La demande en hébergement chez les particuliers via les grandes plateformes Internet
L’Insee a fait paraître une très intéressante étude sur les volumes de nuitées hébergées chez les particuliers en 2019 dans l’Union Européenne, réservées via les grandes plateformes sur Internet. On y constate le poids et le succès grandissants de ce mode d’hébergement touristique.
L’analyse de la fréquentation de ce type d’hébergement touristique en meublés chez les particuliers, concerne quatre grandes plateformes internet présentes dans l’ensemble de l’UE, avec une collecte de données pilotée par Eurostat auprès des plateformes suivantes : Airbnb, Booking, Expedia et TripAdvisor.
Certes, rien que pour la France, il manque bon nombre d’autres sites, tels qu’Abritel, Gîtes de France et bien d’autres. Mais, cela ne retire en rien l’intérêt de l’étude, qui donne un bon aperçu des tendances, sans cerner pour autant le poids réel de ce marché des meublés de tourisme.
A noter que 2019 est une année de référence d’un tourisme « normal » ; les années 2020 et 2021, perverties par la crise du Covid, ne peuvent être considérées comme représentatives du marché.
LE POIDS DES NUITÉES TOURISTIQUES
Ces quatre plateformes citées ont généré 554 millions de nuitées dans les hébergements chez des particuliers, soit une moyenne de 1,5 million de touristes par jour dans l’UE. Trois pays concentrent à eux seuls 55 % de ces nuitées : l’Espagne et la France, avec chacun près de 20 % de la demande (respectivement 111 et 109 millions de nuitées), suivis par l’Italie (15 %).
La répartition entre nuitées étrangères et nuitées domestiques diffère cependant fortement selon les pays d’accueil. Si le Portugal, la Grèce, la Croatie et l’Autriche, voire l’Espagne, reçoivent surtout des nuitées non-résidentes (pour 67 % jusqu’à 95 % des nuitées !), la France et l’Allemagne font exception en ayant plus majoritairement une demande émanant des résidents.
Pour la France, près de 6 touristes sur 10 hébergés dans ce mode d’hébergement chez les particuliers sont originaires de l’Hexagone. Avec cependant des variations très importantes selon les villes. La clientèle étrangère y opte plus fortement pour l’hôtellerie, les campings, les villages de vacances et les résidences. Toujours en France, en 2019, les Britanniques, les Allemands et les Nord-Américains formaient le podium des premières nationalités dans les logements des particuliers, avec à eux trois plus de 18 millions des nuitées, soit 39 % des nuitées étrangères.
« Avec près de 17 millions de nuitées, l’Île-de-France réalise 16 % des nuitées réservées en France via des plateformes. Contrairement au reste de la France, le tourisme y est davantage tourné vers l’international : les trois quarts de ces nuitées sont réalisées par des non-résidents », explique l’Insee.
UNE DEMANDE SURTOUT SUR LE LITTORAL
Mais en dehors de la région parisienne, 47 % des nuitées réservées sont réalisées dans des départements du littoral, dont la moitié sur le pourtour méditerranéen. Les Alpes-Maritimes sont d’ailleurs le deuxième département de France (après Paris), le plus fréquenté via les plateformes, avec 7 millions de nuitées en 2019, soit en moyenne 18 nuitées quotidiennes pour 1.000 habitants, contre 4 à l’échelle nationale.
Les deux départements de Corse accueillent un nombre encore plus élevé de touristes dans ce type d’hébergement en regard de leur population : 37 nuitées par jour pour 1.000 habitants en Corse-du-Sud et 20 en Haute-Corse.
Les hébergements proposés dans les zones montagneuses sont également très prisés des touristes / vacanciers. C’est particulièrement le cas des Alpes françaises. Ainsi, 4,3 millions de nuitées sont réalisées en Haute-Savoie dans les hébergements de particuliers liés à des plateformes, soit en moyenne 14 nuitées par jour pour 1.000 habitants. Là encore, dans les Alpes françaises, ces nuitées sont surtout dues à des touristes résidents en France. Seule la Haute-Savoie réalise autant de nuitées de résidents que de non-résidents.
FORTE SAISONNALITÉ
La forte fréquentation des zones littorales se traduit naturellement par une saisonnalité marquée des nuitées réservées via des plateformes : en 2019, en France comme dans l’Union Européenne, plus du tiers des nuitées passées dans ces hébergements ont lieu en juillet et août. À titre de comparaison, les nuitées dans les hôtels français de juillet et août 2019 représentent 22 % de l’ensemble de l’année.
Cette forte saisonnalité s’explique peut-être par une plus grande présence du tourisme de loisir que du tourisme d’affaires, lequel est plus fréquent dans les hôtels et plus régulier tout au long de l’année. Si les nuitées des touristes non-résidents sont également réparties sur ces deux mois, les résidents français privilégient nettement le mois d’août.
PARIS ET NICE, CHAMPIONS INCONTESTÉS
Au niveau des premières villes françaises les plus demandées par les touristes pour se loger chez des particuliers en 2019, Paris détenait sans surprise le leadership. C’étaient 15 millions de nuitées, dont 76 % provenant de visiteurs étrangers. Avec trois fois moins de nuitées, Nice se range à la deuxième place, suivie de Marseille (2 millions de nuitées).
Ensemble, les huit premières villes françaises demandées (voir tableau) concentrent plus du quart des nuitées passées en France en 2019.
LA QUESTION DE LA CONCURRENCE AVEC L’HÔTELLERIE…
La grande accusation — émanant principalement des hôteliers — est la concurrence, jugée déloyale de surcroît, provenant des particuliers qui mettent à la disposition des touristes leur logement, maison ou appartement. Si la demande vers ce type d’hébergement est un véritable succès depuis une bonne dizaine d’années, comme partout dans le monde, avec comme porte-étendard Airbnb, l’hôtellerie française ne peut prétendre sans mentir que ces logements lui ont « volé » des clients.
Depuis 2009 et jusqu’en 2019, année « normale » pour le tourisme (avant le Covid), les taux d’occupation des hôtels français ne se sont non seulement pas effondrés, mais ont même augmenté, avec plus ou moins le même nombre d’hôtels. Ils sont passés progressivement de 58,1 % en 2009 à 62,4 % en 2019, selon les données de l’Insee. Voire notre Panorama de l’Hôtellerie en France.
Même chose à Paris où seuls les attentats ont vraiment influé ponctuellement sur la fréquentation — lire notre Panorama de l’hôtellerie parisienne. La montée en flèche de la demande vers les logements de particuliers ne s’est donc pas soldée par une érosion des scores de fréquentation en hôtellerie. En réalité, ces deux types d’hébergements sont complémentaires, voire supplémentaires, ne s’adressant pas nécessairement aux mêmes publics, y compris avec des durées de séjours souvent différentes. Et c’est le même phénomène que l’on peut observer dans les grandes villes touristiques du monde.
Paru le 31 mars 2022
Mark Watkins