles retombées sur le segment.
Marc Barennes : L’interdiction des clauses de parité restreintes et larges de Booking.com en France dans le cadre de la loi Macron est intervenue après une décision de l’autorité de la concurrence qui les avait également remises en question. Nous reprochons à Booking.com d’avoir impliqué des clauses de parité tarifaire déguisées qui, par ailleurs, ont été constatées par les autorités italienne et espagnole de concurrence en 2024. Celles-ci ont été réintroduites notamment par le biais des programmes de préférence et BSB (Booking Sponsor Benefits, NDR).
Le premier prévoit que les hôteliers paient une commission supplémentaire pour bénéficier d’une visibilité accrue. Le BSB autorise Booking à diminuer le prix de la chambre en prélevant une commission inférieure à celle envisagée initialement. Et donc, là encore, on revient à un mécanisme qui conduit l’OTA à être en mesure d’offrir des prix les plus bas ou à imposer aux hôteliers d’offrir les prix les plus bas via la plateforme. La décision de la Cour de justice de l’UE vient interdire purement et simplement les clauses de parité tarifaires, qu’elles soient implicites ou explicites.
Notre action collective porte de manière générale sur les pratiques abusives de Booking.com qui conduisent en fait des hôteliers à subir des pertes de revenus et à une diminution des réservations de leur chambre d’une manière plus générale. Cela dépasse le cadre des clauses de parité tarifaire puisqu’il y a également un problème avec le favoritisme de l’algorithme pour les entreprises qui offrent de meilleurs tarifs sur l’agence de voyages en ligne par rapport à d’autres sites.
L’action concerne également les pratiques opaques de l’OTA relatives au classement des offres hôtelières en fonction du montant des commissions pour lequel les partenaires n’ont aucune visibilité sur la contrepartie effective de ces paiements supplémentaires. Enfin, l’application de commissions excessives, pouvant parfois aller jusqu’à 25% du prix d’une chambre, posent question à l’instar d’Apple ou Google dans le viseur des autorités de concurrence pour les commissions appliquées dans leur store. Nous estimons le préjudice pour les hôteliers français à 1,5 milliards d’euros entre 2015 et 2024.
L’ensemble de ces pratiques peut entraîner des hausses de coût de chambre qui sont des manques à gagner pour les hébergeurs. En l’absence d’un abus de position de la part de Booking.com, les hôtels auraient probablement recours aux réservations directes ou à d’autres plateformes appliquant des commissions intérieures. Les pratiques de l’OTA entraînent ce qu’on appelle un effet volume où les pertes sont liées aux surcoûts.
L’action a été lancée mardi 22 avril 2025 avec 10 hôteliers et nous avons dépassé la centaine à ce jour (cet entretien a été réalisé le vendredi 25 avril 2025, NDR). L’objectif est de réunir plusieurs milliers d’hôteliers avant la saisie du tribunal de commerce prévue en octobre prochain. Des chaînes hôtelières avec lesquelles nous travaillons sur d’autres sujets nous ont saisi pour savoir quelles suites on pouvait donner aux condamnations de Booking.com par les autorités de concurrence en Europe.
Il y a également un part d’indépendants qui ont pris part à l’initiative. L’objectif est à la fois d’obtenir réparation du préjudice mais aussi un changement des pratiques en France. Sans action collective, il n’y a aucune chance d’obtenir une indemnisation pour le passé et une évolution favorable des pratiques de Booking.com à l’avenir.
En Espagne, nos confrères du cabinet Eskariam, à l’origine d’une action similaire, estiment le montant du préjudice à 2% du chiffre d’affaires annuel des hôteliers en moyenne. Je précise qu’il s’agit de leur analyse et que le montant du préjudice varie énormément en fonction des commissions payées au cas par cas. De nôtre côté, nous espérons mobiliser un nombre suffisamment important d’hôteliers, afin d’utiliser leur données pour effectuer une analyse pouvant servir de base à des projections pour d’autres hôteliers.
Nous sommes convaincus qu’il y a des synergies entre les actions nationales et nous collaborons d’ailleurs avec Eskariam, par exemple sur la quantification des dommages et le constat des pratiques abusives. Pour autant, je ne pense pas qu’une action portée au niveau européen constitue la meilleure option, notamment en raison de procédures plus longues. En 2016, l’Europe a sanctionné les constructeurs de camions avec une amende de 4 milliards d’euros ce qui a poussé les transporteurs européens à mener une action collective devant les tribunaux européens, à Amsterdam. Neuf ans après la saisie, aucune décision en première instance n’a été prise.
En menant l’action au niveau national, nous estimons pouvoir obtenir une première décision sous deux à trois ans. De plus, le poids d’une action menée au niveau national réunissant, on l’espère, 2000 à 3000 hôteliers, est suffisamment important pour constituer une menace auprès de Booking.com.
Photo d’ouverture : Rosen Stoyanov
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