Business plan : le passeport pour votre projet hôtelier
Les temps ont bien changé. Après bien des désillusions et des déboires, les banques et les investisseurs institutionnels sont de plus en plus capables d’analyser les business plans en hôtellerie, secteur bien plus complexe à comprendre qu’on ne le pense. Aux investissements onéreux. Et si au contraire ils se sentent encore légers sur ces dossiers, ils s’adjoignent alors à présent les services d’experts pour les assister et leur donner un avis consultatif.
J’en suis.
Si vous êtes porteur de projet, produire un plan d’affaires est bien sûr nécessaire pour boucler le tour de table de votre projet, mais aussi pour vous fixer, à vous-même, des orientations avec pragmatisme. Pour autant, un bon projet peut être mal servi par un business plan brouillon, approximatif et faisant amateur. C’est se tromper. À l’inverse, un business plan plein d’esbroufe et paraissant convaincant peut valoriser un projet hôtelier qui n’est pas bon et qui a « no future ». C’est tromper.
Justement, un expert saura détricoter ce genre de dossier et faire tomber les belles apparences trompeuses. Vous l’avez compris, doter son projet d’un plan d’affaires sincère, réaliste et professionnel est un visa pour trouver des relais financiers et des soutiens.
J’aimerais vous parler des nombreux business plans que j’ai étudiés pour des investisseurs et des banques. Sans jouer au donneur de leçons, j’évoque ici les mauvaises pratiques et leurs carences, imperfections et insuffisances, qui gâchent tout projet et toute aide possible. L’idée poursuivie est de favoriser la « fabrication » de business plans convaincants, fiables, raisonnés et bien pensés.
• QU’EST-CE QU’UN BUSINESS PLAN ET À QUOI ÇA SERT ?
Il s’agit d’un document central, avec des annexes, qui sert en premier au porteur d’un projet pour organiser ses idées avant de lancer son affaire. Mais, le business plan est destiné également, voire avant tout pour certains, aux investisseurs et aux banques, pour les convaincre sur le bien-fondé d’un projet et sur l’intérêt d’y investir (ou de prêter des fonds).
• QUE MET-ON DANS UN BUSINESS PLAN ?
Une étude de marché, la description objective de son idée de projet, les éléments juridiques d’acquisition d’un terrain avec ou sans un bâti, le coût de l’opération (acquisition, investissements, honoraires, travaux), un compte d’exploitation prévisionnel détaillé pour mesurer les possibilités de retour sur investissement et de rentabilité de l’affaire, les statuts juridiques des sociétés (murs et exploitation), le montage financier envisagé, le CV du ou des porteurs de projet, etc. Bref, tout ce qui concerne de près ou de loin le projet, son environnement et les conditions de réussite à prendre en compte.
• ÉTUDE DE MARCHÉ ?
Ce que cela devrait être : l’étude de marché est un moyen d’être informé, de comprendre et de pouvoir agir en connaissance de cause. Elle sert à situer et à positionner le futur hôtel dans son contexte de marché local dont il dépend (offre et projets concurrents, niveau quali-quantitatif de la demande dans la destination, environnement socio-économique local, tourisme, etc.). De la connaissance acquise par l’étude de marché, on peut estimer si le projet a des chances de trouver sa clientèle, et le cas échéant, quelle gamme, quels services et quelle capacité adopter. Et plus largement, si le futur hôtel, s’il se fait, peut fonctionner sur un plan marketing.
Mais, dans les faits : quand l’étude de marché n’est tout simplement pas intégrée dans le business plan et n’existe pas, ce qui arrive étrangement une fois sur deux, on a souvent affaire à du contestable. On trouve alors plusieurs cas de figures :
1) – L’étude est réalisée par le porteur de projet, ce qui n’est bien sûr pas interdit. Surtout s’il s’y connaît, ce qui est cependant exceptionnellement le cas. Sauf que les banques demandent de plus en plus que cela soit réalisé par un spécialiste (cabinet d’études, notamment). L’étude faite soi-même est justifiée par l’entrepreneur pour une ou plusieurs raisons, pas toujours bonnes il faut bien le dire :
- – Le porteur de projet ne voit pas l’utilité d’une étude de marché « je sais déjà tout ce qu’il faut savoir, une étude de marché ne va rien m’apprendre ». Il en produit une (ou ce qu’il appelle ainsi) parce que c’est obligatoire et demandé par sa banque prêteuse.
- – Il trouve que cela coûte trop cher et pense pouvoir se débrouiller seul en glanant des informations ici et là sur Internet. Pour ma part, je reste toujours surpris que l’on puisse faire l’impasse sur un tel outil éclairant et instructif, quand il est fait professionnellement. Sous-traité, il représentera une dépense de quelques milliers d’euros, à comparer avec le budget d’investissement de plusieurs millions d’euros pour un hôtel, avec de gros risques financiers.
Quand c’est une étude « maison », il est alors quasiment certain que le contenu sera un peu dans le registre du n’importe quoi, avec un air de bricolage : données macroéconomiques sur le tourisme français comme seule référence (« La France, première destination touristique mondiale ») pour valider le projet, alors que le futur hôtel travaillera exclusivement sur un marché local, galimatias de chiffres et d’informations sans intérêt avec le projet et sans lien avec la destination, idées reçues, fausses informations, mauvaises ou non interprétations des données collectées, enfonçage de portes ouvertes, etc.
2) – L’étude est réalisée par un cabinet d’études spécialisé en hôtellerie, ce qui reste peu fréquent. Et même là, le résultat n’est pas toujours fiable ni toujours neutre. La fourniture d’études de complaisance est chose courante : pour faire plaisir et surtout pour faire prendre les vessies pour des lanternes. Un nom de cabinet connu n’est pas toujours synonyme de travail bien fait, où l’on trouve dans les rapports des données inventées sur la demande, des analyses à côté de la plaque, des prescripteurs et clients potentiels (entreprises, agences, etc.) jamais interrogés ou encore des recommandations et une validation du projet qui sont en (total) désaccord avec la réalité du marché.
Cela ressemble alors à un travail de stagiaire, avec un inventaire des informations à la Prévert, sans queue ni tête. Ainsi, voit-on régulièrement des projets d’hôtels de luxe validés par le consultant, alors qu’il est facile de savoir que dans la destination la clientèle pour cette gamme d’hôtellerie ne viendra jamais et qu’on n’y compte que des voyageurs intéressés par de l’économique ou (peut-être) du moyen de gamme.
3) – L’étude est faite par un cabinet généraliste ou une junior entreprise d’école de commerce. Et là, on entre pleinement, quasiment à chaque fois, dans l’impossible à l’improbable compétence : comprendre un secteur d’activité avec ses spécificités, ses règles et ses contraintes comme l’hôtellerie, le tourisme et la restauration demande de grandes expertise et expérience que ces intervenants n’ont pour ainsi dire jamais.
Plus largement, dans la plupart des cas, on comprend que fournir une étude de marché ne se fait que parce que c’est exigé, mais que les porteurs de projets ne savent pas forcément quoi en faire, ni comment l’utiliser et comment en tirer bénéfice.
• ÉTUDE ÉCONOMIQUE DU PROJET ?
Ce que cela devrait être : elle est complémentaire à l’étude de marché. Cela se présente essentiellement sous la forme d’un compte d’exploitation prévisionnel (CEP) détaillé avec la description/justification de son contenu. Il inclut les chiffres d’affaires envisagés par postes de ventes et les charges d’exploitation, avant le Résultat Brut d’Exploitation et après (loyers, amortissements, frais financiers…). On attend clairement des projections réalistes, en harmonie avec ce que le marché peut offrir, avec l’aide d’une commercialisation vitaminée et d’un savoir-faire professionnel.
Mais, dans les faits : une majorité d’études économiques de projets hôteliers sont trompeuses, soit par excès d’optimisme, soit par ignorance, soit par envie d’épater les futurs financeurs. Parfois, les trois à la fois. Il est également fréquent que ce travail soit demandé à l’expert-comptable, qui n’est pourtant qu’exceptionnellement sachant en marchés touristiques et en fonctionnement hôtelier. Il se base alors sur des ratios sur chiffre d’affaires qu’il trouve ici et là, donc essentiellement théoriques puisqu’il ne sait pas comment fonctionne concrètement un hôtel.
• CHIFFRE D’AFFAIRES : le plus courant est de découvrir des prévisions comme sorties du chapeau ! Elles ne se basent sur rien de concret, d’étudié, voire de logique. On confond alors les objectifs de recettes et de remplissage à atteindre — la plupart du temps trop ambitieux ou même fantasmés ! — avec les possibilités liées au marché, au positionnement, au marketing à développer et à la demande potentielle, etc. — généralement beaucoup plus modestes. Quoi qu’il en soit, pour le porteur de projet, il faut que cela soit beau, que ça parle aux investisseurs et que les chiffres claquent comme des billets de banque.
Pour établir ses prévisions d’activité, l’exploitant évoque fréquemment des données générales de l’hôtellerie en France ou de la région d’implantation (pourquoi pas dans le monde !?). Ou encore celles d’une poignée d’hôtels (donc insuffisamment représentatifs) qu’un cabinet conseil a cru bon de mettre dans son rapport. Il en ressort couramment dans son CEP des taux d’occupation trop forts et logiquement inatteignables, des prix moyens chambre rêvés ou encore un volume de couverts pour le restaurant, le cas échéant, hymalayen.
Par exemple, quand dans une ville l’hôtellerie plafonne à 52 % de taux de fréquentation annuel dans la catégorie souhaitée, il est très peu probable que le futur hôtel puisse promettre 65 % de remplissage dès la première année. J’ai même découvert un prévisionnel d’exploitation où le porteur de projet avait fixé une progression annuelle de 3 % basée sur « la courbe du taux de croissance annuel du PIB de la France et de l’inflation » (sic). Une méthode qui n’a bien sûr aucun sens…
• MIX-CLIENTÈLE : c’est ce qui composera la demande de l’établissement. Et cela s’étudie ! Or, je ne sais pas combien de porteurs de projets, mais ils sont très nombreux, ignorent tout des clientèles hôtelières, de leurs motivations et comportements d’achat, du fonctionnement de la demande et de ce qui attire pour de vrai les voyageurs dans un hôtel.
Il est par exemple inutile de faire croire que l’on pourra remplir son hôtel avec une clientèle de week-ends, quand la destination en est dépourvue et ne reçoit que des voyageurs d’affaires (qui viennent du lundi au vendredi matin). Même chose quand on prétend accueillir une forte proportion de clientèle internationale, alors que la ville d’implantation est peu fréquentée par ce public.
• LA TARIFICATION : une des erreurs les plus récurrentes est de fixer ses prix de chambres en fonction de la concurrence (qui fait de même), sans tenir compte du seuil d’acceptation par la clientèle, lequel s’analyse. Comme tout porteur de projet pense que son futur hôtel sera mieux que celui de ses concurrents déjà installés, il surcote ses tarifs. C’est donc un marketing de l’offre qui est régulièrement adopté, celui qui impose fautivement ses points de vue aux clients. Or, dans une démarche de marketing de la demande, on s’adapte et on vérifie si l’on ne sera pas trop cher et que l’on pourra capter ce qu’il faut comme public.
Enfin, il faut clairement faire varier ses prix en fonction de périodes de forte et faible demande, des cibles de clientèle et d’autres facteurs fluctuants qu’il faut connaître. Or, il est fréquent que les tarifs soient figés ou juste saisonnalisés.
• CHARGES D’EXPLOITATION : là, l’objectif poursuivi est en général l’inverse de celui des recettes, que l’on cherche à gonfler. Pour produire un CEP du plus bel effet, on vise à minimiser les coûts d’exploitation. Tout est alors bon dans ce dessein : insuffisamment de personnel (première dépense dans un hôtel) et/ou des salaires souvent en-dessous du SMIC hôtelier sous 2 à 3 ans (il augmente en moyenne de 1 % par an), des frais d’eau-énergie, de produits consommés, de blanchisserie… peu plausibles, etc. Voire des charges carrément oubliées, ce qui est habituel.
Quand les exploitants ne prévoient pas tout simplement de ne pas se payer pour présenter d’agréables résultats, ce qui n’est évidemment pas sain, ni recevable. Le plus étrange est de trouver des études économiques se baser uniquement sur des ratios, y compris pour le personnel. Du coup, le résultat sera forcément bon, si vous prenez aveuglément un pourcentage plafond sur les recettes, sans tenir compte de la réalité des besoins. Il faut au contraire définir avec précision les effectifs utiles, poste par poste, et y adjoindre des prévisions de salaires avec les charges sociales. On voit ensuite si le ratio des frais de personnel tient la route, puis on trouve des correctifs si cela dérape ou l’on accepte ce dérapage pour se rattraper ailleurs.
• INVESTISSEMENTS : ils sont fréquemment sous-estimés, soit de bonne foi parce que l’architecte qui les a chiffrés s’est trompé, soit pour faire croire que le projet sera économiquement valable, soit par méconnaissance. On est généralement dans une moyenne d’investissement « normale » (hôtel neuf) quand cela atteint de 75 à 85 K€ ramené à la chambre, hors foncier, en milieu de gamme en province (hors Paris), et 130 à 145 K€ en haut de gamme. Autrement dit, un hôtel de 60 chambres en équivalent 3 étoiles représenterait un investissement total de près de 4,8 M€ HT. Dépasser ces bases moyennes de bonne modélisation économique hôtelière observées, c’est évidemment plomber les possibilités de rentabilisation du projet. Ce qui signifie qu’il faudra promettre des niveaux de prix moyens chambre et/ou de taux d’occupation impossibles à obtenir.
• LOYERS : on les propose régulièrement trop élevés (25 %, 30 % ou plus du chiffre d’affaires) pour appâter et séduire les financeurs, et les encourager à investir dans les murs. Ce qui n’est pas recevable et qui représente une dette trop lourde. Alors qu’il ne faudrait pas dépasser 15 à 16 % du chiffre d’affaires (hors Paris), en vitesse de croisière, pour une bonne modélisation économique hôtelière.
• MONTAGE FINANCIER : il est courant de constater que le porteur de projet prévoit insuffisamment de fonds propres. Cela signifie qu’il devra emprunter d’autant plus et que ses charges financières seront trop pesantes. Sans compter qu’avec moins de 40 % de fonds propres, voire 50 %, il sera désormais compliqué de trouver des prêteurs. Faire appel à de nombreux co-investisseurs ne sera pas non plus souhaitable. La gestion des relations avec ce public est toujours très complexe et chronophage une fois l’exploitation lancée.
• SUBVENTIONS : quand elles existent dans les régions et les destinations, attribuées par des collectivités, de nombreux porteurs de projets les intègrent dans leur montage financier. Or, étant aléatoires, conditionnées et imposant beaucoup de contraintes administratives, retirant par-là de la liberté, j’ai l’habitude de dire que les aides et subventions sont peut-être bonnes à prendre, mais qu’il faut les considérer comme un « pourboire » et surtout pas comme un élément à retenir pour financer son projet.
• LE PROJET ?
Ce que cela devrait être : il doit être décrit avec ses objectifs qualitatifs, ses espaces, ses capacités, ses équipements, ses locaux techniques et de stockage, à quels segments de clients il se destine, etc. …et ce qui motive à proposer chaque offre. Des plans devraient déjà être dessinés en avant-projet sommaire (APS), avec un chiffrage de l’investissement. Et attention à l’exagération et à la mégalomanie !
Un coûteux spa, est-ce vraiment une bonne idée ou nécessaire (lire notre analyse) ? Un restaurant gastronomique avec un chef étoilé, donc cher : existe-t-il vraiment une demande potentielle suffisante pour cela ? Des chambres de 16 m2, sanitaires compris : n’est-ce pas trop petit pour une hôtellerie haut de gamme ? Des chambres-dortoir : trouvera-t-on une clientèle pour cette offre atypique ? Un espace de coworking, est-ce vraiment une prestation rentable ?
Mais, dans les faits :
• ÊTRE LE MEILLEUR DANS LA VILLE : c’est un leitmotiv qui revient fréquemment. Encore un souci d’égo ou de recherche de valorisation. Tant mieux si cela devient vrai. Il est également juste qu’un hôtel flambant neuf peut être attractif, par rapport à des établissements locaux anciens et fatigués. Même si afficher des étoiles, un restaurant gastronomique et un spa ne sont pas des garanties pour être le meilleur. Enfin, il ne faut perdre de vue que si les concurrents sont mollassons, ils ne le resteront peut-être pas éternellement. Ils réagiront tôt ou tard en se rénovant et en développant une commercialisation musclée quand ils verront qu’ils perdent des parts de marché.
Et puis, on s’aperçoit très vite que les « meilleurs » ne le sont ou ne le restent pas, simplement en lisant leur e-réputation sur Internet après ouverture. Aussi, faudrait-il peut-être mieux se donner les moyens de l’excellence, mais sans trop de prétentions et sans sur-jouer le super-héros dans son business plan. Un entrepreneur se doit d’être ambitieux, mais humble et réaliste au stade de la création de son projet. Même s’il a déjà à son actif de belles réussites.
• HAUT DE GAMME : justement, de très nombreux hôtels qui se créent se placent désormais en 4 étoiles (ou assimilé). Il y en a près de 2.000 classés en France (sans compter les non classés), contre 1.300 en 2013, soit + 54 %. C’est cette furieuse envie de s’autogratifier, de plaire à la Municipalité ou de se distinguer de ses concurrents, qui pousse à surclasser, le cas échéant, son futur hôtel. Mais, il n’est pas certain que la clientèle pour ce type d’hôtel existe réellement, au juste prix. Car, si afficher des étoiles se fait en devant casser ses prix pour favoriser le taux d’occupation, personne n’en sera gagnant. Et l’on fera de la concurrence déloyale aux autres hôtels situés un cran en-dessous.
Précisément, une étude de marché honnête et professionnelle confirmera ou pas cette situation : existe-t-il un marché pour un tel hôtel dans sa gamme ? Enfin, ce n’est pas parce que l’on va transformer un majestueux château en hôtellerie haut de gamme, ce qui peut se comprendre au vu des lieux, que le public sera toutefois là pour le fréquenter… Lire notre analyse sur le sujet : des hôtels 4 étoiles comme s’il en pleuvait !
• SOUS-CAPACITÉ : un petit hôtel de charme avec une vingtaine de chambres sera souvent sympathique ou agréable à voir. Et le budget d’investissement est plus accessible que pour un plus gros. Mais, tout porteur de projet doit savoir qu’en dessous de 40 à 45 chambres, il sera difficile de s’y retrouver dans ses comptes et de dépasser le fatal seuil de rentabilité. Un hôtel a une moyenne de 85 à 90 % de charges fixes, qu’il faut payer, que l’on ait des clients ou pas.
L’étude économique, si elle est bien faite, permettra de vérifier facilement l’impact d’une sous-capacité, avec des résultats économiques qui seront presque toujours déficitaires, même avec un remplissage de fou. Paradoxalement, plus un hôtel est grand (sans aller jusqu’à la démesure), meilleur sera son taux d’occupation. Il pourra travailler avec un mix-clientèle plus large et obtenir de meilleurs scores de fréquentation.
• SE RÉFÉRER AU CLASSEMENT HÔTELIER (étoiles) pour déterminer son offre : la mauvaise idée (!) s’il s’agit de s’en tenir au contenu du référentiel. Les critères officiels de classement sont très minimalistes en termes d’exigences et loin des attentes des clientèles hôtelières. Pourtant, bon nombre de futurs hôteliers prennent ces critères au pied de la lettre, comme modèle pour leur projet. Il s’en suit des chambres trop petites et un équipement qui risque de décevoir très vite les clients.
• GREENWASHING ? Parce que de plus en plus de financeurs, mais aussi les collectivités exigent que tout projet qu’ils soutiendront engage une démarche environnementale, il est n’est pas inhabituel de trouver des porteurs de projet qui annoncent un catalogue gros comme ça de mesures qui aillent dans ce sens. Sauf que dans de nombreux cas, il ne s’agit que d’une posture arrangeante. Passés les ampoules basse consommation, le tri des déchets, des systèmes d’économies d’énergie et le respect de normes de construction (qui sont de toute façon obligatoires), l’on n’est que parfois dans une approche sincère. Mais, si cela passe, alors…
Il faudrait idéalement chercher à obtenir une certification ou qualification verte, sérieuse et reconnue, comme l’Écolabel, par exemple. Mais peu d’hôtels sont dans ce cas : lire notre analyse « Hôtellerie et écologie, un mariage difficile« .
• CHAINE HÔTELIÈRE : s’affilier en franchise à une enseigne, de plus « internationale », est présenté comme une garantie de qualité et de bon remplissage. L’évoquer sert notamment à rassurer banquiers et investisseurs. Sinon se rassurer soi-même. Hélas, ce n’est presque pas ou plus le cas depuis l’avènement des OTAs (Booking, Expedia…) : lire notre analyse sur ce sujet. Et encore moins vrai quand on a affaire à des chaînes hôtelières volontaires, qui disposent de peu de moyens et d’une notoriété poussive.
C’est alors payer de lourds droits d’entrée et redevances pour rien ou presque. La meilleure commercialisation ne peut provenir que de l’exploitant lui-même. Une chaîne produira dans le meilleur des cas un complément de demande, mais sans plus. Il vaudra souvent mieux conserver ces redevances pour les investir dans les efforts de commercialisation de l’hôtel. Quant à l’enseigne internationale, elle ne générera d’effet commercial que si la destination est déjà fréquentée par une clientèle internationale. Et encore, pas n’importe laquelle. Les gens ne provoquent pas un voyage dans une destination juste parce qu’on y trouve un hôtel affichant une marque internationale, pour peu qu’elle soit connue.
• « LES ÉLUS AIMENT ET VEULENT CE PROJET » : certes. A-t-on déjà vu des élus locaux détester voir arriver un bel hôtel, créateur d’emplois et de richesse ? Surtout s’il se fait dans un bâtiment historique en déshérence et si l’hôtel s’inscrit dans du haut de gamme à luxe, pour « servir le rayonnement de la ville ». C’est facile d’approuver, surtout si la collectivité ne met pas d’argent dans le projet et laisse un entrepreneur privé prendre tous les risques financiers. Cet argument du soutien par la Mairie (ou d’autres élus) est aimable, mais ne doit pas occulter qu’un projet doit avant tout être faisable, viable économiquement et justifié selon le marché.
• SURESTIMER LES ATOUTS DE LA DESTINATION : c’est l’argument principal des porteurs de projets hôteliers pour justifier de créer un nouvel établissement. La présence d’un palais des congrès, d’un grand site touristique ou culturel, d’un monument historique très visité, de festivals, etc. ou encore une ville inscrite au Patrimoine Mondial de l’Humanité (UNESCO)… forment la liste des atouts avancés. Mais généralement, ils fourvoient les entrepreneurs.
En réalité, il est fréquent que ces attractions ou infrastructures, même très fréquentées, ne produisent pas ou peu de nuitées hôtelières, notamment quand elles sont fréquentées par un public régional, qui n’a pas besoin d’hébergement, ou par des vacanciers qui logent dans d’autres types d’hébergement (campings, meublés…). Il peut également s’agir de sites à l’activité très saisonnière. Que fait-on alors durant les nombreux mois creux de l’année où la clientèle manque ? L’impact des attractions locales s’étudie sérieusement pour vérifier si cela peut bénéficier à un nouvel hôtel et sous quelles proportions.
De la même façon, il faut interroger des entreprises de la destination pour connaître leurs besoins en chambres, en restauration et en salles de séminaires, le cas échéant. Et savoir avec quels hôtels elles travaillent déjà et s’il existe une demande insatisfaite qualitativement et/ou quantitativement pour ces prestations. Bref, dans un business plan, il faut passer les suppositions et préjugés à la trappe, et mesurer objectivement la demande actuelle en présence.
• SE COMPARER AUX AUTRES : si comparaison n’est pas raison, il est bien sûr toujours bon d’analyser ce que font les concurrents sur la place, dans quel état ils sont et en corollaire comment se positionner par rapport à eux. Pour cela, il existe bon nombre de moyens via Internet (e-réputation, avis des clients, prix sur les plateformes de distribution hôtelière, présence sur les OTAs et guides spécialisés… voire commander les bilans). Le simple énoncé dans un plan d’affaires des principaux concurrents et de leurs qualités ne signifie pas que leur affaire est rentable et qu’ils doivent être pris en exemple pour justifier que le marché est porteur.
• UN HÔTEL NE CRÉE PAS LA DEMANDE : c’est un peu la tarte à la crème que l’on retrouve dans bon nombre de descriptifs de projets. On croit que parce qu’un bel hôtel va arriver, qu’aussitôt les clients vont affluer dans la ville. Sauf que les voyageurs viennent d’abord dans une destination pour ce qu’ils ont à y faire (loisirs / affaires) et que l’hôtel devient alors accessoire : un endroit où se loger. Un hôtel ne provoque jamais un voyage par lui-même, y compris comme établissement d’exception. C’est d’abord la destination qui prime et l’hôtellerie vit en dépendance totale d’elle et de son attractivité.
• L’ENVIRONNEMENT DE L’HÔTEL : on oublie que si un hôtel économique peut s’implanter dans des zones ou quartiers de tout type, ou presque, un hôtel de moyen de gamme à luxe doit bénéficier d’un environnement esthétiquement et presque culturellement valorisant, qui compte autant que l’offre par elle-même. Le bijou dans l’écrin, en somme. Bref, un hôtel prestigieux ne peut pas se fixer près d’une grande cité HLM ou dans une zone industrielle. Pourtant, c’est parfois ce qu’on voit proposer, parce que le coût du terrain est alléchant.
• NÉGLIGER L’ACCÈS AU SITE ET LE PARKING : un bel hôtel loin de tout (par exemple, un château dans la campagne profonde), mal desservi par les routes et le train (ou les transports en commun dans une grande ville) et doté d’insuffisamment de places de parking sera immanquablement handicapé. Que ce soit par rapport à la clientèle d’affaires, aux séminaires ou même à la clientèle de loisirs, qui accepte pourtant parfois de se loger à l’écart. Cet aspect est souvent mal pris en compte par les porteurs de projet.
• « ON LE FAIT PARCE QUE CELA MANQUE ». Voilà ce qu’on entend dire régulièrement, presque rituellement par les élus, repris par les porteurs de projets hôteliers. « Il n’y a pas une telle offre dans la ville, donc nous la proposons ». « Aucun hôtel n’a un spa, donc nous en avons prévu un ». Et si on ne trouve pas de porte-avions, faut-il en construire un ?
Plus sérieusement, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’hôtel de luxe et de restaurant étoilé qu’il existe une demande potentielle pour cela. Ce qui manque s’analyse encore une fois avec une bonne et juste étude de marché, sans complaisance. Par ailleurs, il peut y avoir une réelle carence en chambres d’hôtels dans une destination, mais le plus souvent c’est uniquement durant quelques mois à quelques semaines par an (haute saison). Ou lors de quelques grands salons ou congrès qui s’y déroulent. Le reste du temps, on verra peut-être une furieuse surcapacité hôtelière, ce qui n’est évidemment pas bon pour implanter un nouvel hôtel.
• L’ABSENCE D’UN RESTAURANT : la restauration est un autre métier que celui d’hôtelier et est généralement peu rentable. Ne pas inclure un restaurant est parfois un soulagement. Mais, il peut au contraire s’avérer nécessaire pour espérer un bon taux d’occupation, si l’hôtel n’est pas entouré de restaurants où ses clients pourront dîner. A contrario, il est parfois inutile d’en disposer d’un (pour les raisons évoquées précédemment). L’inclure dans le projet créera alors une surcharge pondérale dans le compte d’exploitation.
• PAS DE PLAN D’ACTION COMMERCIAL (PAC) et de plan de marketing : pour tout dire, au moins 4 business plans sur 5 que j’ai eu l’occasion d’étudier ne sont pas ou si peu complétés par une stratégie marketing et par un éventail des moyens commerciaux que le porteur de projet devra utiliser pour remplir et rentabiliser son affaire. C’est pourtant la clef de voûte de l’hôtellerie : savoir commercialiser et vendre. Bien davantage encore qu’il y a encore une dizaine d’années.
La réponse pour expliquer cette absence de PAC est la plupart du temps : « on verra ça plus tard ». Non. Sans ça, il n’y a pas de salut pour une affaire et il faut l’avoir élaboré dès le business plan. Négliger cette fonction est une méchante faute et mérite que l’on refuse le projet en tant que financeur. Construire ou reprendre un joli hôtel, dans une ville au marché porteur n’est pas suffisant. Que la concurrence soit agressive ou atone, il faudra dans tous les cas engager des actions commerciales futées et dynamiques. En allant plus loin, quand l’hôtel a plus d’une soixantaine de chambres et devra travailler sur plusieurs marchés, embaucher un commercial ne sera pas un luxe et se justifiera souvent. Au moins durant les deux années de lancement.
Quant aux budgets (qu’il faut dépenser intelligemment, bien sûr), nous recommandons toujours de démarrer à environ 6 % du chiffre d’affaires en années de lancement, pour descendre ensuite à près de 2,5 % à 3 % en vitesse de croisière. Sauf si le remplissage reste décevant : il faudra alors maintenir les efforts. A noter également que si les contrats commerciaux avec les plateformes et agences de voyages en ligne sont incontournables, il est bon de réussir à limiter le volume de chambres louées par ce biais à près de 20 à 25 % du total, en vitesse de croisière (après les deux années de lancement).
• LE CV DU/DES PORTEUR(S) DE PROJET : les banquiers et investisseurs sont désormais très regardants sur les capacités professionnelles du monteur de projet et futur exploitant. Outre sa motivation dans la création ou la reprise du futur hôtel, son apport financier et son énergie à s’y impliquer, on attendra de lui qu’il s’y connaisse en hôtellerie. Pourtant, bon nombre de porteur de projets ne sont pas hôteliers et leur affaire finit malgré cela par bien se porter après son lancement. Dans ce cas, pour convaincre, il est mieux d’expliquer que l’on saura bien s’entourer de professionnels (et le prouver) et suivre soi-même des formations. Un expert qui analysera le projet décèlera très vite quelles sont les capacités professionnelles et les qualités personnelles du porteur de projet et s’il a des chances de réussir dans son entreprise.
• ÊTRE CONSEILLÉ PAR DES NULS : quand on manque d’expérience et comme on ne peut pas tout savoir, il est normal de s’entourer de conseillers et de spécialistes pour monter un projet hôtelier. Le plus souvent il s’agira d’un expert-comptable et d’un architecte. Plus rarement, les entrepreneurs se feront assister par un juriste, un consultant/cabinet d’études, un décorateur ou un cuisiniste (s’il y a un restaurant dans le projet). Rechercher des aides extérieures ne peut être qu’une bonne chose et apportera un complément de savoir-faire.
Mais, dans un cas sur deux, on s’entoure de nuls, disons-le comme ça. Ils n’ont pas de connaissance en hôtellerie, ils ignorent tout des clientèles touristiques et sont souvent dans l’imposture. Même un architecte doit s’y connaître en hôtellerie pour dessiner et définir un hôtel. Enfin, de nombreux cabinets d’études avec pignon sur rue et leur armée de stagiaires font un travail de sagouin, qui déshonore le métier. Quitte à s’entourer, autant que ce soit avec des bons. C’est une règle universelle. Pour cela, il faut se renseigner sur ceux qui vont vous assister et ne pas se fier à une quelconque notoriété.
• A PROPOS DE LA FORME DES BUSINESS PLANS : je reste fatigué par la lecture des plans d’affaires qui sont dithyrambiques, qui présentent le projet avec emphase et moult louanges. Il est toujours « le plus beau, raffiné, prestigieux », « le futur meilleur hôtel de la ville », « un nouvel atout qui manquait à la destination », etc. Faire le paon ne leurre plus personne.
Je vois également beaucoup de déni, où l’on se contente de faire une longue liste des points forts d’un futur hôtel et d’un site, en négligeant volontairement d’établir celle des évidentes faiblesses et des lacunes. On observe également la tentation de produire un plan d’affaires qui ressemble davantage à une plaquette publicitaire qu’à un dossier de travail, ce qu’il devrait être exclusivement. C’est contre-productif. Enfin, il faut sortir de l’affectif. Certes, un projet est parfois l’œuvre d’une vie, auquel on s’attache. Mais, dans un business plan, seul le factuel et l’objectivité comptent. Pas de sentimentaliste, même si on aime savoir qu’en entrepreneur est passionné.
Encore une fois, un peu plus d’humilité, et moins de prétention et d’autosatisfaction encourageraient davantage l’envie de lire la prose d’un business plan et de prendre son entrepreneur au sérieux. On sera alors enclin à le soutenir et à l’aider dans son projet.
Mark Watkins