Descendu de son Alsace en Sauternais à la conquête d’une troisième étoile, Jérôme Schilling, chef du restaurant Lalique au Château Lafaurie-Peyraguey, à Bommes, en Gironde, interprète une gamme inspirée de cette terre de vignobles. Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Se conter, mais surtout conter sa cuisine, ses émotions, ce qui l’habite et l’enchante dans cette campagne perdue sur la rive gauche de la Garonne, ce village de 450 habitants : un plaisir pour le MOF doublement étoilé, qui se challenge en permanence pour progresser, décrocher le Graal, ne pas s’endormir sur ses ceps. Pour s’asseoir à sa table, on s’échappe de Bordeaux par des routes improbables sinuant entre bois, champs légumiers et vignobles. Un vignoble qui, par les hasards d’une chasse en Russie freinant le retour du marquis de Lur-Saluces – qui souhaitait qu’on l’attende pour le début des vendanges –, gagna ses lettres de noblesse, ses grains étant attaqués par un champignon qui donne sa sucrosité, ses arômes et sa couleur au vin de Sauternes.
Bouquet de saveurs, le sarment de vigne saint-jacques fumées, un de ses plats de l’hiver dernier. © Anne-EmmanuelleThion
« J’aime ces légendes, ces accidents de parcours, comme j’aime les changements brusques du temps, la brume née du Ciron, affluent de la Garonne, qui enveloppe le paysage de poésie, le soleil trop fort qui enflamme les parfums de résine, de sable, d’iode, de sel. Ici, les saisons, bousculées par l’océan proche, cadencent les heures, imposent leur diktat, surprennent les hommes par leurs caprices, leurs emportements. C’est cela que j’essaie de traduire dans mes plats, préparant par exemple, cet automne, les champignons