22 IDÉES REÇUES SUR LE TOURISME
Les idées reçues et les préjugés. Quelle profession ou quel secteur d’activité n’en connaît pas ? Le tourisme, l’hôtellerie et la restauration n’en sont évidemment pas épargnés.
Souvent, les idées reçues font sourire. Parfois, elles sont ridicules. Fréquemment, ce sont des contrevérités ou des erreurs. Dans certains cas aussi, fausses, elles sont dangereuses pour la bonne compréhension de la profession, voire pour ses intérêts. Mais, évidemment, elles peuvent également être justes, mais on ne sait pas alors sur quoi elles se fondent.
Sans retenue, mais aussi sans prétention, nous avons voulu détricoter un grand nombre d’idées reçues (une cinquantaine) maintes fois entendues, les rectifier ou les valider, à la lumière de nos propres études sur le secteur et auprès des clientèles que nous interrogeons toute l’année.
Bien sûr, ces thèmes peuvent être des sujets à débattre. Nous ne prétendons pas avoir raison sur tout. Mais au moins, nous avons la faiblesse de croire que le lecteur nous laissera la liberté de nos points de vue.
1 • « La France, première destination touristique mondiale »
En tout cas, on n’en sait rien. Avec ses « 83, 84 ou 89 millions de touristes étrangers annoncés et même 100 millions espérés » avant la crise du Covid, selon les chiffres présentés comme officiels, on prétend depuis des années que la France est la championne du monde du tourisme en volume de visiteurs internationaux. De quoi être fiers.
Certes, notre pays reçoit de nombreux visiteurs internationaux. Il suffit de regarder dans les villes, sur les plages, dans les stations de ski. Mais, les moyens pour calculer ou même pour estimer les touristes étrangers entrant sur notre territoire …ne le permettent tout simplement pas. La grande majorité des visiteurs (dont surtout des Européens) n’ont pas besoin de visa pour entrer en France.
Comment alors identifier un touriste de passage, en court ou en long séjour et le distinguer d’un résident en France ? On ne le sait pas. Par conséquent, combien recevons-nous de visiteurs étrangers (hormis ceux — minoritaires — qui doivent détenir un visa), vers où se déplacent-ils, combien de temps séjournent-ils chez nous, combien dépensent-ils et que consomment-ils (hébergement, restauration, alimentation, visites culturelles…) ? Mystère. Cela fait beaucoup d’inconnus !
L’Insee évalue par ailleurs que près de 15 à 20 % (apprécions la précision) de ces touristes étrangers ne mettent les pieds en France que parce que notre pays est un couloir européen Nord/Sud pour transiter vers l’Espagne, le Portugal, l’Italie ou encore le Maroc. Puis, en revenir. Ce, grâce à nos magnifiques autoroutes. L’expression« destination touristique » est donc totalement inadaptée. Sans compter les transferts en aéroports.
A noter que la France n’est pas la seule à mentir dans ses statistiques touristiques. La plupart des autres pays le font également, sauf ceux qui imposent massivement des visas.
• Lire notre analyse sur le même sujet.
2 • « Les touristes qui viennent en France dépensent peu »
Phrase entendue mainte fois de la bouche d’élus et de responsables politiques. Y aurait-il une sélection impitoyable des touristes à nos frontières pour ne choisir que ceux qui dépensent peu ? Bien sûr que non.
Les recettes moyennes par touriste officiellement annoncées sont faibles en France (754 $ en 2018 — contre 514 $ en 2016 (une différence incohérente !) — soit 4 fois moins qu’aux États-Unis, ce qui nous ramènerait à la 33e place mondiale sur ce registre en 2018, et 63e place en 2016 (sic). Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’une part (15 à 20 %) des touristes étrangers comptabilisés à nos frontières ne font que traverser la France (voir ci-dessus) et y dépensent par conséquent peu d’argent. Mais, on est loin du compte. Pour ceux qui séjournent dans l’Hexagone, les prix des produits de consommation, de l’essence, de l’hôtellerie, de la restauration, des entrées de musées, etc. ne sont pas particulièrement moins élevés que dans les autres pays touristiques occidentaux concurrents. Et les professionnels du tourisme français, par leur façon de travailler et de s’organiser ne sont pas à l’origine de la faible dépense supposée par touriste.
L’explication la plus sûre est que les chiffres statistiques fournis sont tout simplement faux. La différence de recettes moyennes entre 2016 et 2018 nous met déjà la puce à l’oreille. Quand, de plus, on voit que le Luxembourg déclarait 4.902 $ de dépense moyenne par visiteur en 2018 (754 $ en France) — comptent-ils les dépôts bancaires ? —, on ne peut qu’être convaincu de la fantaisie dans les données émanant de chaque pays.
« Les visiteurs étrangers dépenseraient peu en France », qui revient en boomerang, est une sentence gratuite. Encore une fois, on ne sait rien du nombre réel de visiteurs étrangers, ni de leurs achats (voir ci-avant). Toute idée que la dépense touristique est faible, est donc forcément erronée. Les discours consistant à exhorter les professionnels à s’arranger pour vendre mieux et davantage (afin d’augmenter les recettes par touriste) ne s’appuient sur aucun fondement sérieux.
3 • « On sait faire des prévisions crédibles dans le tourisme »
C’est la grande mode actuelle : demander à des chercheurs, sociologues, consultants… voire des professionnels du tourisme, de définir ce que sera le tourisme et ses composants (hôtellerie, MICE, loisirs, voyages, etc.) en 2030 et, pourquoi pas, jusqu’à …2050 ! Déjà les grands groupes hôteliers et de tourisme, pourtant organisés et outillés, ne savent pas ce que seront leurs données d’activité sous trois mois. Alors sous 10 à 30 ans, on baigne clairement dans la science-fiction.
Il en va de même des devins qui avancent gratuitement quelles seront les fréquentations touristiques et hôtelières sous un à trois ans, lesquelles au final, ne se réalisent jamais comme ils l’avaient prédites. Ou alors, c’est un coup de chance.
Non, il n’y a pas de matrice économétrique ni d’intelligence artificielle (IA) qui puissent dessiner le tourisme du futur, ce qu’il comprendra et comment consommeront les touristes. Sans compter que les données statistiques du tourisme mondial sont fausses (lire #1) — mais prétendues justes — ; alors comment se projeter en s’appuyant sur de mauvaises bases ?
Déjà, il y a 20 ou 30 années, personne n’avait vu venir ce qui compose le tourisme d’aujourd’hui.
Qui avait prévu l’avènement et le succès incroyable des OTAs (Booking, Expedia…), qui bousculent en profondeur le monde de la distribution hôtelière ? Même chose pour Airbnb lancé en 2008, sur qui personne n’aurait parié un sou… Qui avait annoncé l’arrivée massive des fonds d’investissements et des groupes chinois qui modifient le fonctionnement (et pas toujours en bien) des groupes de tourisme et d’hôtellerie où ils investissent ? On cherche encore en vain ceux qui savaient quelle influence les GAFAM auraient aujourd’hui sur le tourisme, dont les réseaux sociaux. Et qui avait prédit, qu’en 2022, 97 % des voyageurs occidentaux auraient dans la poche un smartphone — mini ordinateur — qui change leur rapport avec le tourisme et la façon de le consommer ? Plus largement, qui nous a parlé des conséquences qu’aurait l’informatique sur notre secteur ? Qui nous a annoncé comment les « Millenials » (on ne savait même pas que ce mot serait inventé et que ce serait une catégorie de population voyageuse à part) se comporteraient en matière de tourisme dans les années 2020 ? Qui avait deviné la crise économico-financière de 2009-2009 laquelle a eu des répercussions importantes sur le tourisme ? (Pour le Covid ou la guerre en Ukraine, c’est autre chose). Et où en est le tourisme vert, devenu surtout excursionniste, dont on avait promis qu’il serait un eldorado (touristique) il y a 25 ans ? Où sont les colonies de vacanciers qui devaient vivre sous la mer en l’an 2000 ? En moins sérieux, qui avait prévu que l’on utiliserait à tort et surtout à travers le mot « expérience » à toutes les sauces dès 2017 ? Et ainsi de suite.
Faire de la prospective dans le tourisme, c’est bon pour l’image de ceux qui la pratiquent. C’est valorisant, c’est gratuit et cela fait mousser. Les journalistes ne peuvent pas s’empêcher de la réclamer. Mais, curieusement, on ne demande jamais de comptes à ces adeptes de la boule de cristal une fois arrivé au terme de leurs divinations ou plutôt divagations. Sitôt annoncé, sitôt oublié. Il est vrai qu’ils n’ont ni obligation de moyens, ni de résultats. Ce qui n’empêche pas qu’on les écoute trop souvent comme parole d’évangile.
4 • « Les touristes étrangers aiment avant tout notre cuisine (française) »
La valeur gastronomique de la France n’est sans doute pas une légende et à interroger les touristes étrangers, c’est pour eux, un des attraits justifiés de notre tourisme. Les étrangers sont généralement désireux de goûter à notre cuisine. Même si certains plats sont davantage du domaine de la curiosité que bien des visiteurs ne seront pas amenés à vouloir tester, tels nos fameux escargots, nos fromages forts ou nos cuisses de grenouilles, voire notre foie gras.
Dans les faits, on se rend compte que passé les premiers moments de leur voyage où nos contemporains étrangers sont d’accord pour découvrir notre gastronomie dans ce qu’elle a de plus caractéristique, la suite se résume généralement à retrouver leurs propres habitudes alimentaires.
Car notre cuisine, quand elle est franchement différente de celle à laquelle sont habitués les étrangers, n’attire pas forcément tant qu’on peut le croire. Certains touristes sont même dubitatifs, méfiants ou mal à l’aise à l’égard de notre offre culinaire, tels que les Chinois, les Japonais ou même les Britanniques.
Aussi, se rend-t-on compte qu’une gastronomie mondialisée ou une restauration internationale s’imposent finalement pour plaire aux visiteurs étrangers. Il ne faut donc pas s’étonner de trouver dans nos villes des touristes de toutes origines chez McDonald’s. D’autant que les vacanciers dans leur majorité cherchent avant tout du pas cher, que l’on retrouve surtout dans les pizzerias, les fast-food et autres sandwicheries.
5 • « Il faut augmenter le budget de promotion touristique de la France »
Si l’on considère que plus on disposera de budget et qu’ainsi plus on pourra faire d’actions promotionnelles, la logique voudrait que les moyens disponibles soient rehaussés. Beaucoup se plaignent que l’Espagne, par exemple, ait un budget de promotion très supérieur à celui de la France.
Mais, le fond du problème n’est pas forcément d’augmenter les budgets, mais plutôt de savoir comment les utiliser. Bien des professionnels du tourisme français demandent depuis longtemps — en vain — qu’un bilan sur la promotion touristique de la France soit effectué. En somme, comment dépense-t-on l’argent déjà disponible, et si les opérations et l’organisation de ceux qui s’en chargent sont faites correctement, avec professionnalisme et efficacité. Pas de réponse à ce jour à ces questions, qui dérangent visiblement.
L’autre question habituelle est de savoir s’il est pertinent que tant d’intervenants agissent dans la promotion touristique de notre pays et ce d’une manière totalement désordonnée et hétérogène, en roues libres : Atout France, CRT, CDT/ADT, Offices de tourisme, etc. N’est-ce pas beaucoup d’énergie et d’argent parfois (souvent ?) jetés par les fenêtres, car non mutualisés et non coordonnés ?
Enfin, souhaiter davantage de moyens promotionnels n’a de sens que si l’on dispose d’informations réalistes sur notre tourisme. Or, comme déjà dit (voir ci-avant), on ne sait rien sur le nombre réel de touristes étrangers que nous recevons, ni sur ce qu’ils dépensent.
Encore faut-il que ceux qui dépensent les budgets de promotion du tourisme aient envie de savoir quelles sont les retombées de leurs dépenses… Ne rien savoir permet de ne pas se remettre en question et ne pas être jugé. L’Assemblée nationale a ainsi voté récemment la hausse des taxes de séjours, mais sans savoir ce qu’on ferait de l’argent supplémentaire encaissé…
6 • « La RTT est bonne pour le tourisme »
En toute logique, on aurait aimé croire que davantage de temps libre grâce à la RTT (réduction du temps de travail), pouvait provoquer un gros avantage pour notre tourisme par les Français. C’est en tout cas comme ça que cela a été présenté au lancement des 35 heures au début des années 2000. Mais, il aurait fallu pour cela que les Français gagnent des revenus supplémentaires. Sauf qu’en contrepartie de la RTT, les salaires ont été bloqués durant plusieurs années.
Or, les loisirs touristiques et gastronomiques sont le premier poste de dépense des ménages que l’on sucre quand il s’agit de sacrifier du budget. Dans les faits, la RTT est consacrée à faire ses courses, au bricolage, au sport et à la vie en famille chez soi.
Si cependant, la réduction du temps de travail a permis des week-ends rallongés pour les CSP+ et ++, dont profitent les professionnels du tourisme, cela n’a rien changé pour les autres catégories de Français. Et évidemment pas pour les retraités qui voyagent, qui ne sont plus concernés.
La RTT a même eu des effets néfastes pour le tourisme d’affaires. On a pu constater une concentration de la demande entre les mardis et les jeudis par les voyageurs d’affaires, comme pour les séminaires. Et également, un raccourcissement des durées de séjours/voyages. Ce sont autant de nuitées, de chambres louées et de repas au restaurant en moins. Comme les 35 heures se sont accompagnées de l’envie de bien séparer le monde du travail de celui de la vie privée, les séminaires qui mordaient sur les week-ends — comme ce fut courant dans les années 1980 et 1990 — ont quasiment totalement disparus. Au final, les RTT ont profité à un petit pan du tourisme, surtout vers le haut de gamme, et pas au reste.
7 • « La petite hôtellerie fait la force et le charme du tourisme français »
Notre offre hôtelière française est, parmi ses points forts, d’une grande diversité. Il y en a finalement pour tous les goûts et pour presque tous les budgets. Sa caractéristique est de se composer de nombreux petits hôtels : l’hôtellerie indépendante en France (83 % des hôtels classés, sur un total de plus de 17.000 adresses) possède en moyenne 26 chambres, contre 82 pour les chaînes intégrées, ce qui donne une bonne notion de la différence d’envergure entre ces deux formes d’hôtellerie.
Qu’entend-t-on par « charme » de la petite hôtellerie ? On pensera que ce qui est petit a généralement davantage de charme, est plus humain, que ce qui est très grand. En hôtellerie, il en va de même si on compare une petite auberge à l’allure de maison accueillante, avec un hôtel de grande capacité dans une zone industrielle, aux allures architecturales bétonnées moins avenantes. Beaucoup d’hôteliers indépendants, pour se distinguer des chaînes, disent « avoir un décor personnalisé » et jouer la tradition. C’est souvent vrai ; mais parfois la personnalisation n’a pas que du bon, quand on voit le résultat sur place… Et « traditionnel » veut souvent dire « vieillot ».
Quoi qu’il en soit, le tourisme français a besoin de cette petite hôtellerie qui plaît à la clientèle de week-ends, aux seniors et à bien d’autres publics plus jeunes. Cependant, si sa présence se justifie pleinement sur le plan marketing, c’est rarement le cas sur le plan économique. En dessous de 45 chambres, en moyenne selon les gammes, voire 60 chambres en super-économique, un hôtel trouve rarement sa nécessaire rentabilité.
Avec près de 85 à 90 % de charges fixes, plus l’hôtel est grand, mieux il parvient à les amortir. Par ailleurs, plus il y a de chambres et plus l’établissement peut travailler avec des cibles de clientèles complémentaires (groupes, séminaires, le cas échéant, etc.), lui permettant ainsi de bénéficier paradoxalement de meilleurs taux d’occupation que pour les petits hôtels.
CONJONCTURE & MARCHÉS
8 • « Les baromètres conjoncturels de l’hôtellerie françaises sont justes »
Eh non ! Les baromètres conjoncturels sur l’hôtellerie, publiés régulièrement par des cabinets d’études, se basent sur les données des chaînes hôtelières intégrées (18 % des hôtels français), de qui ils reçoivent les chiffres tous les mois. Mais, leurs auteurs ne sont pas gênés de prétendre qu’il s’agit « des chiffres d’activité de l’ensemble de l’hôtellerie française » (sic).
Or, les chaînes intégrées ont des taux d’occupation au global de 10 points supérieurs à ceux des indépendants (source Insee) et sont plus chers de 20 %, en moyenne, à gammes comparables. Par analogie, c’est comme si on publiait les données d’activité des Carambar en prétendant qu’il s’agit de l’ensemble du secteur de la confiserie. Voilà pourquoi personne ne s’y retrouve parmi les hôteliers au milieu des chiffres fantaisistes édités par ces cabinets, quelque peu mythomanes, sans scrupules ou trop prudes à dire la vérité…
Le baromètre conjoncturel hôtelier le plus fiable est celui de l’Insee, qui interroge massivement des chaînes comme des indépendants. S’il n’est pas parfait, il se rapproche le plus de la réalité du terrain.
• Lire notre analyse : Tromperie sur les statistiques hôtelières.
9 • « L’activité hôtelière en France recule »
Les taux d’occupation de l’hôtellerie française, selon l’Insee (le seul baromètre conjoncturel fiable), non seulement ne reculent pas (sauf pendant la crise du Covid), mais sont stables, voire en hausse depuis une dizaine d’années. Il n’y a donc pas eu d’effet négatif d’Airbnb comme le dénoncent les hôteliers…
Depuis 2010, les taux de fréquentation du parc hôtelier français balancent entre 58 % et 62 %, toutes régions et toutes catégories confondues (hors période Covid). Il n’y a que les périodes de la crise économique de 2009 et des attentats où la demande a pu fléchir durant quelques mois. Et bien sûr la crise du Covid en 2020 et 2021. En 2018, le taux d’occupation hôtelier a même fait un bond pour grimper à 62,5 %.
Enfin, si les taux de fréquentation sont plus ou moins les mêmes depuis une décennie, le volume de nuitées est en hausse de 14 % depuis 2009 (en 2019). Il y a par conséquent bien plus de clients. La différence entre nuitées enregistrées en nette augmentation et taux d’occupation stables s’explique par l’agrandissement du parc hôtelier français, de + 7 % en 5 ans.
• Lire notre Panorama de l’hôtellerie en France.
10 • « Il ferme des petits hôtels à la campagne »
C’est une véritable hécatombe que l’on vit dans l’offre de l’hôtellerie en milieu rural ! De 4.700 hôtels en 2008, on est passé à près de 2.100 aujourd’hui.
Le problème de ces structures est multiple. Le tourisme vert n’est pas au rendez-vous et profite surtout à d’autres types d’hébergements (campings, gîtes, chambres d’hôtes…), mieux adaptés pour des plus longs séjours et pour la clientèle concernée. Les taux d’occupation de l’hôtellerie en milieu rural sont très poussifs et économiquement insuffisants : 46,3 % en 2017 — économiquement insuffisant — contre 59,2 % en zones urbaines, hors Ile-de-France.
Ensuite, la petite taille des hôtels à la campagne (19 chambres en moyenne) ne leur permet plus de dépasser tout seuil de rentabilité. Ceux qui s’en sortent sont souvent des restaurants très fréquentés avec juste des chambres au-dessus.
Enfin, la cascade de nouvelles normes (dont sécurité incendie) et de réglementations ont fini par faire rendre l’âme à beaucoup d’exploitations. En fin de compte, plus d’un hôtel rural sur deux est en déficit ou en juste équilibre dans ses comptes, qui évidemment gêne pour moderniser l’offre.
Sans parler de la faible à nulle profitabilité, qui ne permet pas d’en vivre, qui n’attire pas les repreneurs, ni n’encourage les enfants des hôteliers à reprendre l’affaire familiale (voir ci-après).
• Lire notre dossier économique sur la petite hôtellerie.
11 • « Les enfants ne veulent plus reprendre l’affaire familiale »
C’est là un drame de la profession qui est doublement injuste. D’un côté les droits fiscaux de succession en France étaient jusqu’en février 2006 particulièrement élevés et défavorisaient d’une façon parfois insurmontable la transmission d’entreprises. Cela s’est à peine amélioré avec les dernières lois. De l’autre côté, les enfants d’hôteliers et de restaurateurs ne veulent plus reprendre l’affaire familiale quand sonne la retraite de leurs parents. Beaucoup disent avoir trop vus leurs parents suer sang et eau, s’accordant peu de vacances et de repos, pour ne pas avoir envie d’endurer la même vie qu’eux.
Parallèlement, la rentabilité des entreprises d’hôtellerie et de restauration s’est nettement dégradée depuis ces 20 dernières années, avec des conditions d’exercice handicapantes et des obligations d’investissements à la hausse, qui ne poussent pas les successeurs à se battre pour reprendre l’affaire familiale. Enfin, parfois malgré eux, les professionnels ont poussé leurs enfants à suivre des études non hôtelières sachant par avance qu’il y aurait peu de chances pour que leurs descendants leur succèdent.
Cette faiblesse dans les transmissions d’entreprises est surtout un problème dans les campagnes et pour les petites exploitations, qui bien souvent sont alors vouées à disparaître purement et simplement, après que parfois 3 générations les aient animées.
12 • « Des hôtels haut de gamme et de luxe comme s’il en pleuvait »
Avec à présent plus de 2.160 hôtels classés 4 étoiles et 419 homologués 5 étoiles (en 2022), le parc hôtelier premium français a enflé de près de 300 % depuis 2009, soit 1.739 adresses de plus ! Il y avait à peine 840 adresses de ce type à cette époque, qui représentaient 10 % de l’offre en chambres et moins de 5 % des hôtels. Aujourd’hui, ils pèsent 27 % du parc hôtelier français (en chambres).
A Paris, c’est même beaucoup plus. Près de 35 % des hôtels de la Capitale sont 4 ou 5 étoiles. Et on annonce encore près d’une centaine de nouveaux entrants sur la destination dans ces catégories, petite banlieue comprise, d’ici les JO de 2024.
Sur le plan national, si une partie de cette offre se compose réellement d’établissements haut de gamme/luxe, il faut dire que les hôteliers 3 étoiles ont profité du minimalisme des nouvelles normes hôtelières parues en 2008 pour demander une étoile de plus sans effort. Ainsi, outre des critères peu exigeants, les chambres pour deux personnes doivent avoir des superficies minimales de 16 m2, sanitaires compris. Petit, tout petit.
Il faut dire aussi que les 4 & 5 étoiles accèdent aux meilleurs taux d’occupation (68,4 % en 2019) depuis ces dernières années, comparés aux autres catégories (60,4 % en 1 & 2 étoiles). Le haut de gamme étant souvent dans les zones urbaines et grandes villes, et recevant davantage de clientèle étrangère que les autres catégories et un mix-clientèle plus large ; ceci explique cela.
Pour autant, tout le monde veut à présent des hôtels premium, les élus locaux en tête de file, pour attirer une « bonne clientèle ». Même quand il n’y a aucun marché pour les rentabiliser et leur assurer un remplissage suffisant… Ce qui est rarement vérifié.
• Lire notre article sur le sujet.
13 • « Les jeunes ne veulent plus travailler dans la profession »
C’est un paradoxe que de dire que les jeunes ne veulent plus travailler dans le secteur des CHR : il suffit d’aller dans les hôtels et les restaurants pour se rendre compte que la très grande majorité du personnel, sinon la totalité hormis le patron, se compose de jeunes femmes et hommes, que l’on trouve dans quasiment tous les services.
Cependant, le turn-over, dans les chaînes comme chez les indépendants, est impressionnant. De la même manière, il n’y a en moyenne plus que 1/5e des anciens élèves des écoles hôtelières qui sont encore dans la profession 5 ans après avoir obtenu leur diplôme. Les jeunes sont donc là, mais ne souhaitent pas y rester. Et la crise du Covid a fini de convaincre les plus hésitants.
Mais, qu’ont fait les professionnels pour en arriver là ? Probablement le contraire de ce qu’ils auraient dû faire : on n’attire pas les mouches avec du vinaigre. Ce n’est pas tant les horaires et les jours de congé décalés que refusent la plupart des jeunes. Même les salaires particulièrement bas dans la profession (31,2 % de smicards dans les CHR, contre 1 salarié sur 10 tous secteurs confondus) ne sont pas des obstacles pour les débutants.
Ce sont les conditions de travail avec des journées à rallonge sans compensation, les coupures en restauration, le rejet d’une certaine servitude et surtout le manque de considération à leur encontre (par les patrons, les petits chefs et même la clientèle), dont des humiliations, qui font que la profession n’est pas perçue comme très sexy par les jeunes. Pourtant, l’exemple de la revalorisation de la cuisine par les émissions de TV a fait naître des vocations. Jusqu’à ce que les jeunes voient leurs aspirations déçues par la rencontre décevante au quotidien de bien des professionnels qui les font travailler.
14 • « L’hôtellerie et la restauration sont un ascenseur social »
Il n’y a que 8 % de cadres dans la profession contre 19 % dans l’ensemble des services. Les jeunes qui avaient été nommés directeur d’hôtels de chaînes à 25 ans, le sont encore aujourd’hui 20 à 30 ans plus tard. Comparé aux années 1970 et 1980, il se crée désormais peu d’établissements nouveaux et par conséquence naturelle, il y a peu de nouveaux emplois d’encadrement. L’hôtellerie et la restauration sont en carence de personnel d’exécution et ont un trop-plein de personnel d’encadrement.
Pour autant, ici comme ailleurs, il n’en demeure pas moins vrai qu’un jeune employé particulièrement motivé, impliqué et travailleur pourra obtenir des responsabilités et des hausses de salaires plus vite que d’autres, qui ne déploieraient pas ces qualités.
15 • « Les palais des congrès souffrent d’un manque d’hôtels 3 et/ou 4 étoiles »
Pour les manifestations de plus d’une journée, la clientèle des congrès et conventions d’entreprises, mais aussi des séminaires, demande à être hébergée quasi exclusivement dans des hôtels 3 et 4 étoiles (études Coach Omnium). Les villes qui se sont dotées d’un palais des congrès — il y en a plus de 120 en France — souffrent dans leur grande majorité d’un manque d’hôtels de ces catégories.
Dans d’autres cas, les hôtels existent, mais ils fonctionnent souvent massivement avec les voyageurs individuels et n’ont pas d’intérêt à ouvrir leur planning à une clientèle, comme celle des congressistes, qui ne paie pas le plein tarif, avec des chambres qu’il faut bloquer longtemps d’avance.
Enfin, l’offre hôtelière de la ville peut également se composer d’un grand nombre d’établissements, mais de petite capacité. Or, les organisateurs de manifestations ont besoin de pouvoir concentrer leur public dans un nombre restreint d’hôtels, donc de grande taille. Toutes ces raisons font que les palais des congrès perdent régulièrement des commandes de manifestations par carence en hébergement adapté et se contentent de manifestations régionales, de courtes durées, sans besoin d’hébergement. En guise de réponse, beaucoup de villes aimeraient créer des hôtels haut de gamme, de grande capacité.
Le problème qu’elles rencontrent est alors triple. En premier, il est de plus en plus difficile de trouver des investisseurs pour ce type d’établissement, y compris, voire surtout, par les groupes hôteliers, qui n’investissent quasiment plus en propre. En second, on s’aperçoit que si ces hôtels supplémentaires correspondent à un besoin par rapport à la clientèle de congrès/conventions, le nombre de journées qui pourraient les remplir demeure presque toujours trop faible (entre 40 et plus rarement 80 jours par an). Ces hôtels devraient alors trouver, pour se rentabiliser, une clientèle de complément (individuels affaires, clientèle de loisirs), qui n’existe généralement pas en suffisance. Dans ce cas, ils seront tentés de casser leurs prix et de provoquer une concurrence déloyale envers les autres hôtels de la ville, par leur dumping tarifaire.
Enfin, en troisième obstacle, le seul fait d’évoquer la création d’un ou de plusieurs hôtels de grande capacité dans une ville, met littéralement en ébullition et en climat de révolte la profession hôtelière déjà en place. La plupart des maires n’osent donc pas aller plus loin.
Cela pose par conséquent le problème de tous ces centres de congrès qui ont été conçus (entre 1980 et 2000, 80 nouveaux centres de congrès ont ouvert sur tout le territoire national et dans les Dom-Tom), sans prendre en compte la dimension globale de l’offre à fournir, comprenant l’hébergement. On pensait alors que ces palais des congrès garniraient les hôtels de la ville sans se demander si ces derniers seraient adaptés à la demande. Sans compter la vingtaine de nouveaux centres de congrès qui sont en projet ou en cours de construction.
• Lire notre dossier spécial sur les centres de congrès en France.
16 • « Les groupes hôteliers sont devenus des financiers »
Bien que restant sur le papier des sociétés de services, les groupes hôteliers, parmi les plus imposants, sont effectivement devenus de vraies sociétés financières. L’actionnaire impose désormais sa loi, ce qui fait que les temps ont bien changé depuis ces dernières décennies, avec une métamorphose du marché et de ses conditions de fonctionnement.
Pour ne parler que de la France, tous les groupes de tourisme et d’hôtellerie étaient à leur création et ce durant des années dans un capitalisme de personnes et/ou familiale : Accor, Louvre Hotels, Club Med, Pierre & Vacances, B & B Hôtels… Depuis en moyenne les années 1990 et plus massivement après, ils sont devenus des entreprises intégrant un capitalisme de marché. Soit, ces entreprises sont entrées en bourse, soit elles ont ouvert leurs portes en grand à des fonds d’investissements pour épauler leur développement, soit les fondateurs ont cédé leur entreprise (ou ont été contraints de la céder) à des structures à vocation principalement financière.
Et cette situation a connu un coup d’accélérateur avec l’entrée forte durant ces dernières années des opérateurs étrangers (Chinois, Arabes du Golfe…) avec des velléités spéculatives clairement affirmées.
Si l’argent frais apporté par ces nouveaux partenaires était le bienvenu, la présence majoritaire des financiers changent considérablement les conditions de fonctionnement des groupes hôteliers. Ils doivent désormais développer une rentabilité forcenée, avec des objectifs court-termistes souvent difficiles à satisfaire. Et les moyens sont rarement débloqués pour rénover les parcs hôteliers vieillissants en France (et ailleurs), qui en ont pourtant besoin. Pire, plus aucune stratégie à moyen ou long terme ne peut se mettre en place. Cela ne peut que détacher le personnel et les cadres, et créer chez la clientèle un malaise du fait d’un flou dans l’offre hôtelière.
17 • « Les professionnels du tourisme sont individualistes »
En fait, ils le sont dans leur grande majorité comme l’ensemble des Français ! Plus concrètement, plus de 60 % des hôteliers classés et la quasi-totalité des hôteliers non classés n’adhèrent à aucun réseau (chaîne volontaire ou intégrée), ni à aucun système promotionnel mutualisant. Peu sont affiliés à un syndicat hôtelier. Il en va de même chez les restaurateurs et de nombreux professionnels des autres branches touristiques.
Cette ultra indépendance de ces professionnels, qui est propre à un secteur à caractéristiques artisanale et traditionnelle, est davantage un problème qu’un avantage. Cela ralentit la modernisation de la profession, diminue les capacités d’échanges pour s’améliorer, et crée les conditions d’un manque d’informations constructives et utiles. On continue à regarder ses confrères comme des concurrents, voire comme des adversaires, sinon des ennemis. L’atomisation de l’offre favorise fortement une désorganisation de la branche et une perte de crédibilité auprès du grand public, des pouvoirs publiques, des élus et des banques. Cela rend le tout contre-productif. Car les professionnels faisant partie de réseaux s’en sortent généralement mieux économiquement que ceux qui restent totalement indépendants.
Et ce goût pour l’indépendance ne date pas d’hier ; il se résume à la peur du devoir d’allégeance ou à l’ingérence, à de la méfiance gratuite et aux oursins dans les poches pour accepter de payer des redevances. Ce sont les jeunes professionnels qui arrivent sur le marché, qui comprennent le mieux l’importance de ne pas rester seul.
A l’inverse, d’autres secteurs touristiques ont pourtant réussi à se défaire de ce carcan comme l’hôtellerie de plein air, voire les résidences de tourisme. Cela les a aidé à retrouver des clients, une rentabilité et une plus grande sérénité dans leurs exploitations.
18 • « Il faudrait être diplômé du secteur pour exercer les métiers de restaurateur ou d’hôtelier »
Ce serait trop beau pour être juste, dans un secteur qui n’est pas réglementé sur ce plan comme peut l’être, par exemple, celui des agences de voyages. On se rend aisément compte qu’il existe de très nombreux exploitants de restaurants et d’hôtels qui n’ont pas suivi une formation hôtelière longue, voire aucune. Or, par expérience, on peut dire sans se tromper que ce ne sont souvent pas de mauvais professionnels.
Certes, ils manquent à leurs débuts (quand ils créent ou reprennent une affaire) de petites connaissances, notamment les « trucs et astuces » du métier. Voire, ils découvrent un modèle économique qu’ils ne soupçonnaient pas. Mais ils savent très bien (et vite) apprendre. La plupart sont venus à la profession par passion et avec une grande motivation, généralement parce qu’ils étaient de gros clients des restaurants et des hôtels auparavant. Ils ont l’avantage, que bien des hôteliers ou restaurateurs de « souche » n’ont pas ou plus, de venir avec un regard neuf, sans préjugés et avec le sens et la connaissance des attentes des clients. Ils savent donc adapter leur offre en conséquence de cause et travaillent fréquemment en sachant anticiper. Leurs établissements sont souvent bien tenus, agréables et originaux. Ils plaisent à la clientèle.
Quant aux diplômes hôteliers, c’est comme dans toute profession, ce n’est pas une garantie de professionnalisme. Tout comme il existe de bons et de mauvais avocats ou médecins, pourtant forcément diplômés.
CONCURRENCE
19 • « L’arrivée d’un nouvel hôtel fait disparaître la petite hôtellerie »
On aurait pu dire que cette complainte est vraie tant elle semble logique : plus il y a de mangeurs et moins les parts du gâteau sont grosses pour chacun. Ce serait mathématiquement défendable.
La mise en place de la Loi Raffarin sur l’hôtellerie en juillet 1996 (*), a d’ailleurs eu pour principal souci d’éviter justement que l’accroissement des parcs hôteliers ne viennent tuer des emplois et faire disparaître des établissements déjà sur sites. Mais, l’observation des marchés hôteliers prouve au final le contraire.
Ce phénomène n’est bien sûr pas directement lié à l’augmentation quantitative de l’offre — un hôtel ne crée pas par lui-même la demande hôtelière —, mais à une amélioration en parallèle des accès des villes (TGV, autoroute, aéroport…), à une hausse de la création d’entreprises notamment dans le tertiaire (qui ont souvent besoin d’une hôtellerie de proximité) et à une élévation du niveau de qualité de l’hôtellerie.
On accuse également les hôtels de chaînes de prendre de la clientèle aux hôteliers indépendants, comme on parlait des hypermarchés influençant la fermeture massive des petits commerces. Or, on sait que la majorité (environ 80 %) de la clientèle hôtelière n’a pas de préférence entre les chaînes et les indépendants. Leurs critères de choix d’un hôtel, selon leurs motifs de séjours, dépassent cette définition et s’inscrivent plutôt sur des registres liés au confort, à l’emplacement et aux prix.
Pour autant, il faut reconnaître que depuis 20 ans, beaucoup de petits hôteliers indépendants ont disparu du paysage touristique français. Mais, ce n’est pas l’arrivée de concurrents qui les ont « tué ». La cause de leur disparition se situe dans leur incapacité à se moderniser — beaucoup sont de trop petites capacités pour dégager des moyens de réinvestir et atteindre un seuil de rentabilité —, dans un manque de qualité des prestations et dans une lente inadaptation de leur offre aux attentes de la clientèle. Celle-ci les a fui, naturellement. Cette dernière est raisonnée. Pas folle, elle choisit en toute logique le meilleur rapport qualité/prestation/prix et le confort le plus moderne.
En résumé, un bon hôtel, bien commercialisé, avec une prestation adaptée à la clientèle n’a pas de raison de s’inquiéter de la venue de concurrents. En revanche, un hôtel à bout de souffle, au confort fatigué, à la commercialisation absente et aux prestations « limites » ne pourra jamais résister face à l’arrivée d’hôteliers plus professionnels.
Pour autant, il est clair que la création de trop de nouveaux hôtels dans une destination (dans toutes les gammes ou par gamme), qui n’aurait pas la demande suffisante pour les remplir, peut déséquilibrer le marché et mener à des banqueroutes hôtelières et à des guerres des prix, fatales pour les plus fragiles établissements.
(*) obligeant un hôtelier à demander une autorisation d’exploiter auprès de la Commission Départementale d’Equipement Commercial (CDEC) pour les créations et extensions d’hôtels de plus de 30 chambres en province et 50 en Ile-de-France. Règlementation supprimée en janvier 2009.
20 • « Les résidences de tourisme sont une concurrence déloyale pour l’hôtellerie »
Il y a aujourd’hui près de 2.300 résidences de tourisme en France (pour 178.500 logements) contre 2.000 il y a 10 ans, soit une évolution devenue molle. Sur ce parc actuel, on trouve environ 500 unités urbaines — que l’on appelle « appart’hôtel » — et près de 1.430 classés (étoiles). Il est difficile de dire que les résidences de tourisme forment réellement une concurrence « déloyale » à l’égard de l’hôtellerie, dès lors où les unes et les autres sont globalement soumises au même code du commerce que les hôtels.
Ces dérogations sont d’autant plus surprenantes qu’une résidence peut finalement travailler comme un hôtel, en recevant une clientèle à la nuit et en proposant des services hôteliers complets (nettoyage journalier du logement, repas, petits déjeuners, room-service…) ; ce que confirme la réglementation. Autrement dit, les résidences bénéficient d’une plus grande souplesse que l’hôtellerie et au final de moins de charges obligatoires d’exploitation. Elles doivent juste équiper leurs logements d’une kitchenette, qui peut être fermée par un store ou autre système.
Il y a donc une panoplie de réels avantages pour elles en termes de création et de « logistique d’exploitation ». De quoi leur permettre de vendre à plus bas prix que les hôtels ou du moins de bien rentabiliser leur affaire, avec moins de charges de personnel, tout en offrant des superficies de logements supérieures. Il peut donc y avoir sur ce point de vue une distorsion de concurrence entre l’hôtellerie et les résidences de tourisme, due à des conditions d’exercice et réglementaires plus favorables pour ces dernières.
Quant à l’aspect marketing, c’est-à-dire l’adaptation d’une offre à une demande, on ne peut pas parler de concurrence déloyale dès lors où les hôtels et les résidences ne captent pas, dans les faits, les mêmes clientèles. Les motivations d’achat et les attentes des deux types de marchés sont différentes. La preuve est donnée que la multiplication des résidences de tourisme, y compris celles qui s’installent dans les centre villes vers la clientèle d’affaires, n’ont pas fait chuter les taux d’occupation des hôtels, contre toute idée reçue. Cela s’observe dans toutes les grandes villes de France.
Les résidences restent majoritairement demandées par une clientèle qui a des besoins de moyens et de longs séjours (cadres en mutation, chercheurs, collaborateurs d’entreprises en missions de quelques mois, vacanciers…), avec une grande autonomie. Les séjours à la nuit y sont rarissimes, à l’inverse de ce que croient les hôteliers.
L’hôtellerie est au contraire mal adaptée pour les séjours de plus de 2 nuits. On peut cependant se demander si des aménagements dans la réglementation ne seraient pas à faire pour que les résidences de tourisme et les hôtels aient les mêmes obligations et les mêmes avantages, y compris fiscalement. Pour autant, il serait malveillant de parler pour les résidences de tourisme de concurrence déloyale et encore moins de para-commercialisme, puisque c’est la loi qui leur donne accès à un cadre particulièrement avantageux.
21 • « Airbnb prend massivement des clients aux hôtels »
C’est à grands cris et d’accusations arbitraires que les hôteliers avancent que la plateforme de locations de logements entre particuliers leur prend massivement leurs clients. Le problème est que cette dénonciation ne tient pas debout. Elle est totalement gratuite.
Malgré l’expansion astronomique d’Airbnb (sa création date de 2008, en Californie) depuis ces dernières années, dont fortement en France — son second marché après les États-Unis —, et malgré également près de 7 % de chambres de plus en hôtellerie sur ce même laps de temps, les taux d’occupation de notre hôtellerie sont les mêmes depuis une dizaine d’années (hormis les moments d’attentats et la période 2020-2021 du Covid). Ils ont même puissamment augmenté en 2017 et en 2019. De plus, il y a davantage de nuitées hôtelières, passant de 188 millions de nuitées en 2009 à 215 millions en 2019 (avant Covid).
En réalité, Airbnb développe sa propre clientèle additionnelle, dont les millennials, qui fréquentent peu à pas l’hôtellerie. Et cela n’empêche pas les voyageurs de continuer à aller dans les hôtels, le cas échéant, au moins pour leurs séjours professionnels ou très courts séjours. Nos études le confirment.
• Lire notre article sur le sujet. • Lire le Panorama de l’hôtellerie en France.
22 • « Airbnb fait de la concurrence déloyale aux hôteliers »
Autre angle d’attaque contre Airbnb et ses confrères (sans les nommer), Airbnb profiterait d’avantages qui le favorisaient face à l’hôtellerie. Or, des lois ont été votées pour ce type d’hébergement. Il faut juste veiller à ce que les propriétaires de logements mis en location sur la plateforme les respectent (déclaration en mairie, nombre maximal de jours de location par an, déclaration des revenus au fisc avec paiement d’impôts, taxe de séjours, etc.).
Les hôteliers demandent une équité de conditions d’exercice. Ils prennent exemple sur les normes de sécurité incendie. Mais, on ne voit pas comment comparer sur ce registre les contraintes d’un hôtel de 50 chambres, recevant un large public et sous statut d’ERP, avec celles d’un simple appartement en ville, ne recevant qu’un couple ou une famille à la fois, voire une maison / un chalet. C’est comme si on voulait que les bicyclettes soient équipées de la même manière que les voitures en accessoires de sécurité…
Quant aux hôtels, ils croulent sous une abondance de normes, obligations, réglementations depuis ces dernières années. Beaucoup sont aussi onéreuses qu’inutiles. Ne vaudrait-il pas mieux alors obtenir des pouvoirs publics un fort allègement de ces charges et contraintes réglementaires plutôt que de vouloir que les autres subissent la même chose ? Par analogie, ce serait de demander aux personnes valides de supporter les mêmes contraintes que les personnes handicapées.
Mark Watkins